« Les démocraties ne peuvent pas plus se passer d'être hypocrites que les dictatures d'être cyniques.» Georges Bernanos On se gargarise dans l'absurde avec les derniers événements de l'actualité internationale où la démocratie cupide est concoctée à toutes les sauces qui trépident pour servir au commun des mortels une choucroute démocratique cuisinée à la bastonnade, à la diversion ou carrément à la canonnade et profitant inexorablement à des intérêts panifiés et planifiés. Première représentation de ce « façadisme » enjôleur : l'Egypte où les militants du parti au pouvoir s'exprimaient « démocratiquement », lors du scrutin législatif à coups de poing et couteaux mis au point pour élever le taux du suffrage et faire ainsi barrage à une opposition bastonnée et réduite, en la circonstance, à une peau de chagrin. Puis c'est le bourrage légal des urnes et de la manipulation des voix et des lois pour unifier et « purifier » une assemblée législative qui servira de tremplin au Raïs pour un mandat jusqu'à ce que mort s'ensuive. Le parti au pouvoir est passé ainsi de la domination au monopole de toute une assemblée par des élections au goût de sang et à l'odeur de poudre. La deuxième illustration de ces mascarades montées, révélée par l'actualité, nous vient du voisin marocain ou l'on excelle dans la manipulation des masses pour obnubiler et faire diversion dans le but de desserrer l'étau de la pression internationale sur les massacres commis par les soldats de notre « ami M6 » dans les camps sahraouis d'El Ayoun. En organisant une manifestation « pacifiquement » gigantesque et « démocratiquement » grotesque pour dénoncer le vote-sanction du Parlement européen, le Makhzen a cru trouver la parade en s'acharnant, en cette circonstance pour laver plus blanc, sur le bouc émissaire tout trouvé le parti populaire espagnol. Pourtant ce dernier n'a fait que suivre ses pairs européens dans le vote pour condamner les violences perpétrées par les Marocains à El Ayoun. User de ce subterfuge « démocratique » en faisant sortir le peuple dans la rue afin de légaliser «démocratiquement» la violence en territoire sahraoui occupé, relève de la plus pure abjection que l'on puisse imaginer de la part d'un belligérant en perdition accélérée sur cette question de décolonisation. Enfin, le troisième tableau nous est présenté par un site qui est devenu la plaque tournante de toutes les infos croustillantes des coulisses politiques. Wikileaks, où le tout nouveau Lucky Luke des temps modernes Julian Assange qui tire plus vite, en nous sortant de l'ombre des mille et un coins de la Toile, d'interminables documents confidentiels. Assange dérange car l'Amérique de l'Oncle Sam y tient ou plutôt détient le rôle majeur du cow-boy justicier intervenant aux quatre coins de la planète à coup de massacres en Afghanistan, d'Abou Ghreib en Irak, de drones meurtriers, de prison-torture à la Guatanamo pour « promouvoir la démocratie » et « instaurer des gouvernements transparents » d'aplaventrisme. En dévoilant plus de 400.000 notes et des documents confidentiels sur la sale guerre d'Irak et d'Afghanistan, Wikileaks nous configure l'instauration de la démocratie par la violence, utilisée cette fois-ci à grande échelle. A travers ces interminables révélations rassemblant des agissements malsains, des tartufferies, des basses manœuvres, des intrigues ourdies, des déclarations sournoises et pestiférés en aparté et en toute lâcheté d'hommes politiques, nous assistons à un véritable appauvrissement de « l'authenticité démocratique », celle de l'équité et la sécurité à laquelle nous y avons crue. Ces moyens paradoxaux entretenus dans les divers espaces de notre planète, s'opposent même à la finalité du principe démocratique qui a pour but d'éradiquer, voire de sublimer toute sorte de violence. A l'exemple de cette démocratie à la carte qui prône à doses prescrites une liberté d'expression pour justifier des animosités outrecuidantes, des comportements outrageants envers certains pays ou certaines personnalités et surtout une certaine religion. Le retour du boomerang de cette ordonnance tombe aujourd'hui sur ceux qui l'ont préconisée. La fermeture du site Wikileaks, le chassé-croisé des blogs qui diffusent ces documents secrets et l'arrestation du fondateur de Wikileaks montrent on ne peut plus clair les limites machiavéliques et les contradictions insidieuses dans l'application de ce principe fondateur de la démocratie. Cet état de fait met surtout à nu la perfidie dans laquelle baignent ceux qui l'utilisent lorsqu'il s'agit d'autrui. Julian Assange est incarcéré aujourd'hui à Londres, le délit qu'on lui incrimine : violences sexuelles présumées en Suède !? - comme si on ne connaissait pas ce pays dans ce registre - la violente répression qui s'abat sur les sites qui se relayent ses documents, nous dévoile indéniablement que la liberté d'expression à laquelle on est convié, est une liberté conditionnelle qui ne sert que les intérêts des puissants. Il est des périodes données du cycle de l'histoire où apparaît à chaque fois un sage Assange qui vienne nous secouer et en même temps nous rappeler cette amère vérité. * Universitaire - Saïda