Nouveau rebondissement dans l'affaire de l'enlèvement, au mois de septembre dernier, dans un site d'extraction d'uranium au Niger, de cinq Français par Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). L'émir de cette fraction d'Aqmi qui opère au Sahel, Abdelmalek Droukdel, a annoncé que les négociations pour la libération de cinq Français et deux Africains ne seront dorénavant menées qu'avec Oussama Ben Laden, et averti la France que ce sera (lui), avec lui qu'elle doit discuter si elle veut libérer ses otages. Dans un message audio repris jeudi soir, par la chaîne TV Al Djazeera, et actuellement en cours d'authentification à Paris, Droukdel signifie à la France que «toute forme de négociation sur ce sujet, à l'avenir, sera conduite avec personne d'autre que notre cheikh Oussama Ben Laden (...) et selon ses conditions». «Si vous voulez que vos citoyens qui sont prisonniers chez nous, soient libérés sains et saufs, alors vous devez vous dépêcher et retirer vos soldats d'Afghanistan selon un calendrier précis que vous rendrez public», a-t-il encore ajouté. L'exigence de la France qu'elle retire ses troupes d'Afghanistan n'est, quant à elle, pas nouvelle, contrairement à cette nouveauté d'Aqmi, même si elle a déclaré depuis longtemps qu'elle se mettait sous la coupe d'Al Qaïda. Vendredi, le gouvernement français a indiqué que cet enregistrement était en cours d'authentification, sans commenter, pour le moment, le contenu du message. «Cet enregistrement est en cours d'authentification», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Bernard Valero, qui a rappelé «la mobilisation totale» de la France «pour la libération des otages». «Les processus habituels de reconnaissance de l'émetteur sont en cours», a également confirmé le porte-parole du ministère français de la Défense, Laurent Teisseire, se refusant lui aussi, à toute réaction «sur le fond», à ce stade. Les cinq Français séquestrés ont été enlevés dans la nuit du 15 au 16 septembre, sur le site d'une mine d'uranium du groupe nucléaire français «Areva» à Arlit, dans le nord du Niger, en même temps qu'un Malgache et un Togolais. Selon des sources maliennes et françaises, les otages sont détenus dans des collines désertiques du Timétrine, dans le nord-est du Mali. Mardi, dans une interview télévisée, le chef de l'Etat français Nicolas Sarkozy s'était dit «spécialement inquiet» pour les otages détenus au Mali. «Mais nous ne changerons pas d'un iota notre politique sous prétexte que nous sommes menacés», avait-il affirmé, tout en demandant aux Français de ne pas se rendre dans la bande sahélienne où opère Aqmi. Quant à la nouvelle chef de la diplomatie française, Michèle Alliot-Marie, elle a été catégorique: «la France fait tout ce qui est en son pouvoir pour que tous les otages, où qu'ils soient, soient libérés sains et saufs». Elle a ajouté que la France «ne peut accepter que sa politique soit dictée à l'extérieur par qui que ce soit», en référence au message d'Aqmi. Alain Juppé, également nouveau ministre, avait mercredi souligné qu'il y avait «toutes les raisons de penser» que les otages français étaient tous vivants, assurant qu'il existait des contacts avec les ravisseurs. Quant à l'ex-ministre de la Défense Hervé Morin, il a relevé, hier vendredi, que la demande de retrait des troupes d'Afghanistan était «une forme de revendication classique et traditionnelle», mais que «ce qui est nouveau, en revanche, c'est la référence à Ben Laden». Au mois d'octobre dernier, Ben Laden avait averti que la France ne connaîtrait pas la sécurité tant qu'elle ne retirerait pas ses troupes d'Afghanistan et ne mettrait pas un terme à «ses injustices» à l'égard des musulmans, comme l'interdiction du port du voile islamique intégral. Un retrait graduel des forces internationales déployées en Afghanistan, où la France compte actuellement environ 3.800 soldats, est au menu d'un sommet de l'Otan à Lisbonne. Le message de Ben Laden avait été interprété par les experts comme un «blanc-seing» donné à Aqmi dont les responsables ont fait allégeance à Al-Qaïda début 2007. En octobre dernier, Al Qaïda au Maghreb islamique avait proposé, selon la Chaîne «Al Arabiya», de libérer les otages en échange de l'abrogation de l'interdiction en France du port du voile intégral, de la libération d'activistes et d'une rançon de 7 millions d'euros. Mais, l'intervention d'Oussama Ben Laden, en octobre, aurait ainsi donné plus de motivation au groupe de Droukdel pour qu'il se range définitivement derrière le chef d'Al Quaida et devient en fait, un de ses lieutenants au Sahel. Sinon comment interpréter le fait qu'il demande dorénavant à la France de traiter avec le chef d'Al Qaida ?