Que fait l'Otan en Afghanistan ? La question mérite d'être posée et ce ne sont pas les révélations du site wikileaks (il a été créé par un Australien dénommé Julian Assange) sur les bavures et agissements de la force internationale contre les civils afghans qui pousseront à dire le contraire. Voilà bientôt neuf ans que les Occidentaux se sont installés dans ce pays au nom de la liberté, de la lutte contre le terrorisme et de la traque contre Al-Qaida et un minimum de bonne foi oblige à dire que le bilan de cette occupation est en grande partie négatif. Pour nombre de gouvernements, celui des Etats-Unis en tête, les 92.000 documents mis en ligne par wikileaks n'apportent rien de nouveau. C'est une manière biaisée de voir les choses. Jamais autant d'informations n'avaient été divulguées de manière simultanée sur cette guerre que les Talibans sont en train de remporter. Car ce qui apparaît d'abord, c'est que le nombre de pertes civiles est largement sous-estimé. En Afghanistan, les premières victimes de la force internationale sont les civils et non les Talibans. C'est ainsi que se perdent les guerres et cela, Washington et ses alliés ne peuvent l'ignorer. Une autre révélation est de première importance : elle concerne l'existence de la Task Force 373 dont la mission serait de traquer les chefs talibans et de les éliminer. En clair, il s'agirait d'escadrons de la mort ayant autorisation d'agir de manière expéditive sans s'en remettre à un juge et sans chercher des preuves pour un éventuel procès. En somme, la meilleure manière de provoquer, mais aussi de couvrir, des bavures. Le pire dans l'affaire, c'est que le commandement de la coalition ne semble pas être tenu au courant des actions de cette force. On dira que toute guerre porte son lot de coups tordus et de faits inavouables. Mais n'était-ce pas au nom du droit, de la démocratie et du respect de la justice que les alliés ont justifié leur intervention en Afghanistan en 2001 ? A l'époque, la mission était de faire chuter le régime des Talibans et de capturer Oussama Ben Laden. Le premier objectif a été atteint (même si les Talibans contrôlent encore une bonne partie du pays) tandis que tout le monde semble avoir oublié le second. Aujourd'hui, il y a des moments où l'on se demande si les membres de la coalition savent eux-mêmes pourquoi ils envoient des hommes tuer et mourir en Afghanistan ! Ecoutons le président français Nicolas Sarkozy. Pour lui, les troupes françaises sont présentes dans ce pays pour empêcher les Talibans de faire violence aux Afghanes. Bien… Pourquoi alors, ne pas envoyer des troupes en Somalie où la situation des Somaliennes est bien pire ? Pourquoi ne pas intervenir militairement dans certains pays du Golfe où les droits des femmes sont très peu respectés pour ne pas dire bafoués ? Sarkozy, comme Obama, nous explique aussi qu'empêcher les Talibans de revenir au pouvoir est nécessaire car sinon cela offrirait un nouveau sanctuaire à Al-Qaïda. Là aussi, on peut se demander si la situation en Somalie ne serait pas plus inquiétante avec un Etat qui n'existe plus depuis 1992 et des milices extrémistes que l'on dit de plus en plus proches des mouvements djihadistes. Tous ces arguments sont bien légers. Le fait est qu'aux Etats-Unis, y compris dans le parti républicain, comme en France, des voix s'élèvent pour exiger la fin de cette guerre. Pour l'heure, il s'agit de vœux pieux car à Washington et à Paris, la guerre en Afghanistan est d'abord un enjeu de politique intérieure et c'est bien dommage pour les civils afghans. A quelques mois d'élections de mi-mandat qui risquent de mettre à mal son camp, Barack Obama entend ainsi prouver à une opinion qui doute qu'il est bien le « Commander in chief » et qu'il n'a pas l'intention de montrer le moindre signe de faiblesse. Pour Nicolas Sarkozy, l'objectif est aussi électoral et les Afghanes, si l'on peut s'exprimer ainsi, ont beau dos. Il s'agit pour lui de rappeler que la France, puissance moyenne, joue encore un rôle d'importance dans le concert des nations. C'est aussi une manière de signifier à une partie de son électorat, celle qui penche de plus en plus vers le Front national, que, quelque part dans le monde, des troupes françaises combattent de méchants barbus. Voilà l'aspect pervers de l'affaire. Nombre de musulmans croient, à tort, que la guerre en Afghanistan est dirigée contre l'islam. Mais de l'autre, un président français obnubilé par sa réélection en fait un argument électoral douteux même s'il n'est pas clairement exprimé. L'Histoire finit toujours par rattraper ceux qui croient la dompter. Les Afghans n'ont jamais été vaincus par personne. Ils peuvent perdre des batailles, être obligés de se replier durant des années dans leurs montagnes et abandonner les plaines à leurs ennemis. Mais ils reviennent toujours et ils finiront par revenir. C'est pourquoi nombre d'experts estiment qu'il faut faire le pari d'une entente entre Afghans. Lassés par plus de trente ans de guerre, ces derniers, Talibans compris, pourraient trouver un compromis que des pays musulmans comme l'Arabie Saoudite et le Pakistan se chargeraient de faire durer. Bien sûr, cela ne signifiera nullement que les Afghanes seront tirées d'affaire. Mais le sont-elles actuellement ? A les voir protégées par une force internationale qui est de plus en plus perçue comme étant une armée d'occupation, on peut légitimement en douter.