Samedi 27 septembre 1997. Il était un peu plus de 15h. Une fin de journée particulière, gravée dans la mémoire des Algériens. Douze enseignants, dont onze jeunes femmes, venaient d'être assassinés de la manière la plus atroce par un groupe terroriste du GIA, près de la localité de Aïn Adden, à 60 km du chef-lieu de la wilaya de Sidi Bel Abbès. C'était par un après-midi pluvieux. « Même le ciel s'était mis à pleurer, implorant dans un vain espoir des bourreaux décidément sourds et insensibles aux larmes et supplications des victimes, ‘‘coupables'' d'avoir transgressé les consignes des extrémistes », entend-on encore dire. Dich Amina, Tounsi Aziza, Boudaoud Kheira, Bouteraa Rachida, Mehdane Zohra, Bouhend Fatima, Fliou M'hamdia, Louhab Naïma, Lenfad Hafida, Cherrid Kheira, Bouali Hanafi Sahnounia et Saber El H'bib avaient presque le même âge, partageaient le même espoir et œuvraient pour un même objectif : inculquer du savoir à de jeunes enfants au moment où le pays tout entier glissait vers l'inconnu. L'obscurantisme. Ils ont accepté de se rendre là où même un « fou » n'irait pas, bravant ainsi l'interdiction d'enseigner dans ce coin perdu de l'arrière-pays qu'est Aïn Adden. Les institutrices avaient reçu des menaces du GIA, quelques jours auparavant, leur intimant l'ordre de cesser d'exercer un métier répertorié comme illicite. Elles n'en ont pas tenu compte et ont continué à se rendre chaque jour dans leur école. Interdiction décidée par un « égaré » à la réputation sinistre. Selon de nombreux témoignages, dont celui du seul rescapé de cette tuerie innommable, le commanditaire et l'exécuteur en chef de ce massacre n'était autre que Bahri Djillali, alias Dib Djiane (loup affamé). Gisant dans une mare de sang, les corps des victimes seront abandonnés, au milieu d'une vaste étendue de verdure, des heures durant avant qu'ils ne soient évacués. C'est une infirmière, encore une femme, qui tout en prenant son courage à deux mains organisa dans un climat d'horreur leur évacuation, se remémore un proche parent d'une des victimes. La population de Sfisef, à 19 km de Aïn Adden, d'où étaient originaires les jeunes institutrices, est sous le choc. Les élèves de l'école de Aïn Adden ont été privés de leurs enseignantes en l'espace de quelques instants. A une dizaine de kilomètres de cette localité, là où furent égorgées les 11 enseignantes, une stèle a été érigée à leur mémoire. Une stèle inaugurée en 2002 par le ministre de la Solidarité nationale, Djamel Ould Abbas, qui avait alors promis de contribuer à la création d'un parc de la paix. Un projet s'inscrivant dans le cadre d'une initiative lancée par l'ancien responsable de l'Unesco, Federico Mayor, en septembre 1999, à laquelle ont adhéré les familles des victimes. Le projet, qui n'a toujours pas vu le jour, consistait à ériger à la mémoire des enseignantes assassinées par la nébuleuse islamiste un parc pour la culture de la paix autour d'un arbre millénaire classé monument naturel historique en 1912. Ce majestueux arbre, appelé « arbre de fer », trône aujourd'hui encore au centre de la place publique de Sfisef. Mardi 27 septembre 2005, huit ans après, la ville de Sidi Bel Abbès s'apprête à accueillir le président de la République à l'occasion de l'ouverture officielle de l'année universitaire 2005/2006. Jusqu'à hier, l'étape de Aïn Adden, où se rendaient chaque année les familles des victimes et les représentants de la « société civile » pour rendre hommage aux enseignantes, ne figurait pas dans le programme officiel de la visite présidentielle.