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Les patrons exigent un Etat régulateur rigoureux
Libéralisation anarchique, économie informelle et dysfonctionnement dans la distribution
Publié dans Le Maghreb le 20 - 05 - 2009

L'ouverture économique de l'Algérie devrait être opérée avec plus de préparation et de précaution en vue de préserver l'outil de production national contre la concurrence déloyale et la contrefaçon, a souligné lundi soir le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), M. Reda Hamiani. S'exprimant lors d'une rencontre organisée par le FCE et dédiée à la présentation d'une étude relative aux grands enjeux de l'ouverture économique de l'Algérie, M. Hamiani a reconnu que les réformes et les efforts d'organisation engagés ces 15 dernières années par l'Etat "n'ont pas été suffisants pour empêcher l'afflux considérable de produits souvent contrefaits"." Nous avons confondu dans le mouvement d'intensification le processus de libéralisation de l'économie au plan interne et celui de l'ouverture extérieure", a-t-il ajouté sur ce point. En effet, la présentation des études économiques réalisées par le Forum des chefs d'entreprise a suscité un débat houleux. Plusieurs chefs d'entreprise ont saisi l'occasion pour faire part de leurs préoccupations et difficultés, et ce en présence du ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub. Ils estiment que la libéralisation, en parallèle des efforts des opérateurs économiques, requiert un Etat régulateur rigoureux afin d'endiguer tous types de dysfonctionnements qui gangrènent l'économie nationale. En réponse aux différentes préoccupations des intervenants, le ministre a tenu à rappeler que l'ouverture économique et commerciale était "réclamée par tous les opérateurs privés qui avaient assuré pouvoir assumer les conséquences de cette libéralisation". Par ailleurs, le ministre du Commerce a appelé les chefs d'entreprise et les organisations patronales à une large concertation pour défendre la production algérienne. "Nous sommes ouverts à toutes les propositions visant à développer la production nationale. C'est à nous de nous organiser pour défendre nos intérêts dans les grandes organisations mondiales", a déclaré le ministre. S'agissant de l'expansion du marché informel et de la contrefaçon, le ministre du Commerce compte organiser une réunion avec les organisations patronales la semaine prochaine à Alger, durant laquelle des mesures visant à "résorber définitivement le fléau de la contrefaçon seront prises par le gouvernement", a annoncé le ministre, en marge de la rencontre. Cette rencontre s'articulera, entre autres, autour de l'étude des effets de ce phénomène sur la production nationale et la sécurité du consommateur, notamment dans les domaines de la pièce de rechange automobile et du cosmétique, a ajouté M. Djaâboub. Dans le même contexte, le ministre a rappelé, lors de son intervention, les différentes actions engagées par les pouvoirs publics dans ce sens. Il s'agit essentiellement de la mise en œuvre d'un programme de construction d'un millier de marchés couverts à travers le territoire national pour intégrer dans le circuit formel tous les commerçants opérant dans l'illégalité ainsi que le recrutement de quelque 7 000 nouveaux cadres universitaires dans les services de contrôle liés au ministère du Commerce. S'agissant de la compétitivité de l'entreprise algérienne face aux défis de l'adhésion de l'Algérie à la Zone arabe de libre-échange (Zale), le ministre a affirmé que le tissu industriel national est "plus solide" par rapport à ceux d'une grande partie des pays membres de la Zale. "Sur les 21 pays adhérents à cette zone, seuls six pays sont en mesure d'exporter vers l'Algérie, alors que les autres disposent d'un tissu productif plus récent par rapport à l'Algérie", a-t-il souligné. Faisant le bilan de cette adhésion, M. Djaâboub a annoncé que les échanges avec les pays arabes vont atteindre en 2009 1,2 milliard de dollars, en augmentation par rapport à 2008 où le volume avait atteint 1 milliard de dollars. Durant le premier trimestre 2009, les échanges avec les pays arabes ont dépassé les 300 millions de dollars. Le ministre du Commerce a indiqué également que 40% seulement de commerçants algériens font le dépôt des comptes sociaux auprès des antennes du Centre national du registre du commerce. "C'est un taux très faible qu'il va falloir prendre en compte. Nous allons organiser une rencontre nationale sur le non-dépôt des comptes sociaux", ajoute-t-il. Selon M. Ouali Yahiaoui, Plus 18 000 infractions ont été enregistrées dans le secteur du commerce en 2008 Concernant les actions de contrôle et de lutte contre la fraude, le directeur de la régulation et de l'organisation des activités au ministère du Commerce, M. Ouali Yahiaoui, a affirmé les services de cette administration, qui comptent quelque 5.000 agents pour plus de 1,3 million de commerçants sur le territoire national, ont opéré 900.000 interventions en 2008. Lors de ces opérations, 18 000 infractions ont été enregistrées et 162 000 dossiers ont été envoyés à la justice, alors que huit milliards DA de transferts illicites ont été bloqués aux frontières, a-t-il indiqué. Dans le même contexte, il relèvera que la lutte contre les phénomènes de l'informel et de la contrefaçon ne doit pas être seulement une mission spécifique des pouvoirs publics, la contribution de tous les opérateurs et les associations patronales est nécessairement formelle car la responsabilité est indubitablement partagée. Selon lui, le nombre d'entreprises étrangères opérant dans l'importation en Algérie est de 1 600 firmes. Slim Othmani, directeur général de NCA Rouiba "Il faut aller vers une amnistie fiscale" Le DG de NCA Rouiba a plaidé, lors de son intervention, pour un effacement de l'ardoise fiscale pour certains grossistes afin de les faire intégrer dans le circuit formel. Il ne s'agit pas de ne pas faire payer les tricheurs. Il s'agit d'un certain nombre de grossistes très connus sur la place d'Alger qui demandent un canal de communication avec l'administration. "Nous avons tous eu recours à ces grossistes, notamment, quant on sait qu'ils maîtrisent parfaitement la distribution en Algérie. Il ne s'agit pas de transformer les tricheurs en honnêtes gens, il s'agit simplement de canaliser une masse monétaire très importante dans le circuit formel", a-t-il déclaré. "Il s'agit également d'essayer de convaincre ces gens par le dialogue, en leur expliquant les mécanismes de la distribution qui peuvent parfaitement leur faire gagner leur vie en intégrant un circuit formel. Le seul moyen de pousser les grossistes à travailler de manière légale, c'est d'effacer les dettes cumulées depuis de longues années suite au non-paiement des taxes. Nous avons développé notre activité industrielle grâce à ce réseau", a-t-il ajouté. Il faut, selon lui, tourner la page sur le passé. Il faut commencer par ne plus poser de questions sur l'origine des fonds. A partir de là, il faut établir des règles claires et veiller à les faire respecter. Le patron de NCA a plaidé aussi pour la convertibilité du dinar. Jean-Yves Caux, DG de Michelin Algérie : "Il est nécessaire de réduire la TAP" Le directeur général de Michelin Algérie, M. Jean-Yves Caux, a indiqué, à cette occasion, que la taxe sur l'activité professionnelle instaurée par le système fiscal algérien pénalise les entreprises industrielles, notamment exportatrices. "Nous sommes moins compétitifs par rapport aux pays du pourtour méditerranéen, notamment l'Espagne et le Portugal, à cause des niveaux de taxes appliqués en Algérie. Les droits de douanes sont aussi pénalisants", a relevé cet industriel qui a, au passage, signalé les possibilités d'exportation à partir de l'Algérie. Cette entreprise, ayant un site de production de pneus à Alger, commercialise plus de 40% de sa production à l'international. "Nous pouvons faire mieux mais les conditions d'exportation sont encore difficiles", souligne-t-il. Le P-DG de Cevital, Issaad Rebrab L'ouverture économique doit préserver l'outil de production national Prenant la parole lors du débat, M. Rebrab dira que concernant "l'ouverture du commerce, nous saluons les pouvoirs publics de l'avoir faite. C'est nous même, les opérateurs, qui l'ont toujours réclamée. Mais nous avons souhaité et nous souhaitons que cela soit fait de manière bien étudiée pour préserver l'économie nationale et surtout les outils de production", a-t-il déclaré lors de son intervention. Pour ce qui est de la mise à niveau des entreprises, il estime que la mise à niveau avec 50 000 ou 100 000 euros déboursés par l'Union européenne et par unité de production, est un leurre. La vraie mise à niveau, selon lui, c'est de mettre l'entreprise dans une position permettant de défendre son marché et de concurrencer sur le plan international. "Et pour atteindre cette visée, selon le patron de Cevital, elle doit avoir une taille critique pour se comparer aux autres concurrents internationaux, d'une part, et de l'autre, elle doit afficher des prix compétitifs et des produits de qualité", a-t-il suggéré. "La mise à niveau ce n'est pas seulement de recevoir deux ou trois experts de la communauté européenne et apprendre au manager comment tenir son entreprise, cela est insuffisant. La mise à niveau, c'est le renouvellement de manière complète de l'outil de production et la taille critique", a-t-il ajouté. Pour mettre en exergue les insuffisances qui entravent l'aide à l'exportation, M. Rebrab citera l'exemple du taux de change. "Quand nous importons les matières premières, la Banque d'Algérie, et au coût d'aujourd'hui, nous donne 1 dollar pour 73 dinars. Par contre si vous vendez sur le marché international, la banque d'Algérie nous donne 70 dinars pour 1 dollar. Nous perdons déjà au niveau du taux de change 5%", a-t-il précisé. Par ailleurs et concernant l'amnistie fiscale, M. Rebrab dira : "Je suis contre toute idée d'une amnistie fiscale. On n'est pas là pour encourager les tricheurs. S'ils ont triché, il faut qu'ils payent", tranchera-t-il. Cependant, M. Rebrab dit être favorable à la suppression de la TAP. Par ailleurs, et concernant l'argent accumulé dans le Fonds de régulation, M. Rebrab dira que "quand on
n'arrive pas à dépenser ce que le pays gagne, il est évident qu'on ne peut pas faire mieux que de le mettre dans le Fonds de régulation. Cependant, il est préférable pour notre pays, que cet argent soit investit dans l'immédiat et en Algérie". Hamid Mohandi

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