A Hammamet, dans le cadre des deuxièmes «Entretiens de la Méditerranée», organisés, le 25-26 mai 2010, par l'Institut arabe des chefs d'entreprise (IACE) et l'IPEMED (Institut de prospective économique du monde méditerranéen) on cherchait à cultiver l'optimisme et on refusait d'enterrer l'Union Pour la Méditerranée dont le sommet, prévu pour le 7 juin à Barcelone, venait d'être reporté à novembre. A ux sceptiques qui constataient, une énième fois, qu'il serait vain d'essayer d'occulter le poids du blocage proche-oriental, répondaient des proclamations de foi. Voire des certitudes que l'intérêt économique partagé de l'Europe et de la rive est et sud de la Méditerranée permettrait de transcender le blocage. Les critiques - ceux qui constataient que la perspective d'une solution au Proche-Orient n'existe pas sur le moyen terme et que l'intérêt européen pour l'UPM disparaît à mesure que l'on s'éloigne de la rive nord de la Méditerranée - n'étaient pas loin d'être vus comme des rabat-joie. Sous le ciel bleu de Hammamet, ces rabat-joie ont adopté un profil bas ou bien sont partis faire des promenades sur les plages relativement désertes dans la saison. Les optimistes, ceux qui veulent y croire, devaient pourtant faire semblant de ne pas lire qu'au dessus des documents préparés par Ipemed figurait la mention «7 projets pour le 7 juin 2010». L'annulation du sommet de Barcelone a lourdement plané malgré les explications alambiquées des chefs de diplomatie d'Egypte, d'Espagne et de France. Les débats, qui ne manquaient pas d'intérêts, évacuaient les aspects politiques pour focaliser sur des aspects techniques et sur la mise en évidence d'une complémentarité entre l'Europe et la rive est et sud de la Méditerranée. Il y avait, à Hammamet, une volonté manifeste, et par certains côtés pénible pour les intervenants, de faire semblant de croire que la Palestine mais aussi la question de la libre-circulation des personnes, ne constituaient pas un obstacle. Une banque de développement de la méditerranée On y a parlé de «régionalisation de la mondialisation» et de l'intérêt de l'Europe à aller vers une intégration avec son voisinage immédiat pour continuer à être présente «dans la table de la décision économique mondiale». On a fait semblant de croire que la crise Grecque et de la zone euro vont encourager cette intégration alors qu'en aparté on admettait qu'elle allait provoquer plus surement le repli sur soi. On aura entendu Charles Milhaud, qui préside une Commission mise en place par l'Elysée - l'ancien gouverneur de la Banque centrale Abderrahmane Hadj Nacer en fait partie - pour étudier la possibilité de créer une Banque méditerranéenne pour le développement. S'il réserve son rapport au président français, Charles Milhaud a pratiquement conclu à la nécessité de cette banque tout en esquissant son «profil» : elle doit se focaliser sur des activités peu ou mal assurées par d'autres institutions, être subsidiaire au secteur privé et ne pas s'y substituer, elle doit être un instrument de transition. La nouvelle banque devra impérativement être notée AAA et sera axée sur le soutien au secteur privé, à travers notamment l'aide aux financements longs, l'accompagnement des PME dans l'accès au crédit bancaire, le développement des garanties, l'animation des marchés financiers, le soutien aux fonds d'investissement innovants et le transfert de technologie financière par l'assistance technique. Son capital devrait être supérieur à 10 Md afin de pouvoir réaliser des engagements annuels de 2 Md Déclin Des idées donc reprises dans l'appel des dirigeants d'entreprises méditerranéennes aux chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union pour la Méditerranée. «L'Europe, seule, serait condamnée au déclin démographique, économique et politique» souligne la déclaration en ajoutant que «dans le même temps, les pays des rives sud et est de la Méditerranée risquent d'être des laissés pour compte de la mondialisation». La conclusion coule de source aux yeux des entrepreneurs, qualifiés de «bâtisseurs» de l'Euromed par plusieurs intervenants : «Le destin de l'Europe et de ses voisins du sud et de l'Est, est commun». Cette volonté de «sauter» au dessus des obstacles politiques et de croire que l'économie pourrait le permettre a déjà été mise à mal par la guerre imposée aux Palestiniens de Ghaza et qui a freiné l'élan de l'UPM. A peine une semaine après Hammamet, l'attaque israélienne sanglante contre la flottille de la paix en route vers Ghaza sonne comme une seconde mise à mort de l'UPM. Qui osera, en novembre prochain, se rendre à l'UPM ?