Quand les bruits de couloirs ne sont plus audibles, nous nous faisons un plaisir de vous les faire parvenir. Musique. A une semaine de la présidence hongroise de l'UE, les premières «escarmouches» politiques entre ex-pays de «l'Est», pourrait-on dire, et ceux de l'Europe de «l'Ouest» n'augurent pas un semestre tranquille dans la grande famille européenne. Inspiré par l'hiver neigeux et glacial qui sévit depuis le début décembre sur le continent, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Janos Martonyi, rêvant à plus de soleil dans la demeure européenne, a prédit une présidence «olé, olé» pour son pays : «Ce sera une corrida espagnole où Budapest ne jouera pas le rôle du taureau mais celui du toréro», a-t-il déclaré le 20 décembre. Et tout le monde de s'interroger sur le sens de cette référence au spectacle qu'offre la corrida et où cela finit par la mort, à coups de piques, du taureau et les ovations du public au toréro. La réponse est arrivée deux jours après, le mercredi dernier, lorsque l'autre organisation européenne, l'OSCE, se fendit dans une déclaration qualifiant le régime hongrois en place de «liberticide», suite à son adoption d'une législation visant à museler la liberté d'expression et de presse. «Je crois que le Parlement hongrois a adopté le 20 décembre une législation sur les médias qui viole les normes de l'OSCE et met en danger l'indépendance éditoriale et le pluralisme des médias», a déclaré, à partir de Vienne, Mme Dunja Mijatovic, la responsable en charge des médias au sein de l'OSCE. De son côté, le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois M. Asselborn, a, selon une dépêche de l'agence Reuters, enfoncé le clou, comparant le régime hongrois à celui du Belarus dirigé par Loukashenko. «Jusqu'à présent, Loukashenko était considéré comme le dernier dictateur en Europe. Lorsque la nouvelle loi entrera en vigueur en Hongrie, ce ne sera plus le cas.» Voilà qui n'est pas pour apaiser les choses à la veille de la prise de fonction de la Hongrie à la tête de l'Europe. Quant à la Commission européenne gardienne des Traités de l'Union, elle «bégayait», ce même mercredi, lors du briefing de presse quotidien, face aux questions des journalistes accrédités à Bruxelles. «La Commission va suivre la situation et nous verrons plus tard», a résumé le Porte-parole. Pour l'instant donc, c'est bien la Hongrie qui est dans le rôle du «toréro ou toréador» et mène la «corrida». En revanche, dans le «camp Ouest», ce sont les deux meneurs de l'Europe, l'Allemagne et la France qui ont lancé les premières piques vers deux autres pays de l'ex-Europe de l'Est. Le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière Angéla Merkel ont adressé, lundi, des réserves pour reporter l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l'espace Schengen. Système judiciaire et policier archaïques, corruption, etc. ont été autant de raisons invoquées pour ne pas accepter ces deux pays qui ont rejoint l'UE en 2007, dans l'espace de libre circulation européen. Du coup, le président roumain, Traian Basescu, a qualifié la décision contre son pays de «discriminatoire». Le président roumain a, sans le vouloir peut-être, tapé dans le mille : la majorité des populations «Roms» vivent en Roumanie et en Hongrie et c'est là, sans aucun doute, l'angoisse de Sarkozy de revoir le retour des Roms, gitans et manouches expulsés l'été dernier, sans pouvoir les «rafler» une seconde fois. Ces piques et provocations entre certains pays de l'Ouest européen et d'autres de l'Est sont devenues monnaie courante dans les enceintes diplomatiques. Cela traduit bien un malaise politique dont les causes profondes tiennent plus à des conceptions de la construction européenne, en particulier dans son acception de la solidarité, qu'à des humeurs passagères de gouvernants. Les cas d'exception existent dans l'Union. La Suisse, qui n'est pas membre de l'UE, est admise dans l'espace Schengen, alors que la Roumanie et la Bulgarie sont membres de l'UE et exclues de ce même espace. En revanche, le Royaume-Uni et l'Irlande ont délibérément choisi de ne pas faire partie de Schengen et sont des membres actifs de l'Union. Enfin, l'exemple du Danemark est plus «étrange», puisqu'il adhère à l'espace Schengen mais s'arroge le droit de contrôler à ses frontières lorsqu'il le souhaite. Finalement, ce sont 25 Etats qui sont dans Schengen, dont 22 Etats de l'Union qui en compte 27 Etats. C'est probablement en raison de tant d'incohérences politiques et de «bizarreries» institutionnelles que le ministre des Affaires étrangères hongrois a cru bon se souvenir de la corrida espagnole. Cela commence, il est vrai, par le «Tercio de pique» qui force le taureau à la soumission; puis le «Tercio de banderilles» qui prépare sa mise à mort ; enfin, «l'estocade» par la lame de l'épée du toréro qui achève l'animal. Si la Hongrie joue au «Tercio de pique», le rôle de la Pologne (un pays de l'Est) qui lui succèdera à la présidence de l'Union sera-t-elle dans le celui du «Tercio de banderilles» ?