Les arguments avancés par Kadhafi ne tiennent pas la route. La décision libyenne d'abandonner la présidence de l'Union du Maghreb arabe a été ressentie par les dirigeants de cette organisation comme un véritable coup de couteau dans le dos. Le processus de construction de l'UMA, déjà très laborieux, arrive à un cul-de-sac, du fait de l'absence d'un mécanisme légal susceptible de sortir la région de cette énième crise provoquée. Et pour cause, les arguments avancés par la Libye pour justifier son retrait de la présidence de l'organisation ne tiennent pas la route, au sens où les critiques avancées par Muammar al-Kadhafi sont à la limite de l'ingérence dans les affaires des Etats membres de l'Union. En effet, au nom d'une charte signée par les cinq pays de l'UMA, le dirigeant libyen évoque «l'établissement par la Mauritanie de relations diplomatiques avec Israël, la coopération militaire de certains pays membres de l'UMA avec des pays étrangers, notamment leur participation à des exercices militaires qui nuisent à la sécurité de ce groupe». Sur ce double grief, le traité fondateur de l'Union est on ne peut plus clair. Dans son article trois, il est dit: «La politique commune mentionnée dans l'article précédent a pour but la mise en oeuvre des objectifs suivants. La réalisation de la concorde entre les Etats membres et l'établissement d'une étroite coopération diplomatique fondée sur le dialogue (sur le plan international), et la sauvegarde de l'indépendance de chacun des Etats membres (sur la question de la défense).» L'allusion aux manoeuvres militaires entre l'armée algérienne et l'Otan ne peut constituer un argument valable pour justifier la décision libyenne. Cela dit, Muammar al-Kadhafi pensait peut-être à l'article 15 du même traité qui stipule que «les Etats membres s'engagent à ne permettre sur leurs territoires respectifs aucune activité ni organisation portant atteinte à la sécurité, à l'intégrité territoriale ou au système politique de l'un des Etats membres.» Or, la région n'est pas du tout dans cette situation. Même constat en ce qui concerne la deuxième partie de l'article en question qui engage les cinq pays du Maghreb «à s'abstenir d'adhérer à tout pacte, ou alliance militaire ou politique, qui serait dirigé contre l'indépendance politique ou l'unité territoriale des autres Etats membres.» La décision libyenne n'a donc aucun rapport avec les textes régissant l'Union du Maghreb arabe, mais cache mal une volonté de Kadhafi de saboter l'édifice. Sa responsabilité quant à l'avortement du Sommet d'Alger de l'UMA renseigne, en effet, sur cette tendance qu'a le dirigeant libyen à vouloir se distinguer de ses pairs. Dans une tentative de rattraper la «gaffe» de Kadhafi, le président tunisien, Zine el-Abidine Ben Ali, a engagé une série d'entretiens téléphoniques avec les chefs d'Etat, membres de l'Organisation. Le président tunisien a réitéré à ses interlocuteurs «l'attachement de la Tunisie à dynamiser les structures de l'UMA et à en optimiser l'action au service des intérêts et des aspirations des peuples de la région», rapporte une dépêche de l'agence Tunis Afrique presse (TAP). Pour l'heure, aucune information sur un probable recul de la Libye n'est rendu publique. Autant dire que l'UMA entre dans une nouvelle ère d'incertitude, dont l'une des conséquences sera une aggravation de la situation au sein de l'organisation qui n'arrive pas à tenir un sommet depuis la décision marocaine d'en geler les structures, prise en 1994. Le dirigeant libyen, n'a fait, ni plus ni moins, que de pousser l'organisation dans une impasse d'où il serait plus que difficile de sortir. Cela étant, trois jours après la surprenante sortie du dirigeant libyen, l'on a toujours pas enregistré une réaction officielle d'Alger qui, faut-il le souligner, voit à travers cette décision, l'effondrement d'un travail de plusieurs années.