Si ces «révélations» peuvent en tout cas servir à quelque chose, c'est aux journalistes avertis d'y trouver matière à conforter des informations qui étaient connues de tous, mais qui avaient besoin d'être recoupées. Il faut avouer que la source diplomatique façon WikiLeaks sert ce pain béni aux professionnels des médias. Hors cela, il n'y a point de secret d'Etat révélé à ce jour qui puisse changer les équilibres internationaux ou régionaux, à peine des incivilités sur des hommes d'Etat et des petits secrets sur des personnalités du monde de la politique. Il faudra noter également que les «révélations de WikiLeaks», si elles révèlent un double langage dans les relations diplomatiques des USA avec les autres nations du monde, n'en sont pas moins des «révélations» sur des perceptions de réalités et non des révélations sur des réalités méconnues. Grâce à WikiLeaks, les officines diplomatiques américaines ne pourront pas dire qu'elles ne savent pas et qu'elles n'ont pas une perception lucide de certaines réalités locales qu'elles ont tendance à occulter dans leurs déclarations publiques. Mais cela, tout le monde en est conscient et ce n'est pas aujourd'hui que le monde fait la découverte somme toute banale que la politique comme la diplomatie surfent sur les sentiers de la complaisance et de l'hypocrisie. Quoi qu'il en soit, WikiLeaks n'est pas une source sacrée, mais peut-être tout juste une source qui dit tout haut ce que des diplomates ont l'habitude de dire tout bas, et qui n'est pas forcément la vérité, mais certainement leur perception de ce qui serait la vérité. L'Algérie, une exception ? Il est constaté, en tout cas, en furetant dans les différents documents sur l'Algérie, qu'il se dit sur ce pays des appréciations qui sont en parfaite conformité avec les positions constantes de l'Etat algérien et, en dehors du questionnement sur l'état de santé du président Bouteflika, faisant écho à des rumeurs incertaines, la politique algérienne est appréciée dans ses documents où on y retrouve des appréciations connues, souvent répercutées par la presse locale et relevant du secret de Polichinelle. En revanche, et ce n'est pas encore une fois sans conforter les positions algériennes contre l'intégrisme islamiste et le terrorisme consécutif, certains documents émis par Wikileaks reprennent des perceptions diplomatiques, notamment françaises, remontant au début des années 90, faisant état, avant la lettre, de la menace que représente l'islamisme en Algérie. Ce qui traduit et trahit le double langage et l'attitude contradictoire de certains pays européens qui, tout en ayant dans les coulisses une perception claire de la menace, ont, d'une part, condamné l'interruption du processus électoral et isolé l'armée algérienne, et, d'autre part, développé un langage ambigu tout en continuant, durant cette période, de servir de bases arrières au terrorisme en Algérie. Autre affaire qui révèle une conformité de la ligne officielle algérienne avec les confidences diplomatiques révélées par WikiLeaks, le Sahara Occidental, où l'on retrouve, transmise dans ce document, dans l'esprit et la lettre, la position algérienne telle quelle, autrement dit l'attachement de l'Algérie à l'application des résolutions de l'ONU dans le cadre des efforts de règlement du conflit, à travers le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui via référendum. L'Algérie est également, selon ces documents, l'un des rares pays à soutenir le principe d'associer la Syrie aux négociations de paix au Moyen-Orient et l'un des rares pays à appeler à ne pas reconnaître l'Etat d'Israël. Jusque-là, rien que les Algériens ignorent sur les positions de l'Etat algérien.