Pour perpétuer le souvenir, afin que nul n'oublie, Aïn Torki ex-Marguerite, adossée au flanc Est du Zaccar, chaque année, le 26 avril commémore l'insurrection des Righas contre le pouvoir colonial en place de l'époque. Cette révolte fait date dans l'histoire de la lutte du peuple algérien qui a toujours refusé la soumission. Cette révolte n'a pas été la première ni la dernière. Le pouvoir colonial n'a jamais été en paix même en renforçant d'année en année le système qu'il avait mis en place, un système comme tout système colonial qui s'est caractérisé par l'extermination de villages entiers, par les enfumages des grottes du Dahra, la spoliation des autochtones de leurs biens, en les dépossédant de leurs terres par la force, par une juridiction fallacieuse, des procès truqués et gagnés d'avance par les colons, à l'issue desquels les Algériens se voyaient dépossédés, expropriés des terres de leurs aïeux, terres qui étaient transférées au profit des vagues de colons venus de différents pays d'Europe. On raconte à titre d'exemple le cas d'un colon qui profita de cette juridiction en s'accaparant des terres, les meilleures de la contrée, d'une superficie de 1600 Ha. Les textes de ces lois scélérates qui légalisaient tous les dépassements, toutes les injustices, étaient regroupés dans un recueil «le Sénatus Consulte». Le rythme des injustices n'a fait que s'accélérer et les expropriations ont continué induisant le refoulement des populations vers les zones arides ou montagneuses avec en plus l'objectif de mettre à l'abri les colons contre toute agression de la part des expropriés et éviter toute velléité de reprise des terres. Cette situation devenue très vite insupportable à l'Algérien comme tout homme épris de liberté et de justice, acculé par une paupérisation outrancière, il ne restait qu'une seule solution, une seule voie, le recours aux armes. Et le 22 avril 1901, tous les chefs des tribus tinrent une réunion au sanctuaire du «ouali» de Sidi Bouzar situé à quelque 3 km à l'Est de Aïn Torki sur le versant Est du Zaccar, à Tizi Ouchir. Le «conseil de la révolte» vota pour l'action armée pour le 26 avril, un vendredi après la prière. L'action armée a ciblé les colons et la petite garnison de Marguerite. Le combat, inégal s'est soldé par un bilan lourd : 68 Algériens massacrés avec les renforts venus de Miliana, 187 arrêtés et jugés tandis que du côté des colons on a dénombré 37 tués. Le procès des insurgés se déroula dans le département de l'Herault, à Monpellier, le 11 décembre 1902, a duré jusqu'au 8 février 1903 et a comporté 46 audiences. Le procès des opprimés fut sans appel, une sorte d'avertissement pour tous ceux qui par la suite y seraient tentés. La Cour d'assises de Montpellier a condamné 85 insurgés à la déportation à Cayenne en Nouvelle Calédonie. Parmi les condamnés figuraient 6 chefs de tribus Yagoub Mohamed, Bourbiza M'hamed, Hadj Benaïche, Othmane M'hamed, Talbi Miloud et Abdallah El Hirti. Yagoub et son lieutenant Benaïche n'ont pu supporter les conditions de vie imposées au bagne. Ils moururent à quelques semaines d'intervalle l'un de l'autre en 1905. Ce procès n'a pas laissé indifférent certains organes de presse dont «La Dépêche» dans son édition du 10 février 1903. Dans l'article paru, l'auteur a averti les tenants acharnés de la colonisation de l'Algérie, résumant le procès, l'auteur écrivait «Isurrection des Righas a été une révolte de paysans accablés d'impôts, persécutés et affamés Si la France laisse subsister ce régime il y aura fatalement des insurrections plus terribles et elle perdrait l'Algérie»; S'entêtant dans sa politique coloniale se résumant en 3 mots «oppression, répression, suppressions» le pouvoir de l'époque est resté sourd à ces avertissements prémonitoires puisque le 26 mars 1902 a été promulgué le décret portant création de tribunaux spéciaux pour «les indigènes» entérinant ainsi la répression et niant tout droit d'interjeter de quelconques appels. Ignorer ces avertissements a conduit au 1er novembre et à 1962, où les opprimés ont fini par recouvrer leur indépendance. Pour perpétuer le souvenir, Aïn Torki a organisé lundi 26 avril, comme chaque année à pareille date, une cérémonie de recueillement au lieu même où se sont réunis les chefs des tribus, le 22 avril 1901 qui ont bravé la soldatesque coloniale de l'époque. Une cérémonie en hommage à leur sacrifice, civils, militaires, moudjahidine, scouts ont assisté à la levée des couleurs et observé une minute de silence couronné par la lecture de la Fatiha par l'imam de Aïn Torki.