La situation en Egypte reste toujours tendue, avec le refus de Hosni Moubarak de quitter le pouvoir, alors que la rue demande avec insistance son départ. Mais, le grand sujet de discussion ces derniers jours est la fortune colossale que le clan de Moubarak a amassée, et placée dans des banques étrangères. Si près de 40% de la population (l'Egypte compte 80 millions d'habitants) vivrait avec moins de trois dollars par jour, selon les chiffres de l'ONU, des experts financiers spécialistes du Moyen-Orient évaluent la fortune de la famille du président égyptien entre 40 et 70 milliards de dollars. Elle serait répartie comme tel : 15 milliards de dollars pour Hosni Moubarak, un milliard pour son épouse Suzanne, huit milliards pour son fils aîné, Alaa, et 17 milliards pour son second fils Gamal. Par comparaison, celle du couple Ben Ali est estimée à cinq milliards de dollars, selon le classement du magazine américain Forbes. La famille du Raïs est donc plus riche que l'homme le plus riche des Etats-Unis, Bill Gates (54 Mds de dollars). Une bonne partie de la fortune des Moubarak, acquise à travers des contrats de marchés douteux, dont le fameux pourcentage sur les gros contrats, est placée dans des banques en Suisse, Allemagne, Etats-Unis ou Angleterre. En outre, la famille Moubarak possèderait en dehors de l'Egypte des propriétés aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne (dont les fils et la mère détiennent la nationalité), en France, en Suisse, en Allemagne, en Espagne et à Dubaï. Enfin, ses deux fils, Gamal et Alaa, ont créé et pris des participations dans de nombreuses sociétés en Europe et aux Etats-Unis. La rue demande le départ du Raïs Sur le terrain, les manifestants ont maintenu la pression lundi au 14e jour de la révolte populaire en Egypte contre le président Hosni Moubarak, jugeant insuffisantes les offres de réformes présentées à l'issue du dialogue engagé dimanche entre pouvoir et opposition. Plusieurs dizaines de personnes ont bloqué l'accès à un important édifice gouvernemental donnant sur la place Tahrir, devenue un symbole de la contestation au Caire. Dimanche, les groupes de jeunes à l'origine du mouvement avaient annoncé la formation d'une coalition et assuré qu'ils ne quitteraient pas la place Tahrir tant que le président n'aurait pas démissionné. Dans la mégalopole de 20 millions d'habitants, la vie reprenait doucement son cours. Le couvre-feu est toujours en vigueur mais de nombreux commerces et banques ouvrent à nouveau leurs portes, et la circulation a repris. La Bourse du Caire, fermée depuis le 30 janvier, doit rouvrir le 13 février, selon la direction de l'institution. Des manifestants ont toutefois empêché lundi matin des fonctionnaires d'accéder à la "Mugama", un imposant édifice gouvernemental à l'architecture d'inspiration soviétique, symbole de l'Etat et de sa lourdeur bureaucratique. Fermé depuis le 25 janvier, le bâtiment, qui héberge des milliers de fonctionnaires, avait partiellement rouvert dimanche. Mais lundi, des manifestants étaient postés aux entrées, empêchant l'accès aux employés et aux personnes venues effectuer des démarches administratives. Des protestataires ont affirmé avoir arrêté un homme voulant mettre le feu au bâtiment afin d'imputer l'acte aux manifestants et discréditer le soulèvement populaire. L'homme a été remis à l'armée. Certains des manifestants ont passé une nouvelle nuit sous des bâches autour de chars de l'armée postés devant les accès de la place Tahrir, de crainte de voir les militaires manœuvrer pour laisser l'accès aux partisans du président Moubarak ou faire partir les manifestants. Pendant ce temps, M. Moubarak a reçu le vice-président Omar Souleimane, le président du Parlement, Fathi Surur, et le président de la Cour d'appel Sari Siyam, selon l'agence officielle Mena. Dimanche, les Frères musulmans, première force d'opposition mais bête noire du régime, se sont joints à un dialogue politique national, avec d'autres groupes d'opposition, pour chercher une issue à la crise provoquée par les manifestations incessantes depuis le 25 janvier. C'était la première fois en un demi-siècle que le pouvoir et les Frères musulmans discutaient publiquement. Les participants à ce "dialogue national" se sont mis d'accord sur "une transition pacifique du pouvoir basée sur la Constitution", a annoncé le porte-parole du gouvernement, Magdi Radi. Mais les Frères musulmans ont aussitôt dénoncé l'insuffisance des réformes proposées. Un comité va être formé pour proposer des amendements constitutionnels avant la première semaine de mars, a expliqué M. Radi, ajoutant que la levée de l'état d'urgence en vigueur en Egypte depuis 1981 faisait partie des réformes proposées. Les discussions réunissaient le régime, les Frères musulmans, le parti Wafd (libéral), le Tagammou (gauche), des groupes de jeunes pro-démocratie ayant lancé le mouvement de contestation ainsi que des figures politiques indépendantes et des hommes d'affaires. L'un des opposants égyptiens les plus en vue, le prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradei, a assuré ne pas avoir été invité, et qualifié ces discussions d'"opaques", sur la chaîne américaine NBC. Par ailleurs, les autorités égyptiennes ont de nouveau réduit la durée du couvre-feu en vigueur dans trois grandes villes du pays dont Le Caire, accordant une heure supplémentaire de liberté de mouvement à leurs habitants, a annoncé lundi la télévision d'Etat. Le couvre-feu, imposé le 28 janvier dans trois grandes villes du pays - Le Caire, Alexandrie (nord) et Suez (est) - sera désormais en vigueur de 20h00 (18h00 GMT) à 06h00 (04h00 GMT), contre 19h00 auparavant, a précisé la télévision.