Lors de son intervention devant les étudiants et les invités de l'IDRH, intervention s'inscrivant dans le cadre du cycle de conférences des chefs d'entreprises qu'organise cet institut depuis les débuts de la saison universitaire, Slim Othmani, PDG de NCA-Rouiba, a soulevé quelques entraves se dressant sur le chemin de l'entreprise algérienne. Il énumérera au moins trois, en commençant par les incohérences bureaucratiques. Son évocation de la fameuse «taxe spécifique additionnelle» instaurée aux débuts des années 90 et heureusement abrogée en 2000 par Abdellatif Benachenhou quand il était ministre des Finances. Cette taxe s'appliquait aux produits de la terre et à toutes les étapes de leur transformation, expliquera l'intervenant. Elle était tellement abusive au point où même une entreprise publique, en l'occurrence la défunte Enajuc, ne la payait pas, soulignera-t-il. C'est cet impôt qui a motivé le jeune Slim Othmani, fraîchement installé à la tête de l'entreprise familiale, de se tourner vers l'importation des intrants de la production du jus, produits exonérés de toute imposition. Conscient qu'il était en face de probables chefs d'entreprises (la population suivant son cursus à l'IDRH), le patron de NCA-Rouiba a essayé de démontrer à son auditoire comment on peut retourner un obstacle en avantage ou en motivation d'aller de l'avant. Toujours en évoquant sa trajectoire personnelle de manager, il parlera de la famille en tant qu'obstacle au développement de l'entreprise. Usant d'un raccourci, il dira «souvent l'entreprise est au service de la famille», puisqu'elle prodigue des rémunérations au mépris de toute efficience économique. S'étalant sur ce sujet, il expliquera le rôle qu'a assumé l'entreprise dans la prise en charge sociale des individus. Concernant son entité, il n'hésitera pas de «mettre de l'ordre» en instaurant une nouvelle rationalité, au prix d'énormément de tensions, dira-t-il. «Les tensions au sein de l'entreprise, il faut les gérer et les affronter pour pouvoir avancer», lancera-t-il à l'adresse des jeunes étudiants présents à sa conférence. Et encore une fois, il expliquera comment il n'a pas baissé les bras quand les actionnaires de son entreprise ont refusé de participer au financement de la croissance de l'entreprise. Pour trouver les financements, il n'hésitera pas à se tourner vers «les fonds d'investissement nationaux» et réussira à convaincre «AfricInvest» qui participera à hauteur de 30% du capital de NCA-Rouiba. Entamant une nouvelle étape, il procèdera au changement de statut de l'entreprise en la transformant en SPA au lieu de Sarl. «Ce qui me mettait dans l'obligation de rendre des comptes aux associés», explique-t-il. Le troisième défi se dressant à l'entreprise, selon Slim Othmani, de loin le plus important, est celui des ressources humaines. «C'est le plus difficile exercice», reconnaîtra le conférencier, confirmant du coup les dires de ses prédécesseurs Rabrab et Hasnaoui. Pour venir à bout des résistances aux changements qu'il avait introduits dans la gestion et le fonctionnement de son entreprise, Othmani n'hésitera pas à raser les anciens bâtiments de l'entreprise pour ériger de nouveaux à leur place dans une période où les finances de l'entreprise ne le permettaient pas. «Il fallait provoquer l'onde de choc» pour rallier certains employés réticents au changement et modernisation engagés, souligne-t-il. Pour Othmani, ce pari n'est pas encore gagné. Mais il fera part à son auditoire de l'absolue nécessité de l'entreprise de rassurer ses employés et ses cadres en parlant de la peur. «La mission d'un chef d'entreprise est de réduire la peur de ses collaborateurs», estime-t-il, «en leur montrant où se trouve l'entreprise, là où elle compte aller et comment elle compte arriver au point qu'elle s'est fixé» Débordant le cadre de son entité, le conférencier qui croit dur comme fer que «l'entreprenariat est l'avenir de l'Algérie», n'arrive pas à s'expliquer les inhibitions des capitaines d'industrie. «Le monde de l'entreprise en Algérie, encore accroupi, n'a pas encore entamé le dialogue avec les pouvoirs publics», tonnera-t-il. A la fin de sa conférence, il évoquera l'expérience du CARE (Club d'action et de réflexion sur l'entreprise) créé il y a quelques années et qui a produit le premier «Code algérien de la Gouvernance de l'entreprise». Abondant dans ce sens, il ajoutera que la bonne gouvernance de l'entreprise débouchera inéluctablement à la bonne gouvernance au niveau global. Othmani, qui s'est taillé la réputation de dire haut ce qu'il pense, estime que «l'entreprise est socialement responsable» ce qui constitue dans sa bouche une invite à l'adresse de ses pairs à plus d'audace, dans la transparence et en conformité avec les lois de la République.