Toutes les sociétés sont en transition. Les moins malheureuses sont celles qui n'ont pas besoin de révolution et se sont dotées des mécanismes pour que les transitions se fassent sans trop heurts dramatiques. Les transitions les plus dures sont celles qui ne se font pas ou n'en finissent pas de se faire. Le Maghreb ou l'Afrique du Nord si l'on veut inclure l'Egypte en est là, entre deux temps. En Tunisie et en Egypte, une transition s'entame avec ses difficultés, ses incertitudes et ses risques de désenchantement. La Tunisie où l'étouffement policier a duré si longtemps, les revendications font des rattrapages au risque, selon le patronat, de mettre à mal une économie déjà fortement affectée. Normal que les Tunisiens regardent vers l'Algérie à l'heure où la «transition» libyenne sombre dans une guerre de longue durée avec en sus une intervention étrangère. Le régime Kadhafi résiste aux avancées et au recul d'une insurrection chaotique et très amateur. Mais à trop ruser avec des idées farfelues le régime est en train de réussir une entreprise de destruction et de partition du pays. Certains pays ont hérité de frontières et il était donné à leurs dirigeants de faire preuve de la sagesse pour créer des nations. La première sagesse est de refuser de stériliser, de libérer les mouvements qui permettent les intégrations fondées sur la liberté, la dignité et le progrès. Vu de Libye et de sa ligne de front sans cesse changeante mais située dans une géographie bien précise, il n'existe pas de transition, il n'existe un temps suspendu, un temps de destruction et de raids. Vu d'Alger, on ne sait pas, malgré un discours présidentiel annonciateur de réformes textuelles. Là, on est dans la transition lente, sans fin, entamée en Octobre 1988 et qui ne retrouve toujours pas l'élan primordial. De la Libye au Maroc où une reforme textuelle est également annoncée -, c'est tout le Maghreb qui est entre deux temps, entre un passé qui dure et un futur qui n'arrive pas à s'ébaucher.