Six petits mois après sa réouverture intervenue en janvier de l'année en cours, le principal marché couvert des fruits et légumes de la ville de Souk-Ahras fait tristement banquette. Ainsi, le lourd investissement qu'a généré sa restauration suite à l'incendie qui s'y est déclaré en avril 2008, a carrément tourné au fiasco. Et une illustration, encore une, de l'argent public jeté, consciemment ou inconsciemment - cela reste à prouver en principe - par les fenêtres défoncées de la République. Les deux milliards de centimes investis par le Trésor public sont donc partis en eau de boudin auxquels s'ajoutent les 125 millions de centimes dépensés par la commune au titre des travaux engagés pour l'alimentation électrique des lieux. Ce triste et regrettable constat n'a paradoxalement pas donné lieu à la moindre réaction de qui de droit, comme si cet acte éminemment avéré de gestion maladroite des affaires de la Cité, relevait de l'ordre naturel des choses. Pourtant, la réalité est toute autre. Une structure restaurée à coups de milliers de dinars se doit d'être rentabilisée au retour, ça c'est élémentaire. Or, à quoi assistons-nous, s'agissant du présent cas de figure ? A une forme aboutie d'impuissance et surtout d'incompétence vis-à-vis d'une situation que le bon sens seul aurait suffi à régler en un rien de temps. Car, si les 101 locataires du marché ont décidé presque à l'unisson de quitter les lieux - il reste à peine une dizaine de locataires qui font de la résistance -, c'est parce que les pouvoirs publics n'ont pas respecté leur engagement initial de faire la chasse, comme convenu, aux vendeurs informels et donc illicites qui gravitent autour du marché faisant de l'ombre à ceux qui s'acquittent régulièrement de leurs charges. Las d'attendre indéfiniment un sursaut qui n'est pas venu et qui ne viendra certainement jamais, les marchands ont décidé d'abondonner leurs stands et d'aller voir ailleurs, c'est-à-dire, intégrer le circuit illégal fortement recommandé en Algérie et qui attire les consommateurs aguichés par quelques dinars en moins et des quantités de microbes en plus. Car, à voir dans quelles conditions pénibles et inimaginables se font les courses des citoyens, en partie responsables de cette détérioration, il y a fort à parier qu'il existe à Souk-Ahras de nombreux foyers d'épidémie non décelés. Et, il y a de quoi nourrir toutes les appréhensions, à voir la viande fraîche ou prétendue telle, vendue à la criée dans des bassines noires d'insalubrités, les fruits et légumes étalés sur le sol crasseux, le poisson et les abats envahis par les mouches et exposés sur des plats moisis, la benne à ordures placée à l'épicentre et qui dégage des odeurs qu'un être humain normalement constitué ne supporterait pas une seconde. A voir toutes ces scènes atroces et horribles d'incivilité et de rétorsion, on en arrive à oublier que nous sommes en 2009, que des autorités compétentes existent, que des réseaux de contrôle de la qualité activent et, enfin, qu'un peuple flirte en permanence avec les dangers les plus insoupçonnés. Surtout que ces mêmes images se reproduisent un peu partout, à Souk-Ahras. Le maire de la ville à qui nous avons soumis cette déplorable situation a répondu : « je partage tout à fait ce constat. Il y a, quelque part, faillite. On devait délocaliser les revendeurs parasitaires, mais on ne l'a pas fait. Mais il faut savoir aussi que l'APC n'est pas seul acteur sur scène, il y a d'autres intervenants qui doivent s'impliquer ». Il faut reconnaître que cette déclaration vaut ce qu'elle vaut mais qu'elle n'est pas décisive. Elle ne fait pas avancer les choses, au contraire. Elle donne aux informels de tous les bords un quitus pour développer leurs activités en toute impunité et aiguiser leurs armes en perspective du mois sacré où tous les coups deviennent permis. Voilà donc la genèse d'un marché retapé à coups de millions pour être ensuite abondonné, comme sont abondonnés ses locataires. N'est-ce pas là, l'expression d'un gaspillage de haute facture dont sont responsables plusieurs intervenants mais qui n'est assumé par personne ? Le poisson continuera d'être noyé aussi longtemps que durera l'impunité mère de tous les excès, de toutes les dérives.