C'était il y a 12 ans déjà, par un après-midi particulièrement pluvieux de ce samedi 27 septembre 1997, qui restera gravé dans la mémoire des Algériens. Il était un peu plus de 15 h. Une pente sinueuse où le véhicule transportant les enseignantes qui venaient de terminer les cours à l'école de Aïn Aden (Sehamda) devait ralentir à cause de la charge, quand soudain surgissent des hommes armés. Ils font signe au chauffeur de serrer à droite... L'ordre fut donné aux enseignantes de descendre du véhicule. Le doute s'empara alors de ces dernières et des cris d'affolement sont poussés en essayant de s'enfuir, mais elles sont rapidement rattrapées et maîtrisées. Elles avaient le pressentiment qu'elles étaient recherchées dès lors qu'elles avaient transgressé les consignes des hordes sévissant dans la région de Sidi-Bel-Abbès de ne pas dispenser les cours de français ou autres à l'école car, pour ces terroristes, «la mission principale des femmes étaient de s'occuper des enfants à la maison et non pas à l'extérieur». Les institutrices avaient reçu auparavant ces menaces leur intimant l'ordre de cesser d'exercer ce métier considéré comme illicite. Elles n'en ont pas tenu compte en faisant fi de leurs menaces et ont continué à se rendre chaque jour dans cette école, bravant ainsi l'interdiction d'enseigner dans ce coin perdu de l'arrière-pays qu'est Sehamda, car c'était leur gagne-pain. Elles ne pouvaient aucunement, comme c'était le cas d'autres fonctionnaires à l'époque, se complaire en présentant un faux certificat médical et surtout leur statut social ne leur permettait pas de bénéficier d'une quelconque assistance de la part de la tutelle éducative de l'époque, qui leur avait signifié une fin de non-recevoir irréversible lorsqu'elles se présentèrent auparavant en faisant part des menaces dont elles étaient l'objet. En ce détour isolé de l'Algérie profonde, sur les terres des courageux Ouled Slimane, principale tribu de la région, s'élevèrent des cris de suppliciées et de désespoir de ces filles qui ne pouvaient arrêter les sanguinaires. Même le ciel s'était mis à pleurer, lorsqu'elles imploré dans un vain espoir des bourreaux décidément sourds et insensibles aux larmes et supplications des victimes. La sale besogne de ces sanguinaires n'allait pas tarder, car elles furent ligotées et l'acte ignoble de l'assassinat eut lieu. Gisant dans une mare de sang, les corps des victimes seront abandonnés au milieu d'une vaste étendue de verdure des heures durant, avant qu'elles ne soient évacuées. C'est une infirmière, encore une femme, qui, tout en prenant son courage à deux mains, organisa dans un climat d'horreur leur évacuation. Toute la population de Sfisef, d'où étaient originaires les jeunes institutrices, resta pour longtemps sous le choc. Les élèves de l'école de Aïn-Aden ont été privés ainsi de leurs enseignantes qu'ils chérissaient. A l'endroit même où fut tendue l'embuscade par les sanguinaires aux jeunes institutrices - avec parmi eux un homme, à savoir Saber Habib -, il est opportun de savoir que des volontés du mouvement associatif de Sfisef ont perpétué le combat séculaire et la résistance de la région, fière de ses filles et de ses fils, en édifiant une imposante stèle portant tous les noms des victimes, à savoir Dich Amina, Tounsi Aziza, Boudaoud Kheira, Bouteraa Rachida, Mehdane Zohra, Bouhend Fatima, Fliou M'hamdia, Louhab Naïma, Lenfad Hafida, Cherrid Kheira, Bouali Hanafi Sahnounia. Elle a été érigée en leur mémoire, et de nombreux gestes, écrits, évocations, pensées sont régulièrement entrepris malgré les périodes difficilement vécues dans la région de Sfisef et de Sidi-Bel-Abbès au vu des multiples contraintes socio-économiques qui ne peuvent aucunement se dresser pour entreprendre un modeste hommage afin d'éviter les plaies béantes de l'amnésie galopante de se refermer autour de tous les combats et des sacrifices humains.