Les consultations sur les réformes politiques ont débuté hier samedi. La veille, l'instance chargée de leur conduite par le chef de l'Etat et présidée par Abdelkader Bensalah a rendu public un communiqué informant de l'état d'esprit avec lequel elle mènera les consultations et le cadre délimitant celles-ci. Concernant l'état d'esprit, Abdelkader Bensalah et ses deux assistants ont promis que leur instance «s'attellera scrupuleusement et fidèlement à donner la possibilité à toutes les parties consultées d'exprimer leurs avis et propositions» et qu'elle appliquera la recommandation faite par le président Bouteflika au cours du Conseil des ministres du 2 mai sur la «nécessité d'engager de larges consultations pour apporter des réformes politiques profondes». Quant au cadre fixé aux consultations, il est que les parties consultées doivent s'en tenir au respect «des constantes de la société algérienne, des éléments constitutifs de l'identité nationale, du caractère républicain de l'Etat, de l'ordre démocratique basé sur le multipartisme, les libertés fondamentales et les droits de l'homme et du citoyen et à ceux de l'intégrité de l'unité du territoire national, de l'emblème et des hymnes nationaux en tant que symboles de la Révolution et de la République». A en croire donc l'instance présidée par Bensalah, ses invités ont toute latitude de s'exprimer et d'émettre des propositions et avis sur tout, pour peu que cela ne touche pas aux «invariants» énumérés qu'il n'est pas question de remettre en cause. La question reste cependant de savoir si en respectant cet a priori, les parties et personnalités nationales qui vont prendre part aux consultations parviendront à convaincre le pouvoir de tenir compte de leurs avis et propositions. La certitude qui prédomine dans l'opinion publique est que cela n'est nullement probable, car la conviction est largement partagée que les réformes politiques dont il va être question sont déjà prêtes au niveau du pouvoir. Et que par conséquent les consultations que mène l'instance de Bensalah n'ont d'autre but que de donner un habillage consensuel aux projets de ce pouvoir. La suspicion dont fait l'objet leur instance n'échappe pas à Bensalah et à ses deux assistants, d'où leur invitation réitérée dans le communiqué à l'ensemble des partis, des personnalités nationales et la société civile à y participer en vue de «contribuer à l'édification de l'Algérie de demain». Mais l'engagement pris par eux de garantir la «transparence totale» que revêtiront les consultations va-t-il pour autant persuader les réticents à s'impliquer alors que, à tort ou à raison, ils se sont faits à l'idée que le «dossier est déjà ficelé» ? Précautionneuse pour cette raison, l'instance de Bensalah s'est gardée de rendre publique la liste des partis, personnalités nationales et de la société civile qu'elle a invités. Précaution qui vise, à l'évidence, à masquer d'éventuels trop nombreux refus à ses invitations. Pour aussi dubitatifs que se déclarent les citoyens lambda sur les consultations engagées par l'instance de Bensalah, beaucoup néanmoins s'accrochent à l'espoir que les réformes politiques promises par Bouteflika auront «une profondeur» qui fera évoluer positivement l'insoutenable statu quo, cause de la crise politique nationale. Aussi paradoxal que cela soit, ils persistent à prêter au président Bouteflika l'intention «d'aller le plus loin possible» dans le changement et les réformes, et donc à considérer que la démarche choisie par lui pour les faire est la moins périlleuse pour la stabilité et la paix dans le pays. Puissent-ils avoir vu juste.