Le courant n'est jamais passé entre Ouyahia et Belkhadem. Ce qui explique en partie la «guéguerre» feutrée qu'ils se livrent, alors que les partis qu'ils dirigent respectivement sont partenaires dans l'Alliance présidentielle et dans l'exécutif gouvernemental. C'est un secret de Polichinelle que les deux hommes divergent sur de nombreux points. Mais que l'on ne s'y trompe pas: ils sont dans une convergence fondamentale. Celle de l'opposition au changement du système politique dans lequel ils évoluent et les a fait arriver au niveau où ils pensent pouvoir se prévaloir d'un «destin national». Il faut vraiment recourir à une exégèse fouillée des déclarations des deux hommes sur le sujet pour leur attribuer des discordances dans le refus du changement. Que l'un - Belkhadem - plaide pour «le changement dans la continuité», et l'autre - Ouyahia - pour des «réformes même en profondeur, mais qui ne doivent pas aboutir à la négation du parcours de l'Algérie depuis le recouvrement de son indépendance », ils expriment en fait chacun dans son style l'aversion qu'ils cultivent pour les revendications demandant, elles, un changement radical du système politique. Ouyahia et Belkhadem sont représentatifs de deux courants au sein du pouvoir, qui certes sont en rivalité pour son contrôle, mais tout aussi déterminés à faire front commun à la tempête du changement qui menace le système. L'un et l'autre travailleront donc de concert pour faire avorter tout projet ayant la prétention d'aller dans ce sens. Il est tout à fait naïf par conséquent de voir dans les récents positionnements de l'un et de l'autre sur la question des changements politiques à opérer dans le pays une quelconque divergence de fond entre les deux personnages. Cela étant, il est vrai qu'Ouyahia et Belkhadem se livrent à un marquage au plus près. A tort ou à raison, chacun s'estime, au cas où le système se survivrait jusqu'en 2014, être celui qui aura le droit de briguer la succession de Bouteflika, même si pour l'heure l'un comme l'autre fait comme si la question de cette échéance ne taraude pas son esprit. Ils y pensent pourtant à plein temps, alors que le pays est secoué par le vent d'une tempête politique et sociale qui va en se gonflant. Aux yeux des Algériens qui voient dans cette tempête une chance salvatrice de sortir le pays de l'impasse et des décennies de mauvaise gestion due à un système ossifié et obsolescent, Ouyahia et Belkhadem sont représentatifs en quintessence d'un personnel politique et dirigeant qu'ils ne veulent plus voir aux commandes de la nation. Le changement auquel aspirent les Algériens ne se résume pas à celui des hommes qui président de façon aussi défaillante à leur destinée. Mais il est clair pour eux qu'il ne peut se faire par ces hommes et sous leur conduite. Ouyahia et Belkhadem mesurent parfaitement l'échelle du discrédit dont ils sont frappés au sein de l'opinion publique. C'est pourquoi on les verra faire front et s'opposer solidairement à la montée en puissance de la revendication de changement du système politique. Ils sont peut-être des adversaires au titre de l'ambition personnelle, mais d'abord et avant tout des alliés au service d'un système dont la pérennité est pour eux question de survie politique.