Tous les coups sont permis pour faire tourner en rond le FLN en attendant que les décisions le concernant soient prises en «haut lieu». Rares sont les membres du conseil national qui en compte 550, qui savaient que les rapports des 7 sous-commissions devaient être descendus à la base «pour être enrichis» avant de remonter définitivement au sommet du FLN pour être soumis à une ultime appréciation, celle du 9e congrès dont la date n'a pas encore été fixée. Au-delà de la poignée de responsables du FLN qui le savaient, les autres, commun des mortels, ne l'ont su que lundi lors de la séance inaugurale de la série de réunions que le FLN a programmée jusqu'à demain à la mutuelle de Zéralda. Cette session du conseil national a été baptisée au nom au défunt Saïd Aït Messaoudène. Le dimanche dernier, le secrétaire général du FLN avait réunion dans la matinée, la commission de préparation du 9e congrès et dans l'après-midi, le comité exécutif, les deux instances se partageant les mêmes membres. Les trois rendez-vous ont été ouverts par un discours des plus classiques que Abdelaziz Belkhadem avait prononcé sur un ton des plus solennels, soutenu par des intonations graves. Il a insisté sur le fait que «ces réunions n'ont rien d'ordinaire mais revêtent un caractère d'une extrême importance». Les petites gens du parti échangeaient lundi des regards interrogateurs pour essayer de comprendre ce que Belkhadem trouvait d'important, cette fois plus qu'avant à des sessions qu'on dit «sans enjeux». Lundi, à Zéralda, le SG du FLN avait prévenu l'assistance bien nombreuse qu'une fois les rapports débattus et enrichis par la base dans les congrès régionaux, ils seront retournés en février au comité exécutif. Ce dernier jettera un oeil sur ce qui a été ajouté et le conseil national sera convoqué encore une fois pour finaliser l'ensemble des textes. Ce n'est qu'après toutes ces étapes que la date du congrès pourrait être fixée. Le 19 février ? Le 19 mars ? Durant le premier trimestre 2010 ? Après ? Avant ? Quelle date ? Personne au niveau du FLN n'est en mesure de répondre précisément à ces questions. Le congrès qui constitue selon des ministres membres du conseil national «un tournant dans la vie du parti» n'a pas encore de date précise. Belkhadem aurait lancé, lui, la date du 19 mars mais sans grande conviction. «On ne savait pas que les rapports allaient descendre à la base, on ne comprend pas pourquoi le SG a décidé de le faire», nous disaient lundi de nombreux élus. Il semble que le FLN a été instruit pour prendre tout son temps avant d'aller au congrès. Ce qui est évident, c'est qu'il n'a pas encore eu l'accord de son président qui seul peut décider d'une date. Abdelaziz Bouteflika a demandé, selon des sources crédibles, à ce que les rangs du parti soient assainis en premier. Ce qui s'est passé en 2002 était inédit. Le président de la République avait permis à Ali Benflis de devenir SG du FLN certes, mais il n'en avait pas anticipé les conséquences. L'idée d'être concurrencé par celui-là même qu'il a «fait» ne lui avait jamais traversé l'esprit. Le staff dirigeant du FLN de l'époque avait réussi à faire un forcing sur la base du parti pour la pousser à soutenir en 2005 la candidature de Benflis à la présidence de la République. La suite est connue de tous. Avant même 2005, chargés à bloc par Bouteflika, ceux qui avaient été avancés comme «redresseurs» avec à leur tête Belkhadem, devaient absolument inverser la tendance. Il a été fait en sorte qu'il y ait le plus de monde possible dans les instances du parti pour constituer une force de persuasion du bien-fondé du «redressement». Le bureau politique était donc devenu comité exécutif et le comité central était devenu conseil national. Tous poussaient du coude pour en être membre et pour soutenir celui qui devait rester «debout». Dans des moments pareils, l'allégeance et l'opportunisme ont toujours fait oeuvre utile. L'essentiel était pour tous d'être retenu et compté dans le sérail. Il ne fallait même pas exercer de pressions pour voir des mouvements de masse laisser tomber Benflis et se «redresser» pour rejoindre celui qui avait convoqué les arcanes de l'histoire non seulement pour se maintenir en place mais pour les (ré)occuper le temps qu'il voudra. Bouteflika avait enclenché une machine qui a laminé Benflis, seul. Tous ceux qui lui avaient juré fidélité pendant sa folie d'atteindre les cimes d'El Mouradia, l'avaient lâché sans remords. «Tout est verrouillé» Quelques-uns se sont agités ces deniers mois pour tenter d'imposer l'idée d'un congrès extraordinaire. Mais de l'aveu même de ceux qui se prétendent - encore - du courant Benflis tout en travaillant avec Belkhadem, il est lancé «on ne peut rien faire et on ne fera rien, tout est verrouillé». Dimanche, au Mouflon d'Or, des membres du comité exécutif, heureux de servir les intérêts du pouvoir Bouteflikien, nous disaient sans craindre le ridicule que «toutes ces réunions, c'est du folklore et ces responsables sont «khodhra foug aâcha», on sait que personne ne prendra de décision, Belkhadem attend les instructions, ça a été toujours le cas dans le parti». 2002 aurait été ainsi l'exception qui confirmerait la règle. Pour garder le cap fixé par Bouteflika, Belkhadem recourt, nous dit-on, à l'exclusion et à la marginalisation de tous ceux qui auraient des velléités de changement. D'ailleurs, il ne s'est pas gêné de censurer l'un des caciques de l'ex-parti unique. Abderrazak Bouhara, président de la commission «FLN et Message de Novembre», s'est vu en effet retirer son rapport en catimini par le SG qui a refusé, selon des membres du comité exécutif, d'en faire des copies aux membres du conseil national. «Belkhadem a dit à Bouhara qu'il est sorti de la ligne qui a été tracée», nous ont avoué des membres du comité exécutif à ce propos. Le SG s'est même arrangé pour faire produire un contre-rapport et le faire distribuer. Rompus aux pratiques manoeuvrières comme tous les apparatchiks du FLN, les pro-Bouhara ont réussi lundi soir à remettre la première version à l'ensemble des membres du conseil national. Un ministre nous disait lundi qu' «on craint une prise de bec entre Belkhadem et Bouhara, mais Bouhara nous écoutera, on lui demandera de ne pas faire de remous ». Le rapport Bouhara est venu bouleverser la ligne du parti, passée et présente pour en tracer une tout nouvelle, une des plus incompatibles avec le discours ambiant. Au-delà de ce remue-ménage que le SG tente d'étouffer, le mécontentement se fait sentir dès qu'il est question de rappeler que le poste de président du parti qu'occupe Bouteflika, lui sera encore une fois proposé dans les nouveaux statuts. «Nous sommes dans l'archaïsme le plus total», nous a dit sans ambages un ancien ministre membre du comité exécutif, dimanche dernier, dès l'ouverture de la 1e réunion au Mouflon d'Or. Mais personnes n'osera en parler ouvertement en réunion. Les temps sont très incertains pour tous. Recentrage prémédité L'on se plaît au FLN à répéter, cette fois-ci à haute voix, que «nous sommes la ligne nationale, on revient aux idéaux de novembre, à l'Etat social et démocratique et aux grands principes de politique sociale que le président Bouteflika a mis en oeuvre depuis 1999». Durant ces rencontres, ils passent de longues heures, «la nuit s'il le faut» a prévenu lundi Belkhadem, à déterminer avec exactitude la terminologie qui sied convenablement aux référents idéologiques et politiques retenus à cet effet. Ceci, disent-ils, pour «lever toute ambiguïté et éviter les amalgames». Ils tiennent absolument à se distancier du RND et à le distancer. Dernier argument retenu contre lui «son alliance contre nature avec le PT en prévision des prochaines sénatoriales». Le RND étant cet autre instrument du pouvoir en place, il est dur de croire qu'une telle cacophonie n'est pas préméditée. Les apparatchiks du FLN trouvent que dans cette session de leur conseil national, Belkhadem tient un discours rassembleur, pour un recentrage du parti autour de ses fondamentaux, un retour aux sources. Le SG lui-même avait lancé de la tribune de Zéralda que «tout ce qui nous a été pris, nous allons le reprendre à «dos de chameau»». Une expression bien arabe pour dire, nous explique un responsable, que «nous allons partir en guerre pour nous réapproprier ce qui nous a été enlevé». Par qui ? Contre qui ? L'on ne vous dira pas que c'est le RND. En tout état de cause, instruction a été donnée au FLN par son président pour ne laisser s'entendre aucune voix discordante. Bouteflika semble déterminé à remettre le FLN dans la ligne où il l'avait laissée, quand il était membre très actif de son comité central, avant et même au temps de Chadli Bendjedid. C'est ce qui doit lui convenir le mieux après des tentatives de réformes avortées qui ne lui ont pas servi à grand-chose. Bouteflika ne craint pas de redéfinir la scène politique conformément à ses ambitions pour un règne absolu et sans limite.