Il n'y aura pas d'impôts sur les grandes fortunes au Maroc pour alimenter un fonds de solidarité sociale. Problème d'agenda à l'approche des législatives anticipées de novembre prochain. Les partis politiques envisagent cette réforme dans la prochaine législature. Seule la CGEM patronat - s'oppose sur le principe. Le financement du fonds devra bien trouver où asseoir un prélèvement nouveau. Le débat sur l'impôt sur les grandes fortunes, que le gouvernement marocain avait envisagé pour suppléer aux grosses dépenses publiques en créant un fonds de solidarité, aura fait long feu. Sitôt abordé, sitôt enterré. C'est au début septembre que la rumeur a circulé dans les travées du parlement à Rabat: le gouvernement préparait une loi sur les grandes fortunes, comme en France, pour réparer les injustices sociales. Mais, ce projet ne semble pas recueillir les gros «suffrages», ceux des partis et des «fortunés» marocains. Najib Akesbi, économiste, favorable à la taxation des plus riches estime que «l'impôt sur les grandes fortunes constituerait la fin d'un tabou». Pour lui, «les responsables finissent par reconnaître, même implicitement, l'ampleur des inégalités existant dans le pays» a-t-il estimé dans une interview au magazine «Le Temps». Pour autant, «un tel impôt ne peut se décréter du jour au lendemain», estime ce cadre du parti socialiste unifié (PSU). Il ajoute, un peu plus loin: «à la veille des élections, est-il réaliste de penser que la classe politique qui nous gouverne est capable d'une telle audace ?» LA CGEM HOSTILE A UN NOUVEL IMPOT Pronostic réaliste. Le projet est très vite tombé à l'eau, le gouvernement estimant qu'il n'a jamais été envisagé, et n'est pas à l'ordre du jour. Salaheddine Mezouar, ministre de l'Economie et des Finances, dément et précise que «jamais une taxe sur la fortune n'a été discutée au conseil de gouvernement, et personne n'a proposé cette taxe». Le ministre de la Communication, et porte-parole du gouvernement, M. Khalid Naciri, donne une autre version. Selon lui, «aucune décision n'a encore été prise concernant la mise en place d'un impôt sur la fortune», précisant qu'une réflexion est en cours au sujet des approches envisagées sur ce dossier. Pour la classe politique également, un tel projet n'est pas «envisageable» avec les prochaines échéances électorales. «Un gouvernement et un parlement en fin de vie n'ont pas la légitimité politique de proposer un tel projet de loi, le risque étant de se retrouver avec une loi mal faite à vocation populiste», estime un militant de gauche. Pour le N.2 du parti islamiste du PJD, Lahcen Daoudi, «lancer cet impôt sur la fortune maintenant est une solution de facilité», ajoutant que «l'adoption d'un tel impôt requiert beaucoup de courage et de persévérance». Bref, le consensus est très loin sur cet impôt et sur le timing de la réforme. L'opposition de la confédération du patronat marocain, la puissante CGEM, au projet d'un impôt sur les grosses fortunes au Maroc, n'est pas seulement une affaire de calendrier politique inopportun. «Nous souffrons plus de problèmes structurels que conjoncturels, l'assiette fiscale est étroite et sa pression sur les entrepreneurs est déjà assez élevée» affirme son président, Mohamed Horani. Le projet aurait été retiré du parlement quelques heures avant sa consultation par les députés, selon la presse marocaine Il prévoyait une taxation des banques et sociétés de crédits (4,5% de leurs résultats nets), mais aussi les sociétés d'assurances (1,5%) et les opérateurs des télécommunications (1,5%) pour alimenter le fonds de solidarité. Ce fonds de solidarité sociale devait notamment alimenter la caisse de compensation, chargée de gérer les prix administrés des produits de large consommation. Sa facture est passée à plus de 4,2 milliards d'euros en 2011.