Conséquence des révélations que le site WikiLeaks déverse, la diplomatie américaine aura de la peine à l'avenir à obtenir les «confidences» qui permettaient à ses représentants à travers le monde de lui envoyer des rapports et analyses collant aux réalités multiformes des nations où ils sont en poste. Ses diplomates ne trouveront certes pas «porte close» et continueront à recevoir et à rencontrer. Mais instruits par l'affaire WikiLeaks, leurs interlocuteurs étrangers se montreront désormais circonspects et moins relâchés dans leurs entretiens. Mais si, pour les Etats-Unis, l'opération Wikileaks se réduit à ce désagrément, pour d'autres Etats, elle a des retombées autrement plus nocives. Ces Etats, dont les câbles et documents mis en ligne par WikiLeaks ont en effet éventé des «confidences» faites par leurs responsables ou des personnalités nationales aux diplomates américains qu'ils ont rencontrés, ayant trait à des Etats tiers qui sont motifs à crises diplomatiques entre eux et ces derniers. C'est le cas qui peut se produire entre l'Algérie et le Mali avec la divulgation des propos peu amènes tenus par le président Bouteflika et les militaires algériens sur le gouvernement malien d'Amani Touré. Les relations algéro-maliennes n'étaient pas sans nuages avant la mise en ligne des propos des responsables algériens. Mais au moins la nature «confidentielle» jusque-là de ceux-ci permettait aux deux pays d'entretenir la fiction d'avoir de bons rapports diplomatiques et de coopération. L'exemple algéro-malien n'en est qu'un parmi tant d'autres. Wikileaks a eu le mérite de briser la chape d'hypocrisie que les dirigeants de ce monde mettent sur leurs relations. C'est ce qui explique la jubilation qui s'exprime dans les réactions des citoyens lambda à la découverte des «confidences» qui s'égrènent sur le Net. Mais au-delà de leur jubilation à l'idée de la cuisante gêne dans laquelle sont mis certains des «grands de ce monde» par la révélation de leur double langage, ces citoyens voient confirmer la justesse de la défiance qu'ils vouent à leurs dirigeants respectifs. Dans le monde arabe par exemple, les citoyens de cette région n'ont pas en effet attendu les révélations de WikiLeaks pour se convaincre du larbinisme dont font montre leurs dirigeants nationaux à l'égard de la puissante Amérique. Que les Etats-Unis, «sans le vouloir», en aient fourni les preuves n'est pas pour les choquer et encore moins les indigner. Au contraire, ils applaudissent et en redemandent, tant ils mesurent l'effet dévastateur que les révélations ont sur le prestige et la crédibilité de ces dirigeants. L'on comprend alors que les concernés aient réagi en incitant à tarir par tous moyens le flot de révélations que WikiLeaks met en ligne. La pire erreur que commettrait l'opinion internationale serait qu'elle prenne pour argent comptant les arguments qui sont avancés par les milieux officiels, tant de certains Etats prétendument démocratiques que de ceux des Etats où la liberté d'expression est muselée, pour faire cesser «le scandale WikiLeaks». S'il y a scandale, c'est la présentation dont ont donné d'eux-mêmes par leurs «confidences» les dirigeants et responsables du monde.