Que faut-il retenir de cette dernière Coupe d'Afrique de football ? Que l'équipe algérienne nous a laissé un goût d'inachevé, que les Egyptiens ont sauvé le régime de Moubarak en piétinant les règles de l'éthique sportive, que notre média lourd a été le dernier de la classe dans la couverture de la compétition, que notre diplomatie reste incompréhensible en laissant notre ambassadeur sur les bords du Nil alors que les Egyptiens ont retiré le leur depuis le fameux match du Caire, ou qu'enfin l'engouement des jeunes pour leur sélection a réussi à mettre nos dirigeants dans une situation inconfortable ? C'est pour vous dire, pas une seule mais plusieurs leçons qui doivent être tirées de cette aventure africaine qui semble avoir replacé notre football sur orbite mais avec des retombées sociales et politiques qui demandent à être décodées. Sportive d'abord : si pour l'entraîneur national le bilan est très positif à partir du moment où il a atteint les objectifs (…) qu'il s'était assignés, pour des millions de supporters le parcours de la sélection nationale pouvait être encore plus glorieux si le groupe avait bénéficié d'une meilleure maîtrise technique et psychologique. Les spécialistes disent qu'il y a de la bonne pâte, mais c'est parfois le coaching qui ne suit pas. Ici, c'est bien entendu le travail de Saâdane qui est soumis à la critique malgré tous les satisfecit que la vox populi et le sérail politique lui accordent. Face au Malawi déjà, le patron des Verts n'a pas été épargné par la presse qui lui a reproché les ambiguïtés de son système de jeu qui a mené la sélection à la catastrophe. Il y a eu, certes, une bonne réaction par la suite devant le Mali et l'Angola, ponctuée par une superbe prestation contre les Ivoiriens de Drogba qui révéla la vraie valeur des Algériens, mais re-confusion face à l'Egypte avec une prise de risque suicidaire au départ de la partie qui fit sortir Raouraoua de ses gonds. Le président de la Fédération de football n'a pas été tendre avec Saâdane en le critiquant publiquement dans la presse, et avec le recul, on constate que cette mise au point faite par le chef de la FAF était largement justifiée, même si par la suite notre équipe a été proprement « assassinée » par un arbitre corrompu et incompétent. L'EN avait-elle les moyens d'aller en finale et pourquoi pas remporter le trophée ? A cette question, beaucoup répondront oui si sa préparation avait été plus rigoureuse dans tous les domaines. Le coach avait, lui, prédit qu'il allait simplement prendre cette CAN match par match pour essayer d'aller le plus loin possible, mais pour les observateurs cette vision pour le moins empirique ne constitue nullement un programme compétitif adapté aux conditions actuelles du football moderne. Avec lui, l'EN a redoré son blason en se qualifiant à la Coupe d'Afrique et à la Coupe du monde, mais s'arrêter à un tel sentiment d'autosatisfaction peut s'avérer encore plus désespérant pour la suite si on ne prend pas conscience qu'une étape franchie est automatiquement un palier pour une autre.Politique ensuite : la jeunesse algérienne a fait corps avec son équipe nationale. Elle l'a soutenue en toutes circonstances, et même défaite par un score lourd face aux Egyptiens, cette dernière a été accueillie avec tous les honneurs à son retour à Alger. Dans toutes les villes du pays, on lui a fait la fête pour les moments de bonheur qu'elle a procurés au peuple. Cependant, les sociologues diront que les jeunes ont manifesté leur joie mais aussi ont tenu à se réapprorier la rue et l'emblème national comme pour dire aux dirigeants : « Nous existons dans ce pays que nous aimons. » L'émission « Sur le vif », animée par Ahmed Lahri a consacré son sujet à cette aspiration de la jeunesse qui saisit le prétexte du football pour envoyer des messages codés à la classe politique. Les invités de l'émission ont compris ces messages qui revendiquent une meilleure prise en charge de la jeunesse, reste à savoir si en haut lieu, on a eu la même perception. Médiatique aussi : la Coupe d'Afrique a une fois de plus mis à nu les carences professionnelles des journalistes sportifs de l'Unique. De toutes les chaînes arabes qui ont couvert l'évènement, c'est la Télévision algérienne qui aura été la moins percutante avec des envoyés spéciaux trop rigides qui manquaient terriblement de « métier » parce que trop habitués des studios, et des plateaux sommaires où les vrais spécialistes faisaient défaut. En somme, couvrir c'était se limiter soit à faire des envois sans trop se soucier du contenu largement rempli par un chauvinisme débridé, soit à organiser des discussions autour d'une table dans lesquelles les analyses ne volent pas haut. Mais la caractéristique générale est qu'à l'Unique aucune critique, aussi constructive fusse-t-elle, n'est permise à l'encontre d'une sélection et d'un entraîneur promis quels que soient le résultat et la manière de jouer à un encensement tous azimuts.Diplomatique enfin : l'Egypte s'en est donc retournée avec un troisième sacre, mais son succès contre l'Algérie restera pour longtemps comme une tâche noire dans son palmarès pour avoir agi plus dans les coulisses que sur le terrain. Cela dit, cette victoire des Pharaons a été ressentie par les Algériens comme une nouvelle provoc qui devait titiller les fibres de nos dirigeants encore naïfs de croire que du côté du Nil on était prêt à fermer la parenthèse. Les Egyptiens parlent mais ne renvoient pas leur ambassadeur… Le nôtre est toujours sur place et personne ne comprend cette attitude.