Alors que certains endroits connaissent encore des heurts sporadiques entre manifestants et forces de l'ordre, les citoyens de plusieurs localités touchées par les saccages d'édifices publics et privés se sont interposés avant-hier en début de soirée pour empêcher la destruction d'autres institutions. L'exemple le plus frappant nous vient de la ville de l'Arba qui a enregistré le plus de destruction durant la nuit de jeudi à vendredi avec l'incendie et la rapine de la poste, des services des impôts , d'une agence bancaire et d'une autre de la SDC. En effet, et après un vendredi relativement calme, des groupes de jeunes venus des quartiers limitrophes de la ville ont essayé, en début de soirée, de s'en prendre à la polyclinique, au siège de l'APC, au tribunal ainsi que la daïra. D'autres jeunes, comme ceux du quartier el Fahs ou du centre-ville remarquèrent le manège, et spontanément, se dirigèrent vers les lieux visés pour les protéger du vandalisme de ceux qu'ils ont qualifiés de voleurs. Au niveau de la polyclinique par exemple, les agents de sécurité ont défendu bec et ongles leur gagne-pain faisant fi du danger qui les guettait avant d'être aidés par des dizaines de jeunes venues du quartier d'el Fahs où se trouve cette polyclinique. Au niveau de l'APC ce sont aussi des citoyens qui ont aidé les forces de l'ordre à disperser les manifestants et à les empêcher de l'incendier comme ils en avaient l'intention. C'était un spectacle qui réchauffait le cœur après les destructions insensées de la veille. Les citoyens en particulier les jeunes, semblent avoir saisi le sens réel de ces manifestations qui auraient dû rester pacifiques et beaucoup parlaient des images des Tunisiens qu'ils avaient pu voir à la télévision et où il n'y était relaté aucun acte de destruction, même mineur. La plupart ont éprouvé une fierté certaine après avoir repoussé les attaques de hordes de jeunes qui «ne voulaient que détruire et voler des institutions dont nous sommes les premiers et les principaux bénéficiaires» ont-ils précisé. B.M un peu plus de vingt ans affirme que «je resterais éveillé autant de nuits qu'il faudra mais je briserais quiconque voudra toucher à ce qui nous reste. Déjà que je pense à ces vieilles femmes qui ne trouveront plus où retirer leur argent et qui seront obligées de se déplacer ailleurs, en outre pourquoi les habitants des villes voisines n'ont pas détruit ce qui est un acquis pour nous tous?» Ailleurs, c'est le même scénario qui s'est déroulé et on nous rapporte, sans que nous puissions confirmer ou infirmer, que des heurts ont eu lieu entre partisans des saccages et des destructions et ceux qui voulaient manifester de manière pacifique, en bloquant les routes par exemple ou en empêchant les activités économiques. Mais il semble en définitive qu'en dépit de tout, les citoyens ont pris conscience de la gravité de pareils comportements et beaucoup outre le fait de les condamner, participent eux-mêmes à la protection des biens publics et privés et veillent au grain quand ils voient des dépassements. Enfin, les grands absents de ces journées décisives pour l'Algérie sont toujours les élus, les représentants de la société civile, les partis qui se taisent et qui ne veulent même pas essayer d'apaiser les esprits au moins au niveau des quartiers. C'est ce que nous avons retrouvé dans les propos de la plupart de ceux que nous avons approchés et qui regrettent amèrement ces absences.