Théo Muller, le roi du lait en Allemagne, va s'installer prochainement en Suisse, sur les bords du lac de Zurich, pour que ses enfants échappent à l'impôt sur les successions dans leur pays natal. Pour ce milliardaire, la Suisse est un paradis fiscal à côté de l'Allemagne, qui taxerait ses héritiers de 200 millions d'euros le jour de sa disparition, selon ses propres indications. L'industriel, unique actionnaire de son groupe, emploie 4.400 personnes qui ont réalisé en 2002 un chiffre d'affaires de 1,8 milliard d'euros. Dans le canton de Zurich, où Théo Muller veut s'installer en novembre, les enfants sont exonérés de l'impôt sur les successions, qui varie d'un canton à l'autre. L'idéal, c'est en fait de travailler dans le canton de Zoug et de finir ses jours à quelques kilomètres de là, dans le canton de Schwyz. Ces deux micro-régions de Suisse centrale détiennent la palme de la fiscalité la plus clémente, dans un pays où l'impôt est cantonal. À Zoug, où sont domiciliées des milliers de sociétés, le taux d'imposition sur le revenu est le plus bas de toute la Suisse (4,8%, contre 10,7% en moyenne pour l'ensemble du pays), ce qui explique que nombre de grosses fortunes viennent s'y installer, comme tout récemment l'ancien champion de tennis allemand Boris Becker. Le canton voisin de Schwyz a, quant à lui, décidé de renoncer à prélever un impôt sur les successions et les donations, quels qu'en soient les récipendiaires. “Il est incontestablement avantageux d'hériter de quelqu'un qui a fini ses jours à Schwyz, car on ne paiera pas d'impôts, même s'il n'y a aucun lien de parenté”, relève, sous le couvert d'anonymat, un spécialiste fiscal suisse. La Suisse compte 26 cantons, et autant de législations différentes en matière d'impôts sur les successions. En principe, toutes les successions et les donations en Suisse sont imposables, sauf dans le canton de Schwyz pour les successions et dans le canton de Lucerne pour les donations. Les exonérations pour les successions sont cependant très larges. Très souvent, les enfants et les conjoints sont exonérés. Quelques cantons exonèrent même les ascendants, soit les parents. Du fait de ces exonérations, la part de l'impôt sur les successions sur l'ensemble des recettes fiscales des cantons et des communes est faible, avec seulement 1,1 milliard de FS en 2002. Il y a des cantons bon marché et des cantons qui estiment que les exonérations ne doivent pas être trop larges, comme Genève et Vaud. Dans ces cantons, les enfants et les conjoints payent l'impôt sur les successions. “Quand Charlie Chaplin est mort, à Vevey, cela a rapporté beaucoup d'argent au canton de Vaud”, se souvient le spécialiste fiscal, en citant les nombreux enfants de l'artiste qui ont dû s'acquitter de l'impôt. Dans le canton de Bâle-ville, où est décédée la semaine dernière une des héritières du groupe pharmaceutique suisse Roche, les enfants ne payent plus, depuis février de cette année, d'impôt sur les successions. Auparavant, ils devaient payer entre 2,5% et 5,5% de la valeur de leur héritage.