Ghania Chérif, notre consœur de la Chaîne III, a été inhumée hier au cimetière de Aïn Benian, à Alger, en présence de nombreux professionnels de la presse nationale, de représentants du gouvernement et de militants du Parti socialiste des travailleurs (PST), dont elle était membre durant plusieurs années. Journaliste douée d'un immense talent doublée d'une femme de conviction, Ghania Cherif, de son vrai nom Ghania Mekhoukh, a été ravie mardi à l'affection de sa famille et de ses confrères à la fleur de l'âge. Elle n'avait que 43 ans lorsqu'elle a été surprise par la maladie (une leucémie) dont elle croyait être définitivement débarrassée il y a quelques mois. Connue pour son combat inlassable pour la liberté d'expression, les droits de la femme et la justice sociale, notre consœur a eu un riche parcours de syndicaliste et de militante politique avant d'embrasser la carrière de journaliste. C'est durant son cursus universitaire à l'Institut des langues étrangères de Bouzaréah (Alger), dans les années 1990, que Ghania a d'ailleurs commencé à se distinguer par son engagement militant. Convaincue que la communauté universitaire en général et les étudiants en particulier ont un rôle majeur à jouer dans la démocratisation du pays, elle participa activement, aux côtés de feu Redouane Osmane, le fondateur du CLA, à la création du Syndicat national des étudiants algériens démocrates (SNEAD) avant de militer au sein de l'Association pour l'émancipation de la femme. Au cours d'un hommage émouvant qui lui a été rendu sur place, l'un de ses camarades du PST a rappelé les sacrifices consentis par la défunte pour faire avancer le combat pour la démocratie et faire triompher ses idées. Comme sur le terrain syndical, Ghania Chérif a également marqué son passage à la Radio nationale autant par son professionnalisme que par son engagement en faveur de la cause des journalistes. Ghania Chérif, qui était rédactrice en chef spécialisée, a d'ailleurs effectué toute sa carrière de journaliste à la radio, qu'elle a rejoint en 1991, après l'obtention d'une licence en lettres françaises. Malgré la marge de manœuvre souvent étroite qu'offrent les médias publics, notre consœur a quand même réussi la prouesse de présenter des émissions de très haute facture. Elle a notamment eu à animer «L'invité de la rédaction», «En direct du Parlement» et «En toute franchise», des émissions au cours desquelles des invités passaient en revue des questions politiques, économiques et sociales. La défunte a eu également à organiser des débats sur la question du Sahara occidental. Journaliste accomplie, elle a réussi en peu de temps à gagner le respect de la corporation et des milieux politiques algériens. Appréciée pour sa gentillesse, son altruisme et sa grande modestie, Ghania n'hésitait pas à donner de sa personne et de son temps pour venir en aide à des confrères en difficulté ou batailler pour améliorer la condition des journalistes. Il faut savoir qu'à ce jour, les journalistes algériens ne disposent pas d'un statut professionnel clair, ils travaillent dans des conditions exécrables et sont très souvent exploités en contrepartie de salaires misérables. Les pouvoirs publics sont complices de cette situation dans la mesure où ils ne font rien pour que cela change. Soumis ces vingt dernières années à un fort stress, de nombreux journalistes qui ont pu échapper aux balles des terroristes ont fini par être terrassés par des crises cardiaques, dans la froideur et la solitude de leur modeste logement, voire carrément dans leur chambre d'hôtel. Ghania laisse une fille de 12 ans. Sa mort est intervenue, rappelle-t-on, le même jour que celle de Katiba Hocine, animatrice également à la Chaîne III, et près d'une année après le décès de deux autres journalistes de la même radio, Meriem Yacine et Mohand Saou. Plus récemment encore, deux brillants journalistes, Baya Gacemi et Mohamed Issami, nous ont quittés presque dans les mêmes conditions. Insupportable…