Des rois et chefs d'Etat du monde arabe, le leader libyen Muammar El Kadhafi est le seul à s'être exprimé sur les événements dont la Tunisie, pays voisin du sien, est le théâtre. Il l'a fait comble de l'outrecuidance dans un discours adressé au peuple tunisien dans lequel il a exprimé sans ambages son hostilité à la révolte populaire ayant abouti au renversement de «son ami» Zine El Abidine Ben Ali et accusé les Tunisiens «d'ingratitude» à l'égard de celui-ci dont il a encensé le «patriotisme et les services rendus à la patrie tunisienne et à la nation arabe». Que l'opinion et la prise de position d'El Kadhafi révulsent, elles n'ont pas moins le mérite de la franchise et celui d'une solidarité assumée d'un dictateur pour un autre. Ce qui n'est pas le cas dans l'attitude observée par les autres potentats arabes qui pourtant sont tout aussi hostiles au mouvement populaire ayant provoqué la chute du dictateur tunisien. Ils sont dans le même effroi qu'El Kadhafi de l'effet contagieux que la «révolution du jasmin» peut avoir sur leurs pays respectifs. Effroi alimenté par l'extraordinaire écho de sympathie rencontré par cette révolution au sein de leurs opinions publiques. Contrairement au leader libyen, ils se sont gardés de faire étalage du désarroi dans lequel ils sont au vu de cette révolte populaire venue à bout d'une dictature comparable aux régimes qu'ils président. Pour sûr toutefois qu'ils sont hantés par l'exemple tunisien et ne réfléchissent qu'à la façon de se prémunir contre une survenance chez eux du même enchaînement d'événements qui a eu raison du pouvoir totalitaire de Ben Ali. D'aucuns pensent s'être mis à l'abri d'une déflagration de ce genre en décrétant la baisse des prix de produits alimentaires de première nécessite. Preuve s'il en est qu'ils se refusent à voir leurs peuples autrement que «des tubes digestifs» et donc incapables d'être mus par d'autres considérations qu'alimentaires. Cela a été le cas dans un premier temps pour les autorités algériennes confrontées à des émeutes populaires au moment où la «révolution du jasmin» avait démarré, sans qu'elles sachent qu'elle allait provoquer le séisme en Tunisie dont elles redoutent maintenant l'onde de choc en Algérie. Selon des sources, Bouteflika aurait été atterré par la tournure des événements dans le pays voisin de l'Algérie, mais comprit qu'il lui faut entreprendre quelque chose qui dissuaderait les Algériens de prendre exemple sur les voisins tunisiens. Il serait question de gestes politiques destinés à manifester sa volonté de changement. On le crédite ainsi de préparer un remaniement gouvernemental de grande ampleur, de penser à la dissolution de l'Assemblée populaire nationale et de mettre la touche finale à une nouvelle révision de la Constitution. La certitude est qu'en tout cas le président de la République ne peut plus se cantonner dans l'immobilisme qui est le sien depuis sa réélection en avril 2009. Le pays est en ébullition, comme l'ont démontré les récentes émeutes. A elles seules, les mesures sociales prises par le gouvernement ne constituent pas les réponses aux attentes populaires. Dans celles-ci, il en est qui sont de nature politique. Ainsi l'exigence de l'ouverture démocratique, celle de l'instauration de l'Etat de droit, de la lutte contre la corruption et le népotisme. Autant de revendications sur lesquelles a été fondée la révolution du jasmin en Tunisie. Et sur lesquelles un mouvement similaire pourrait prendre forme.