Levé au matin. Dans les villages algériens, le ciel est comme le Pouvoir, partout mais hors de portée de main. Gris, ridé, donnant la pluie mais interdisant l'ascension. Lecture du journal et de l'article de notre consœur Ghania Oukazi sur les réformes chez nous. Sensation d'étouffement, d'arnaque et presque de désespoir : jusqu'à quand ? Combien ce pouvoir va encore vivre? Combien allons-nous mourir avant lui ? Au fur et à mesure des lignes, on comprend que finalement, après tout ce qui s'est passé, le système ne cherche pas la transition, la démocratie ou même la réforme : seulement un nouveau consensus. Une nouvelle formule entre ses ailes et ses mains. Bouteflika veut s'en aller et tout ce qui se passe, c'est une grosse manœuvre de succession encore ouverte. Le tout masqué par un carnaval humiliant avec des clowns attitrés : MSP, Sidi Saïd, Scouts (sic !!), partis en plastique etc. Tout ce qui se passe, c'est un changement de literie, pas de mentalité. Le Pouvoir ne pense même pas que c'est lui qui est accusé et que c'est lui qui doit partir. Son idée, sa conviction est qu'il s'agit d'une crise «interne», entre lui et lui et que le peuple, au loin, ne lui demande pas de partir mais de s'habiller autrement. On comprend, au fur et à mesure de la lecture, que l'idée de démocratie et de reprise du pays par les siens ne l'effleure même pas, ne lui traverse pas l'esprit qu'il n'a pas. L'idée que ce peuple est un peuple, que le pays est à lui, que c'est lui qui dicte les règles et fabrique les lois et que le Pouvoir est l'employé du peuple qui le paye, est inconcevable pour ces gens. Donc, après tant de morts dans le monde arabe, tants de cris qu'on peut en retrouver l'écho sous les fenêtres des Dieux et tant de banderoles et tant d'espoirs, il paraît que c'est l'actuel président de la commission «poste restante» qui fait l'unanimité pour hériter de Bouteflika. Il vient de l'Ouest et même de l'ouest de l'ouest, il est tlemcénien pour consoler les actuelles castes qui ont peur, sans ambition pour ne pas faire peur à l'armée de l'armée et sans ennemis pour ne pas provoquer des tensions. C'est un homme qui vient de partout et ne demande pas à aller quelque part. Donc, l'actuelle commission est une formule de plébiscite pour le proche avenir. Bensalah risque d'être Président, et le système aura une quatrième jeunesse, une quinzième chance, un neuvième match truqué etc. Et nous ? La réponse est claire : «Vous voulez avoir le Pouvoir ? Faites une révolution. Chassez des colons. C'est ce que nous avons fait nous à l'époque où vous étiez des poux». Le peuple bouge ? C'est juste quelques Kabyles qu'on connaît. Il y a des émeutes ? Appelez la police en attendant qu'on importe des patates. Des étudiants sont dans la rue ? Non, juste quelques activistes et c'est un coup monté contre le ministre. Un homme de l'Ouest fait de l'opposition ? Frappez-le ou demandez combien il coûte et c'est le fils de qui. Le Pouvoir n'est ABSOLUMENT pas traversé par l'idée que c'est lui qui doit partir et que c'est à lui qu'on parle, qu'on indique du doigt. On lui demande de nous rendre le pays et voilà qu'il veut s'acheter un nouveau costume démodé. Avec notre argent. Que faire pour que ces gens-là comprennent enfin qu'on veut notre pays, selon nous, avec notre âge et pas le leur et selon nos choix et que les mariages forcés sont interdits par les lois du monde ? En quelle langue le leur crier ? Que dire à ces poupées gonflables qui font la queue devant la Présidence, obséquieux comme des entremetteuses et qui n'ont aucune dignité Le «Dégage» en Algérie est au pluriel : «Dégagez !». On ne savait pas qui mais maintenant on le sait : ils sont déjà 250.