Dans la précipitation et dans la foulée des vents contestataires apportés par le mouvement des «jeunes du 20 février», le gouvernement marocaina décide d'une rallonge de 15 milliards de dirhams (1,5 milliard d'euros environ) au soutien des prix des produits de large consommation portant le budget global de la Caisse de compensation à 32 milliards de dirhams. Il devra rogner sur ses dépenses. La réforme de la Caisse est renvoyée à plus tard Devant la commission des finances de la chambre des conseillers (Sénat), le ministre des Affaires générales et de l'Economie, Nizar Baraka a donné, en fin de semaine plusieurs variantes des mesures que le gouvernement envisage pour «subventionner» la hausse imprévue des subventions de la Caisse de compensation des prix. Tout en écartant d'emblée l'éventualité d'une loi de finances complémentaire «puisque le budget d'investissement n'a pas été touché», a-t-il estimé. Mais il n'y a pas de miracle, ce qui est donné à la Caisse de compensation doit être pris ailleurs. Le financement de la rallonge budgétaire de 15 MMDH sera donc puisé du budget de fonctionnement et par l'amélioration des recettes fiscales. En fait, la hausse du budget de la Caisse de compensation sera financée par des coupes drastiques dansle budget de fonctionnement et le «train de vie» des cadres de l'administration sera revu à la baisse. Il a annoncé pêle-mêle la «contribution» du train de vie de l'Administration, des économies sur la location et l'achat de voitures de service, les frais de téléphone et des réductions dans les dépenses d'hébergement et de restauration. Coupes à tous vents Le gouvernement devra également rationaliser les missions à l'étranger et réduire le nombre des délégués. Les autorités comptent également éviter de programmer la construction de nouveaux bâtiments administratifs. Les dépenses des établissements publics doivent aussi passer à la trappe, selon le ministre de l'Economie et des Affaires générales. Toutes ces mesures devraient permettre au gouvernement marocain de financer le soutien des prix de produits de large compensation, à un moment les prix du pétrole rognent plus de 35% des importations marocaines. Reste l'enjeu et la promesse sans cesse décalée d'une réforme de la Caisse de compensation. Le ministre a ainsi annoncé des mesures destinées à améliorer «la gouvernance» de la Caisse de compensation. Dans ce registre, il y aura, selon lui, une réduction de la subvention du fuel industriel de 51 à 25%, et la révision de la structure des prix de la farine nationale et des produits pétroliers. Le montant global budgétisé en 2011 pour la caisse de compensation était de 17 MMDH. Il a été porté à 32 MMDH en février après la hausse des prix des produits alimentaires sur les marchés internationaux. Le contexte des bouleversements politiques en Tunisie et en Egypte et les émeutes en Algérie a également joué dans cette hausse du budget de la compensation. «Cibler» 97% des ménages ? Mais la réforme du système de compensation des prix, en chantier depuis en 2008, tarde à voir le jour. Le contexte politique est encore moins propice aujourd'hui. Avec deux révolutions qui ont fait des avancées importantes, une révolution en Libye qui tourne à la guerre civile et les appels au changement qui ont fini par toucher le Maroc, l'enthousiasme à réformer la Caisse de compensation a fortement décliné. La compensation est une véritable «caisse-tête» pour le gouvernement marocain. La Caisse est l'instrument entre ses mains pour assurer un soutien des prix destinés à préserver des bas salaires et atténuer les effets de la flambée des prix des produits alimentaires sur le marché international. Mais les économistes et les pouvoirs publics constatent que le soutien général au prix profite surtout à ceux qui en ont le moins besoin. Le souhait est de sortir d'un soutien général à une approche plus ciblée. La solution serait donc de ne plus «compenser» les produits et d'affecter les fonds dans des aides directes aux plus pauvres. La facture du différentiel pour les prix énergétiques en 2010 s'était établie à plus de 11 MMDH. Mais c'est plus facile à énoncer qu'à faire surtout que les personnes à cibler représentent 97,5% des Marocains. Selon des projections faites par le département de Nizar Baraka, cités par la Vie Eco, ces 2,5% de ménages bénéficient pour leur consommation de carburant, bombonnes butanes et autres d'une compensation de 3 milliards de dirhams. Les entreprises, elles, profitent pour le fioul et l'électricité d'une subvention de 1,5 milliard de DH. On se retrouve avec 4,5 milliards de DH (14%) pour les couches aisées sur un budget global de 32 milliards. Le reste, 27,5 milliards de DH, va aux ménages dont les revenus mensuels sont inférieurs à 20 000 DH. Mais, cela a beau paraître «injuste», sortir du système général risque de créer plus de problèmes qu'il n'en résoudrait. En effet, comme le note la Vie Eco, il est «quasiment impossible d'imaginer un transfert financier à 97,5% de la population». En outre, indique-t-il, «l'étude a aussi démontré que le système de compensation n'est pas totalement injuste puisque seulement 15% des ressources profitent à des consommateurs qui n'y ont pas droit». Entre impossibilité technique et risques politiques, la réforme de la Caisse risque d'attendre encore longtemps.