Ce sont des déclarations ambitieuses, des chiffres surestimés, notamment une production de 12.000 tonnes par an jugée surestimée par rapport à la réalité, qui ont poussé les élus de la Chambre de Pêche de la wilaya de Tlemcen, au paroxysme de la colère, de provoquer une conférence de presse dernièrement. Il y avait 8 amateurs sur les 130 que compte la wilaya. Les 70 km de côtes, les 70 chalutiers, les 50 sardiniers et les 50 petits métiers dans la wilaya de Tlemcen n'ont pas réussi, avec l'argent de la relance économique, à mettre à profit cet atout naturel. «L'Etat n'a jamais pensé à développer d'une manière rationnelle la pêche. La relance économique a beaucoup plus porté atteinte à la pêche qu'à la renforcer. Cette relance n'a pas pensé à la vétusté des embarcations de plus de 50 ans qu'il fallait démolir et faire remplacer. Ces bateaux sont encore en activité tout en prenant l'eau de toute part. Il fallait renouveler la flottille et non pas introduire d'autres bateaux de 90 tonneaux à 130 tonneaux qui demandent un équipage qualifié. Même le cahier des charges n'a pas été respecté puisque les créditaires n'ont pas bénéficié d'une prise en charge des droits de douanes par le ministère de la Pêche et ont vu leur taux d'intérêt augmenter chaque année. Et maintenant, ceux qui ont bénéficié des subventions de la relance économique sont en train de demander des réaménagements dans la durée des remboursements de crédits. Plusieurs correspondances pour le rééchelonnement sont restées lettres mortes et les pénalités de retard et les taux d'intérêt nous submergent. Plusieurs amateurs ont refusé de participer à cette relance de crainte de ne pouvoir rembourser les crédits en 5 ans», expliquera d'emblée M. Aggab Choaïb, président de la Chambre de Pêche de la wilaya de Tlemcen. La fin justifie les moyens et c'est justement pour pouvoir s'acquitter de leurs dettes que l'effort de pêche a augmenté dans la zone de Ghazaouet, tant il est vrai que la pêche au grand large s'avère une véritable aventure avec des embarcations mal équipées et vétustes. «La pêche se fait surtout au filet double et à la dynamite et même dans les zones de fraie. Il faut ajouter à cela les sorties en mer qui ne sont ni limitées ni réglementées. Les conséquences logiques sont là : la régression des ressources halieutiques et peut-être même la disparition total du poisson. Les gros tonnages très sophistiqués (90 à 130 tonneaux) imposés par la relance économique n'ont pas de patron pêcheur formés, car la formation manque à Ghazaouet et une école très longtemps prévue n'a pas encore vu le jour. C'est comme si cette relance avait posé la charrue avant les boeufs. Nos patrons pêcheurs ne peuvent gouverner qu'un bateau de 30 tonneaux grâce à des dérogations temporaires délivrées par les gardes-côtes et qui seront bientôt supprimées. Parfois, les armateurs recrutent des patrons pêcheurs espagnols payés en devises sonnantes et trébuchantes connaissant très bien les équipements des nouveaux navires et les zones de pêche. La plus grande quantité de notre production de pêche nous vient en dehors de nos zones de pêche et de nos eaux territoriales. C'est pour dire que la production de poisson n'est pas à nous à 100% tout comme les tomates et les oranges qui nous viennent des frontières proches», lancera le vice-président de la Chambre de Pêche. Et d'ajouter dépité «où est notre poisson ? Ce qui nous a amené à cette situation c'est avant tout le non-respect de la réglementation. Même la période de l'arrêt biologique qui s'étend de juillet à septembre n'a pas été préservée malgré toute la campagne de sensibilisation faite durant un mois. La pêche dans des conditions intensives ne s'est pas arrêtée et ceci au vu et au su de tout le monde. Où sont les gardes-côtes en cette période ? Même lorsque certains bateaux sont capturés dans les zones interdites, ils sont vite relâchés. C'est une véritable jungle. C'est à ne rien comprendre». Le vrai professionnel de la mer sait que la ressource halieutique ne lui appartient pas. Elle appartient plutôt aux générations à venir. Les 180 bateaux que compte la flottille de Ghazaouet ne trouvent plus de port d'attache dans l'exiguïté du plan d'eau qui peut en contenir à peine une vingtaine. Les professionnels de la mer n'ont pas été concertés avant l'attribution des subventions. Les armateurs estiment qu'ils ont trop parlé de leurs problèmes mais qu'ils n'ont jamais trouvé une oreille attentive lorsqu'ils ont évoqué le problème du non-respect de la période de production, de la dynamite ou de labours de fonds marins. Ce rythme d'exploitation a complètement compromis l'avenir de la profession : ils sont 3.000 pêcheurs donc autant de familles qui frôlent parfois le chômage. Comment avec toutes ces conditions lamentables peut-on arriver à 12.000 tonnes de poisson par an ? Impossible : la sonnette d'alarme a encore une fois retenti.