Maçon, coffreur ou ferrailleur, des petits métiers qui créent la crise dans le secteur du bâtiment. Entrepreneurs et promoteurs immobiliers cherchent désespérément ces ouvriers, devenus des «perles rares» au moment où le chômage bat son plein dans le marché de l'emploi et les offres de travail restent au-dessous de la demande. Crise préméditée ou réel déficit de ces petits métiers ? Les professionnels du bâtiment ainsi que la direction de l'emploi d'Oran sont unanimes dans leur diagnostic de la situation. Difficultés de trouver ces ouvriers qui sans eux les chantiers n'avancent pas. Tous les entrepreneurs et promoteurs immobiliers qui arrivent à dénicher ces qualifications font en sorte de les préserver le plus longtemps possible pour éviter tout retard dans l'avancement des travaux. Pourquoi ces petits métiers dévalorisés, mais indispensables dans le bâtiment, ont-ils créé la crise dans un secteur souvent déstabilisé par les pénuries répétitives des matériaux de construction ? Pour les professionnels du bâtiment, ces métiers n'attirent pas grand monde dans la formation professionnelle. «Les jeunes fuient ces petits métiers qu'ils considèrent dévalorisant», nous explique le président de l'Union des promoteurs immobiliers (UNPI), M. Chemmam. Si on ne se bouscule pas pour apprendre ces métiers, la conséquence sera la pénurie dans le secteur du bâtiment. Pire encore, nous explique le président de l'UNPI, cette pénurie sert d'argument solide justifiant le recours à la main-d'oeuvre étrangère, chinoise en particulier, dans le seul but de combler le déficit. Cet intérêt à la main-d'oeuvre a évidement fait monter les enchères et laissé libre champ à ces ouvriers étrangers de fixer leurs prix, très élevés par rapport à la main-d'oeuvre locale. «Vu que nous sommes tenus par des délais de réalisation, nous sommes obligés de faire appel à ces travailleurs même si on perd sur le coût». Pour l'anecdote, notre interlocuteur indique que «pour la réalisation d'un projet de logements dans la daïra de Aïn El-Turck, nous avons été confrontés à ce problème. Impossible de trouver des maçons qualifiés dans cette localité. Alors, nous avons décidé de faire appel à des maçons de la ville d'Oran. Pour transporter ce personnel au chantier, il a fallu négocier avec les chauffeurs de taxis pour assurer leur transport quotidiennement». Cette crise est aussi ressentie par l'Union générale des entrepreneurs algériens (UGEA). Le président de la section d'Oran de cette organisation, M. Akeb, parle également de difficultés de dénicher des maçons, des coffreurs ou des ferrailleurs. Pour éviter ce véritable casse-tête chinois, l'UGEA a signé l'année dernière une convention d'insertion professionnelle avec la direction de l'emploi pour le recrutement par le biais de l'ANEM de 400 ouvriers dans les chantiers. Or, depuis la signature de cet accord, rien n'a été fait dans ce sens et l'ANEM a été incapable de fournir une liste de ce personnel. «N'ayant rien reçu de l'agence, nous continuons à travailler avec les moyens du bord. Nous recrutons sur le tas et ce n'est pas une tâche facile. Nous avons cru qu'avec la signature de cette convention, notre problème sera réglé, mais hélas non». Contacté pour avoir des explications sur ce retard accusé dans la mise en oeuvre de cette convention, le directeur de la direction de l'emploi incombe cette situation au manque d'offres pour les petits métiers du bâtiment. «Nous n'avons pas pu fournir de liste à l'UGEA pour la simple raison que les demandes pour ces postes d'emploi sont insignifiantes. Les agences ont eu du mal à réunir les profils demandés. Les jeunes ne veulent pas exercer ces petits métiers. Pour les architectes, les topographes et les jeunes formés en génie civil, le problème ne se pose pas et nous avons pu faire des placements, mais pour la petite main-d'oeuvre, c'était impossible». Sur la convention signée avec l'UGEA, le même responsable rassure qu'elle sera relancée et une réunion est prévue dans ce sens avec les représentants de l'union et ceux de l'ANEM dans les prochain jours pour discuter de la mise en oeuvre effective de la convention. Comment redresser la barre et revaloriser ces petits métiers qui sous d'autres cieux sont bien considérés ? Le président de l'UNPI estime que la seule issue pour régler ce problème est de faire dans la communication auprès des jeunes pour les attirer vers ces métiers qui ne sont pas aussi dévalorisants qu'ils croient. «Ce sont des spécialités comme les autres qui trouvent preneurs dans le bâtiment. Pour la revalorisation du métier de maçon, de coffreur et de ferrailleur, la formation professionnelle doit faire un effort dans ce sens et motiver les candidats pour s'inscrire dans ces filières. Il n'est pas normal que, chaque année, on enregistre des dizaines de jeunes diplômés en électricité, en coiffure, en agent de saisie et seulement quelques diplômés en maçonnerie et autres petits métiers».