A ceux qui pensent que de gros dossiers d'investissement industriel entre Paris et Alger peuvent se régler de façon quasi magique, le ministre de l'Industrie Mohamed Benmeradi a plaidé la nécessité de donner du temps au temps tout en fournissant des éléments d'éclairage nouveaux et utiles. Jeudi, en marge d'une séance plénière à l'APN, il a indiqué que les négociations entre l'Algérie et le constructeur automobile français Renault «avancent très bien», tout en reconnaissant que ce genre de négociations sont généralement «lourdes». «Rien ne coince avec Renault, les négociations avancent très bien, on ne va pas sûrement conclure un accord en mai, ce genre de négociations nécessitant au moins une année dans tous les pays du monde (...), mais c'est sûr que nous allons arriver à un accord dans les prochains mois», a-t-il déclaré à la presse en marge d'une séance plénière à l'APN. «Nous avons commencé à travailler depuis trois mois. Sur le plan technique, le dossier avance bien, mais sans précipitation», a-t-il affirmé. Si rien ne coince, pourquoi alors insister là-dessus, relèvent plusieurs observateurs. C'est que de part et d'autre, légitimement, chacun veut faire triompher ses arguments et ses intérêts. Négociations serrées avec Renault «Nous espérons arriver à un préaccord en mai. Nos équipes vont ensuite travailler sur un pacte des actionnaires, qui prendra trois ou quatre mois encore», a-t-il avancé au sujet du projet Renault. Ce dernier porte notamment sur la construction en Algérie de voitures de ce constructeur français, avec un taux d'intégration de plus de 50%. »Nous avons mis en contact le constructeur français avec soixante-dix sous-traitants privés nationaux pour faire, entre autres, la câblerie et la sellerie» a révélé M.Benmeradi. «Nous avons demandé à fabriquer les coques des véhicules Renault en Algérie et notre demande a été acceptée», a-t-il dit. »Nous voulons que la plupart de la production du projet Renault soit faite chez nous. Ce qui les (propriétaires de Renault) arrangerait peut-être c'est de faire une usine de montage, mais la valeur ajoutée serait, dans ce cas, minime», a-t-il expliqué. «C'est pour cela que nous avons insisté pour qu'une partie des équipements soit fabriquée en Algérie», Notre objectif est d'arriver à un taux d'intégration d'au moins 50%, c'est-à-dire que 50% de la valeur du véhicule sera produit en Algérie», a précisé M. Benmeradi, en estimant que ce taux d'intégration était «un acquis». Cependant, les sous-traitants nationaux «manquent de savoir-faire et travaillent sans le respect des normes» et c'est pour cela que «nous sommes en train de les accompagner dans le processus de certification», a-t-il noté. Ces clarifications permettent de mieux comprendre le cours des choses et le long timing pris par les négociations bilatérales. Le projet de l'usine Renault en Algérie, dont le coût est estimé à «pas moins d'un milliard d'euros», doit permettre la création de 20.000 emplois directs et indirects, selon le ministre. En outre, l'Algérie a négocié la possibilité de construire 150.000 moteurs par an. «Pour le moment, Renault n'a pas accepté», a révélé le ministre en indiquant que pour Renault «son usine ne peut être rentable qu'avec une production supérieure à 300.000 moteurs». «Les négociations sur ce sujet et sur les autres aspects, économique et commercial, continuent tout de même», a précisé le ministre. C'est dans ce contexte que les petits-enfants de Louis Renault, accusé de collaboration durant la Seconde Guerre mondiale, contestent, aujourd'hui encore (!!), la légalité de la nationalisation-sanction de l'entreprise au sortir de la guerre. Ils réclament des indemnités. L'affaire met Renault une nouvelle fois - après celle de l'espionnage qui s'est achevée par un bide au détriment du staff du super manager Carlos Ghosn - sous les feux de l'actualité. Concrètement, on ne s'attend pas à ce qu'elle ait une incidence sur les activités de Renault. Des syndicalistes français rappellent à ce propos qu'en 1967, «les héritiers ont déjà obtenu des indemnisations». «Alver», réglé ? Interrogé par un journaliste sur la possibilité d'aller jusqu'à l'interdiction de l'importation des véhicules pour protéger la production automobile nationale, une fois née, M. Benmeradi a répondu qu'une telle mesure «n'était pas soutenable», sans écarter une «éventuelle protection douanière supplémentaire si cela s'avère utile». Evoquant les autres dossiers de coopération algéro-française, qui devront être examinés lors du 4ème round de négociations prévu les 30 et 31 mai à Alger avec l'envoyé spécial du Président Sarkozy, M. Jean Pierre Raffarin, le ministre a assuré que «sur douze dossiers concernés, huit sont totalement réglés». A titre d'exemple, le dossier de «Alver» (Algérie-verre), qui doit être cédé à un groupe français, «verra la signature d'un accord ces jours-ci», a-t-il dit. Sur ce dossier, des sources françaises indiquent qu'il a été réglé. Mais personne, des deux côtés, ne donne de précisions sur les conditions de ce règlement. «Alver», basé à Oran, a été cédé, en principe, à Saint Gobain. Le collectif algérien des travailleurs aurait contesté le montant de la cession, jugé trop bas, et occupé les lieux, depuis de nombreux mois ! M.Benmeradi n'a pas donné de précisions sur ce dossier, laissant peut-être le soin à son vis-à-vis français, M.Raffarin, de le faire à la fin de ce mois à Alger. Sur la question de savoir si la règle des 51-49% relative à l'investissement étranger entravait les négociations avec Renault ou avec d'autres investisseurs, le ministre a affirmé que «le contraire était vrai». «Nous avons réussi à conclure des accords importants dans le domaine de la mécanique avec des firmes allemandes comme Mercedes ou Liebherr, ce qui a encouragé d'autres entreprises européennes à accepter sereinement cette règle».