Alarmant est le rapport annuel présenté la semaine dernière à Londres, par l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Dans ce document, l'organisation basée à Paris chiffre à 10 500 milliards le coût de la lutte contre le réchauffement climatique. C'est colossal. Et elle y formule un paradoxe de taille : alors que les 6,6 milliards de terriens ont plus que jamais faim d'énergie, les investissements dans l'exploration et la production de gaz et de pétrole se font rares ; ils ont diminué de 19% en 2009. Ce n'est pas rien. Le rapport de l'AIE (691 pages) met en exergue le fait que la crise est directement à l'origine de ce retournement. Explications : pour la première fois en quarante ans, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont baissé d'environ trois pour cent. «La chute des investissements est une mauvaise nouvelle, commente Fatih Birol, économiste en chef de l'AIE, car, lorsque la demande de pétrole va redémarrer avec la reprise économique, faute de production, il risque d'y avoir une très forte montée du prix du baril, qui, en retour, fragilisera la reprise». C'est pourquoi, d'ailleurs, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) fait appel aux pays consommateurs et aux pays non membres de l'OPEP pour se mettre à contribution en vue d'opérer une stabilité durable dans les marchés pétroliers. Sauf que cela ne pourra être possible que s'il y des investissements importants étalés sur plusieurs années dans le secteur pétroler. Ce qui est sûr, c'est que les propos de l'économiste en chef de l'AIE ne sont pas rassurants. Cependant, une question : l'Agence internationale de l'énergie n'est-elle pas infaillible sur le plan des évaluations qu'elle fait ? L'AIE ne semble pas exempte de tout reproche, certains estimant qu'elle surestime les réserves de pétrole et minimise le risque d'une pénurie. Quelle est la part de la réalité dans tout cela ? Fatih Birol, cité par des agences de presse, relève qu'il s'agit d'accusations «sans fondement». Il revendique la des rapports de l'AIE relus par plus de deux cents experts extérieurs. «Nous sommes toujours critiqués, mais on me reproche en général d'être au contraire trop alarmiste», poursuit l'économiste turc de l'agence, repris par des médias européens. De fait, Fatih Birol assure que les pays non membres de l'OPEP auront atteint leur pic de production d'or noir, non pas à un horizon lointain, mais dès 2010 ! Selon les projections de l'agence, d'ici à 2030, 93% de la demande supplémentaire d'énergie proviendra des pays non membres de l'OCDE (pays émergents et en développement), la Chine et l'Inde en tête. L'AIE évalue la demande mondiale pour cette année à 84,8 millions de barils par jour (mbj), soit un recul de 1,7% sur un an, alors qu'elle tablait jusque-là sur une contraction de 1,9%. Cette révision à la hausse est due à une progression de la demande au quatrième trimestre de cette année. Par la suite, la demande devrait monter à 86,2 mbj en 2010, soit une hausse de 1,6% sur un an, grâce notamment à la vigueur des pays émergents. Pour satisfaire la demande pétrolière mondiale, et même si la communauté internationale se lance dans une politique active de substitution des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) afin de lutter contre le changement climatique, l'OPEP devra augmenter sa production de 30% au cours des vingt prochaines années. L'AIE souligne que la demande mondiale de pétrole pourrait culminer autour de 2025. Une chose est sûre, comme le note Fatih Birol, «l'ère du pétrole bon marché est révolue». Autre élément intéressant dans le rapport de l'Agence internationale de l'énergie : des incertitudes pèsent sur les investissements et «tout le monde attend ce que va donner la conférence de Copenhague sur le climat», qui s'ouvre dans moins d'un mois. L'OPEP ne souhaite pas que cette réunion se termine par l'adoption de taxe sur les hydrocarbures. L'Agence internationale de l'énergie avance que le rebond de la demande mondiale de pétrole «pourrait être beaucoup plus limité si la hausse des prix se poursuivait en 2010». Aux dires de beaucoup, une envolée des cours n'est pas à exclure surtout que l'économie mondiale se reprend progressivement. Selon l'AIE, une trop forte progression des prix de l'or noir pourrait ralentir le rebond de l'économie qui a lieu en ce moment dans la plupart des économies occidentales, et notamment aux Etats-Unis, le premier consommateur de pétrole au monde. La tendance des cours reste, toutefois, erratique. Vendredi dernier, par exemple, les prix de l'or noir reculaient sous les 77 dollars le baril en Asie, dans le sillage du dernier rapport hebdomadaire dévoilé par le département à l'Energie américain jeudi 12 novembre, marqué par des stocks commerciaux de brut américain qui ont augmenté pour la semaine close au 6 novembre, de 1,8 million de barils à 337,7 millions de barils. Les stocks d'essence ont, eux, grimpé de 2,5 millions de barils. Enfin, les stocks de produits distillés (gazole et fioul de chauffage) sont remontés de 0,3 million de barils. De quoi alimenter des prises de profits sur le baril à l'issue d'une semaine de hausse. Y. S.