Vingt-quatre heures après le déclenchement des opérations militaires en Libye, la coalition internationale a atteint les objectifs fixés par la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU. A savoir l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne sur le pays et l'arrêt de la progression vers Benghazi des forces fidèles au dictateur de Tripoli. Mais la coalition n'a manifestement pas l'intention de s'arrêter à ce résultat, comme le prouvent la continuation et l'intensification des frappes aériennes sur la Libye. Le doute pesait déjà sur les intentions réelles de cette coalition. Certains de ses membres ne cachaient en effet nullement qu'elle a pour objectif, non seulement de neutraliser le potentiel militaire de Kadhafi, mais d'en finir avec celui-ci et son régime. Le doute devient certitude dès lors que les buts fixés par la résolution onusienne ont, de l'aveu même des stratèges militaires de cette coalition, été atteints, mais que le matraquage aérien et maritime se poursuit. La cause du dictateur libyen n'est aucunement soutenable ou défendable. Il a fait ce qu'il fallait et encore plus pour provoquer contre lui la réaction musclée de la communauté internationale. Ce qui ne doit pas pour autant donner prétexte à ceux que l'ONU a mandatés en termes clairs et à une fin précise de substituer leurs objectifs à ceux fixés par elle. Si c'est cela que la coalition est en train de faire, alors son intervention est frappée d'illégalité et prend la dimension d'une ingérence étrangère inacceptable. L'armée de Kadhafi n'est pas aussi puissante pour justifier le feu d'enfer déclenché sur le pays. En quelques frappes bien ciblées du fait de la parfaite connaissance qu'ont les stratèges militaires de ses centres névralgiques et vitaux, elle a été déjà pratiquement mise hors d'état d'être encore offensive contre les insurgés. La Libye et son peuple sont déjà exsangues après un mois de guerre civile. Leur but atteint, les bombardements effectués par la coalition ne font maintenant qu'ajouter aux pertes humaines et destructions subies par ce peuple. Que l'on ne vienne pas nous resservir le cynique cliché des «frappes chirurgicales» n'atteignant que des objectifs militaires. La chute de Saddam Hussein s'est accompagnée de frappes de ce type qui ont fait, rappelons-le, des centaines de milliers de morts pourtant innocents et victimes de sa dictature. Il est un autre aspect de cette intervention internationale qui dérange et interdit d'y applaudir. Celui qui est d'entendre la jubilation qu'elle provoque en certains milieux occidentaux, en France particulièrement, pays qui assume son leadership et en a fixé le véritable objectif. Les «cocoricos» cocardiers poussés en la circonstance dans l'Hexagone insupportent, et pas seulement au sein de ceux qui sont favorables au dictateur de Tripoli. Il y a dans ces «cocoricos» un abominable relent, celui émanant de la satisfaction que la France et l'Occident sont partis en guerre non pas contre le seul Kadhafi et ses suppôts, mais pour «casser de l'Arabe et du musulman». Si la coalition persiste dans son objectif caché et dans le traitement qu'elle inflige à la Libye, il va se produire qu'elle sera cause d'un retournement d'opinion et l'advenance d'une situation dans ce pays qui fera apparaître à beaucoup que le temps de la dictature de Muammar El-Kadhafi comme un moindre mal enduré. Et celui-ci compte précisément sur une pareille éventualité.