Hier mardi, une certaine confusion régnait dans les chancelleries étrangères en Tunisie quant à des discussions tenues dans le plus grand secret, entre des délégués du Conseil national de transition libyen (CNT) et des représentants du régime de Kadhafi. C'est dans un hôtel de l'île du sud tunisien Djerba que ces discussions auraient été entamées en fait depuis dimanche, selon des correspondants de presse. Ces pourparlers se sont déroulés sous haute garde, dans la nuit de dimanche à lundi, dans un hôtel de l'île proche de la Libye. «Des cortèges de voitures escortées ont passé la frontière, dimanche au point de passage de Ras Jedir, près de Djerba», indique une source tunisienne, soulignant qu'il se trouvait parmi les négociateurs des 'ministres et responsables sécuritaires pro-Kadhafi''. L'agence tunisienne de presse TAP rapporte de son côté, que les ministres libyen de la Santé et des Affaires sociales, Ahmed Hijazi et Ibrahim Cherif, ont séjourné dimanche à Djerba, où ils ont rejoint le chef de la diplomatie libyenne Abdelati Obeidi. Pour l'agence de presse gouvernementale tunisienne, des négociations sont en cours «avec plusieurs parties étrangères» dont elle n'a pas révélé l'identité; des Vénézuéliens selon d'autres sources. Ces discussions se seraient poursuivies lundi et mardi, avec un suivi de près de l'envoyé spécial de l'ONU pour la Libye, le Jordanien Abdelillah Khatib. En fait, et en dépit des dénégations des uns et des autres, quelque chose se passe du côté de Djerba entre rebelles et pro-Kadhafi, et des observateurs n'écartent pas l'éventualité que le lieu de ces discussions se déplace à Tunis même. La rébellion dément Ces négociations entre des représentants du CNT et du régime libyen se tenaient même en présence d'émissaires vénézuéliens, selon un journaliste de la radio tunisienne «Mosaïque FM » présent sur place. Les pourparlers impliquent deux membres du Conseil national de transition et deux représentants du colonel Kadhafi, dont un haut responsable militaire, a précisé le journaliste Habib Missaoui, citant une source proche des négociations. Des émissaires du président vénézuélien Hugo Chavez qui a régulièrement condamné l'intervention militaire étrangère en Libye, sont également présents, a ajouté M. Missaoui. A Paris cependant, le représentant du CNT a démenti tout pourparler entre les rebelles et le régime, et affirmé qu'aucun représentant des insurgés ne se trouvait à Djerba. Mansour Saïf al-Nasr affirme, dans une interview à «Radio France Internationale», diffusée mardi que le CNT n'avait envoyé aucun représentant à Djerba.» Le CNT n'a envoyé personne (à Djerba). Ce sont des personnalités politiques libyennes qui ont rencontré M. Al-Khatib (l'envoyé spécial de l'ONU pour la Libye, Abdul Ilaj al-Khatib). Lui est à Djerba», a affirmé le représentant en France du CNT. «Il n'y a pas de représentants du CNT qui ont été à Djerba ou en Tunisie'', a-t-il encore précisé, et n'a pas manqué de rappeler que pour le CNT, la condition du départ de Kadhafi reste toujours sur la table. «Nous exigeons le départ préalable de Kadhafi et de ses enfants et puis après nous négocierons avec d'autres qui sont autour de Kadhafi», a-t-il rappelé. Le départ du chef de l'Etat libyen est «une condition sine qua non», a-t-il redit. Et à Benghazi, «capitale» des rebelles dans l'est du pays, le vice-président du CNT, Abdel Hafiz Ghoga, a démenti également toute discussion avec le régime, «que ce soit en Tunisie ou ailleurs». Selon plusieurs sources, dont l'agence tunisienne TAP, les discussions, commencées dimanche, se déroulent à huis clos dans un hôtel situé à l'écart de la zone touristique sous haute surveillance policière. L'envoyé spécial de l'ONU pour la Libye, le Jordanien Abdel Ilah Khatib, se trouvait encore mardi à Tunis, où il a rencontré le ministre tunisien des Affaires étrangères Mouldi Kéfi. »Nous avons parlé de la situation sur le terrain en Libye et des efforts de la communauté internationale. La situation est très difficile, nous voulons qu'il y ait le moins de dégâts possibles et que le changement soit au profit du peuple libyen», a-t-il déclaré à l'issue de la rencontre. L'ONU a cependant démenti lundi soir, une quelconque participation de son émissaire à des pourparlers inter Libyens. En revanche, à son arrivée lundi en Tunisie, M. Khatib avait indiqué qu'il allait avoir des discussions avec «les frères Libyens» dans la capitale tunisienne. Dans un nouveau communiqué diffusé à Tunis, l'ONU a souligné mardi que M. Khatib «est arrivé en Tunisie pour des consultations avec des responsables tunisiens. En marge de ces rencontres, l'envoyé spécial pourrait rencontrer des personnalités libyennes résidant en Tunisie, a cependant ajouté le communiqué. Le ministre libyen des Affaires étrangères, qui effectue de fréquents séjours en Tunisie, se trouvait également lundi à Tunis, mais on ignorait s'il a rencontré M. Khatib. Sur le terrain militaire, les forces de la rébellion estiment être »dans une phase décisive» après des succès contre les troupes de Mouammar Kadhafi dans plusieurs villes clés, sur la route de la capitale, Washington estimant que les jours du dirigeant libyen sont «comptés».» Nous entrons dans une phase décisive, bientôt nous libérerons tout le sud de la Libye. Nous espérons fêter la victoire finale en même temps que la fin du ramadan», a ajouté par ailleurs Mansour Saif al-Nasr, pour qui il devient, de plus en plus clair, que les jours de Kadhafi sont comptés. A Tripoli, le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim, s'est cependant montré optimiste, assurant que l'armée avait le «contrôle total» de Zawiyah et de Sorman, et qu'elle était en train de «traiter la situation» dans plusieurs autres localités de la région en proie à des «bandes armées». Et, pour la première fois depuis le début du conflit, les forces pro-Kadhafi ont lancé dimanche un missile balistique «Scud» depuis Syrte, fief du colonel Kadhafi à mi-chemin entre Tripoli et Benghazi, a affirmé lundi soir un haut responsable américain de la Défense. Il visait probablement des positions rebelles à Brega, mais il est tombé en plein désert, à 80 km de sa cible, a ajouté ce responsable.