C'est aujourd'hui que Jean-Pierre Raffarin arrive à Alger pour une visite que les Français qualifient de «première prise de contact» et veulent «brève et fructueuse». Jean-Pierre Raffarin a été désigné il y a quelques mois, par le président Sarkozy comme interlocuteur des autorités algériennes avec qui le courant passe difficilement depuis notamment la mise sous contrôle judiciaire du diplomate Mohamed Ziane Hasseni que la France accuse de complicité dans l'assassinat en 1987 à Paris, de l'avocat Mecili. Il faut admettre que les relations algéro-françaises sont d'une sensibilité telle que les affaires ou les litiges de quelque nature qu'ils soient, qui surgissent entre les deux pays, les affectent profondément et les rendent exécrables. Pis, les deux parties semblent se complaire dans ce jeu de «je t'aime, moi non plus». Ceci étant dit, elles ont dû certainement se rendre compte qu'elles ne pouvaient en tirer absolument aucun profit excepté de se targuer, chacune de son côté, de faire la forte tête qui a le pouvoir d'entretenir, le mieux et le plus longtemps possible, le coup de la bouderie. En tout cas, les Français ont depuis longtemps saisi l'évidence qu'ils ont grandement besoin de diversifier leurs partenaires économiques et commerciaux en ces temps de crise mondiale. Ils semblent se faire aujourd'hui un devoir de récupérer leurs parts de marché dans un pays comme l'Algérie où les potentialités économiques sont réelles. C'est d'autant plus évident depuis que le président Bouteflika a décidé de mettre le paquet pour réaliser des projets de grande envergure et surtout bien juteux. La France est bien consciente des profits que ses entreprises pourraient tirer de leur participation dans l'exécution d'un programme dont la dotation budgétaire dépasse les 280 milliards de dollars. «Monsieur Algérie» qu'est devenu Jean-Pierre Raffarin devra ainsi convaincre de la nécessité de l'instauration d'un partenariat «gagnant- gagnant» pour les deux pays. Le deal entre eux est qu'il le fera en évitant de parler politique et ce quelles que soient les circonstances. Cette nomination aussi inhabituelle est expliquée par les diplomates français par le fait que l'Algérie est un pays important pour la France. «C'est un pays à qui nous accordons une grande attention et une importance particulière. C'est une relation tout à fait différente que nous avons avec l'Algérie, comparée à celle que nous avons avec les pays de la région», nous disent des diplomates accrédités à Alger. Ils rappellent que «l'histoire entre les deux pays oblige à cette attention». Une histoire qu'ils estiment «bien différente des protectorats exercés sur le Maroc et la Tunisie». Nos interlocuteurs évoquent aussi la forte présence des Algériens en France «contrairement à toutes les autres nationalités et aussi les interférences culturelles entre les deux pays». Raffarin a été choisi en tant que tel par Sarkozy parce que, nous dit un diplomate, «c'est quelqu'un qui passe bien, qui n'a jamais polémiqué sur la relation politique entre les deux pays. C'est quelqu'un qui a beaucoup de cordes à son arc». Les Français se disent confiants du résultat de la visite de Raffarin aujourd'hui à Alger. Visite qui ne durera selon eux que quelques heures, «de 10h à 20h». Il rencontrera le Premier ministre Ahmed Ouyahia, «au moins deux fois», le ministre de l'Industrie Mohamed Benmeradi, ainsi que d'autres ministres concernés par les dossiers économiques. Le choix de Benmeradi par Bouteflika comme vis-à-vis de Raffarin ne pose pas de problèmes particuliers aux Français. «Benmeradi est quelqu'un qui connaît et qui gère les dossiers économiques même si on sait qu'il ne décide de rien», nous dit-on. Pour nos sources diplomatiques françaises, «Benmeradi est un correspondant de Raffarin pour le suivi des dossiers à chaque fois qu'il viendra à Alger, mais on est certains qu'il doit rencontrer d'autres personnes qui, elles, décident».