Cette année, le mois sacré de Ramadan a commencé dans une ambiance plutôt «lourde». La canicule ajoutée à la surchauffe des marchés a mis le moral du Tiaretien dans... les semelles. En ce lundi, troisième jour du jeûne, il est onze heures passées et la ville traîne le pas encore. A la «place rouge», véritable coeur battant de la Rostémide, seuls les lève-tôt les sans «occupations fixes» «tuent» le temps à faire les cent pas à l'intérieur du marché couvert. «Le Ramadan a tellement perdu de son charme et... de son sens que tout le monde se contente de faire comme tout le monde, en attendant les bonnes ripailles de la soirée, sans plus...» commente avec beaucoup d'à-propos Ammi Djillali qui se souvient de ce Ramadan certes caniculaire des années quatre-vingt mais autrement plus «savoureux tellement l'ambiance et même les gens étaient autres», nous sussure-t-il, à l'oreille. Les cheveux ébouriffés et le regard comme éteint, un légumier au marché couvert du centre-ville somnole à attendre un client improbable qui ne viendra sans doute pas. Et pour cause... cette année, le fruit du pauvre qu'est la pomme de terre tutoie des cimes pour atteindre les 45 dinars le kilo. Vedette parmi les vedettes et valant son pesant d'or, la pomme de terre est même vendue concomitamment au client «fourguée» au pauvre client avec d'autres légumes à l'apparence «douteuse». Pour cinq kilos du précieux tubercule, le légumier vous impose la même quantité, au gramme près, en d'autres légumes comme l'oignon, l'ail ou même de la salade à 140,00 dinars le kilo. La carotte joue elle aussi à la star et ne se fait céder qu'à 40 dinars le kilo. Le navet, d'habitude au ras des pâquerettes, est cédé lui aussi à 40 dinars le kilo. Au chapitre des viandes, la situation n'en est pas plus rassurante à en juger par les prix affichés sur les étals achalandés des bouchers qui ont «pignon sur os». L'ovin à 750,00 dinars, le bovin à 800,00, le poulet à 330,00 et la dinde à 320,00 dinars le kilo, nombreux sont ceux qui ont constitué un stock de «Jambo» et autre «b'nina» pour donner quelque goût à leur chorba. En effet, en ce troisième jour du mois de carême, par une température caniculaire, seules quelques rares silhouettes avachies traînent le pas dans un marché empli d'une atmosphère assoupie et propice à toutes les «sarabandes». A commencer par celle de la mercuriale qui s'est «cabrée» les trois premiers jours du mois de toutes les privations pour retrouver (peut-être ?) quelques jours plus tard, des niveaux plus «vivables». Mais si la tendance, en ces premiers jours du Ramadan est plutôt à la hausse, ce sont les différents marchés de la ville qui connaissent une fréquentation record avec une frénésie d'achat presque jamais égalée. Ceux qui pensent que les Algériens sont trop pauvres pour passer un Ramadan sans le pain ou même sans un morceau de viande n'ont qu'à venir voir de ce côté-ci du pays, ironise Kaddour, venu au marché couvert de la ville juste pour acheter des achats de volailles à son frère «mis» au chômage depuis.... dix ans. Au marché de «Volani» une foule bariolée joue des coudes... et des nerfs, sur un sol «gorgé» de déchets en tous genres et de... pickpockets surtout. «Boustifaille» mise de côté, à Tiaret, le Ramadan «cuvée 2008» n'a pas vraiment... bon goût. Et encore que cette litote ne convient pas à tout le monde puisque pour de nombreux Tiaretiens, le Ramadan de cette année a carrément «mauvais goût». En effet, à part, peut-être, les habituelles «esclandres ramadanesque» trop nombreuses alors que le mois de tous les tracas ne fait que commencer, le Ramadan à Tiaret est si insipide que tout le monde a de la peine à «convoquer» son appétit quand «fuse», telle une délivrance, une voix mélodieuse, celle du muezzin autorisant le peuple des jeûneurs à faire dans la ripaille. Au rayon des activités culturelles, tout le monde... est aux abonnés absents. Victime du changement de l'ordre des «basses» priorités, la chose de l'esprit n'est plus courtisée par personne, la preuve que plus personne n'a encore appris à mettre de la culture... Dans sa marmite. Pour le reste, quoi d'autre à vivre que ces vols en tous genres et de toutes sortes, le commerce à la mode du pain syrien, qui détrône le fameux pain «volcan», variété locale si prisée que tout le monde se l'arrachait, il n'y a pas si longtemps de cela, à 25 dinars pièce. Après le f'tour, si les visages reprennent des couleurs, les veillées ramadanesques sont chaudes et si longues, trop longues et insipides comme une «chorba b'lech». Au silence radio» du côté de l'animation culturelle et artistique répond une ville «dévidée» avant vingt-trois heures tapantes même si le Ramadan coïncide cette année avec la période estivale et celle des vacances scolaires. Même le temps plus clément le soir, la bonne couverture sécuritaire de la ville ne semblent pas emballer une giga-cité qui a désappris à vivre... Seuls les cafés sont bondés par des couche-tard qui se shootent au café et autre thé jusqu'à risquer une insomnie chronique... Signe des temps, même les irremplaçables jeux de dominos, rami et autre belotte semblent comme passés de monde au point que toute la ville se met à roupiller d'un sommeil de loir bien avant l'heure du s'hour... En ces autres temps et ces autres moeurs, qui pouvait croire un instant que même le Ramadan était capable de nous laisser sur une grosse dalle...!