L'intérêt supérieur de la nation doit primer    Alger et Koweït City consolident leur coopération militaire    L'Algérien tend vers l'excellence    Alger et Mascate se concertent    Le propos fort du président Tebboune    «Le conflit en Ukraine oppose l'otan à la Russie»    L'Adieu à une légende    Rachid Mekhloufi inhumé au cimetière d'El Alia (Vidéo)    La négligence qui tue...    Apprentissage du coran : une tradition    Riche programme à Mascara    Energie : M. Yassaâ reçoit une délégation parlementaire danoise    Le ministre iranien des Affaires étrangères visite Djamaâ El-Djazaïr    Attaf affirme depuis Tunis que les relations algéro-tunisiennes vivent "leur plus belle époque"    Décès du Lieutenant-colonel Djoulem Lakhdar: le président de la République présente ses condoléances    Meziane préside la clôture de la session de formation sur les techniques de communication dans la pratique journalistique    BADR : plus de 200 milliards de DA destinés à l'investissement en 2024    Santé: réunion de coordination pour examiner les statuts particuliers et les régimes indemnitaires des fonctionnaires du secteur    Tizi-Ouzou : la 4e édition du Salon du livre amazigh de Ouacifs se tiendra du 30 avril au 3 mai    Le Gouvernement sahraoui exprime son "profond regret" concernant la position de l'administration américaine    Le ministre des Sports réaffirme son engagement à accompagner les clubs algériens vers le professionnalisme    Rebiga reçoit les membres de la commission parlementaire chargée de l'élaboration d'une proposition de loi criminalisant la colonisation    Foot: La première réunion du nouveau Comité exécutif de la CAF le 26 avril à Accra (GFA)    Blocus sioniste contre Ghaza: effets dévastateurs sur les enfants    ANP: reddition d'un terroriste et arrestation de 9 éléments de soutien aux groupes terroristes en une semaine    Ligue 2 amateur: sprint final pour l'accession à l'Est, l'ES Ben Aknoun pour accentuer son avance à l'Ouest    Mansouri rencontre à Pretoria la vice-ministre sud-africaine des Relations internationales et de la Coopération    Oran: ouverture du Salon international de la Santé "SIMEM" avec la participation de près de 200 exposants    Signature d'un protocole d'accord entre les ministères de l'environnement et de l'éducation pour l'aménagement de 2500 clubs environnementaux éducatifs    Une révolution technologique en marche    Création «prochaine» de délégations de wilayas de la société civile    Un défi pour le développement et la sécurité de l'Afrique    Quand certains intellectuels algériens versent dans le zemmourisme à l'insu de leur plein gré    L'Algérie appelle le Conseil de sécurité à plus de fermeté    La CAN menacée ?    Le CSC face à l'USMA pour un exploit    L'Algérie n'ira pas à Canossa !    «Pigeon voyageur» dans l'histoire du cinéma algérien    La Cinémathèque Afrique de l'Institut français organise les «African Cinema Days» 2025 à Paris    Renforcer la communication entre l'ONSC et la société civile pour promouvoir l'action participative    Les chauffeurs des autobus de voyageurs reviennent à la charge !    Fournir les meilleurs services technologiques aux citoyens    Boughali rencontre son homologue bahreïni    La menace de la cocaïne gagne du terrain !    Le CRB à quatre points du MCA le leader    Monstre sacré du cinéma algérien    Saisie de deux kilos de kif et de cocaïne        







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La parole contre le chaos
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 20 - 10 - 2011

Un ami africain, parlant de son pays, me dit: « Notre passé est tragique, notre présent est catastrophique. Heureusement que nous n'avons pas d'avenir! » J'aurais sans doute pu dire ça de l'Algérie, sur le mode de l'humour, de l'amertume, de la blessure. Personne ne contestera la validité de la qualification du passé et du présent. Pour autant, faut-il insulter l'avenir?
La réponse est non.
Il faut cependant dresser un constat lucide, celui de la faillite d'un système. Je ne donne pas au mot système la signification qu'on lui accorde généralement, un pouvoir politique autoritaire et prédateur. Par système, j'entends la relation complexe, mélange de haine et de complicité, qui lie la société algérienne à ceux qui la gouvernent. Complicité? Le mot est lâché. Au-delà du discours critique qui constitue l'alpha et l'oméga des conversations de rue et de cafés, l'attitude de la population algérienne peut se résumer par la paraphrase d'un bon mot qui courait autrefois dans l'Algérie socialiste de feu Boumediene. Face à des fonctionnaires se plaignant de la modestie de leurs salaires, un représentant du gouvernement leur répliquait: Vous faites semblant de travailler; nous faisons semblant de vous payer. Aujourd'hui, c'est le peuple qui apostrophe les hommes du pouvoir en leur disant: Vous faites semblant de nous gouverner; nous faisons semblant de vous détester et de travailler à votre disparition.
Dans le sillage du printemps arabe, des Algériens (qui n'en sont pas à leur première erreur sur l'état de la société dont ils prétendent prendre les rênes) avaient cru bon de lancer un mouvement de rue sur le modèle égyptien ou tunisien. Leur initiative a tourné court, face à l'hostilité de la majorité de la population. La raison principale est peut-être la peur d'un retour de la déferlante de la décennie 1990, ce dont personne ne veut. Mais il y a de manière plus générale un conservatisme presque pathologique. Le sentiment prégnant est que le changement en Algérie est toujours synonyme de catastrophe. Alors, les gens préfèrent garder un présent médiocre, sans perspectives, mais somme toute confortable au regard des dangers dont est lourde, à leurs yeux, la moindre tentative de bousculer un ordre, ou plutôt un désordre établi. Alors, ils se contentent de mouvements d'humeur, de flambées de colère sporadiques, en se gardant bien de donner à ces manifestations le moindre caractère politique. D'ailleurs, à l'occasion de ces poussées de fièvre, tout le monde en prend pour son grade, aussi bien le pouvoir que ses opposants fantomatiques.
Ainsi va notre société, vivotant dans la haine de sa situation et la peur d'en changer...
Sans doute n'avons-nous pas pris la mesure de l'extraordinaire succession de traumatismes subis par notre peuple. Asservi, enfumé, emmuré, analphabétisé, pendant l'occupation coloniale, il n'en sort que pour tomber sous la coupe de régimes dictatoriaux lui intimant le silence. Il n'a donc pas quitté le costume de l'indigène cauteleux rusant avec ses maîtres et avec ses compatriotes pour dérober un peu des fruits du verger interdit. Loin de s'ériger en citoyen investi dans son devenir, l'Algérien reste cantonné en lisière de son pays, en marge de son devenir, inventant sans cesse des ruses pour ne pas prendre en charge son destin, préférant la quête désespérée d'un père qui le déchargera du souci du lendemain.
Ce père n'est pas arrivé. Il n'arrivera jamais. Les héros n'existent pas. Il existe des actes d'héroïsme. Celles et ceux qui ont rejoint les maquis pour affronter l'armée la plus puissante d'Europe en ont accomplis. Ils ont réussi dans leur folle entreprise de vaincre l'ennemi et de libérer le pays. Quel dommage que bon nombre d'entre eux aient cru que les recettes qui ont mis à bas le colonialisme restaient valables pour la gestion du pays. Ils l'ont gouverné comme s'ils étaient encore en guerre, interdisant la liberté d'expression, pourchassant les intellectuels, édictant des normes de plus en plus étouffantes, assassinant la création et l'art parce que perçus comme des germes de contestation et de désordres. Ils avaient si peu confiance dans ce peuple qui les avait abrités, nourris, soutenus, ce peuple qui les avait fêtés dans une liesse extraordinaire qu'ils l'ont immédiatement remis dans la cage dont ils étaient censés l'avoir libéré... Alors, ce peuple acculturé, traumatisé, ignorant, a abandonné toute velléité de participation aux affaires de son pays. Il s'est peu à peu recroquevillé sur lui-même dans une attitude de prostration dont il ne sort que pour hurler sa colère et sa frustration dans des émeutes sans lendemains. Il a aussi pris le parti de la harga. Plus récemment, un phénomène de plus en plus préoccupant est en train de se banaliser. Il s'agit des immolations par le feu. Ces suicides théâtraux sont un indicateur extrêmement inquiétant de l'état de notre société.
Comme à son habitude, le pouvoir, en bon père attentionné et fouettard, réagit en augmentant les salaires (tant pis si c'est de la monnaie de singe!), en s'épuisant à construire des logements et à donner des crédits pour acheter des biens de consommation. Il ferme les yeux sur les infractions à la loi de plus en plus nombreuses commises par des citoyens qui s'accaparent des espaces publics, installent des marchés improvisés, ferment des routes... Il lui paraît que, ce faisant, il permet au volcan de respirer en libérant un peu de sa lave, repoussant ainsi l'explosion dévastatrice.
Mauvais calcul, qui mène l'Algérie vers un gouffre. Les responsables politiques doivent prendre la mesure de la détresse de leur peuple. Il faut qu'ils réalisent que ce n'est pas seulement de manger qu'il a besoin. Il a aussi, peut-être surtout, besoin de retrouver une dignité, un sens. Il faut qu'ils permettent à la société d'exprimer ce qu'elle refoule depuis des décennies, son mal de vivre, sa haine d'elle-même et du mépris dont elle est l'objet de la part de ceux qui la gouvernent, mépris qu'elle rencontre aussi chez ceux qui, tout en contestant le pouvoir actuel, partagent avec lui la crainte mêlée d'hostilité que la société leur inspire.
Qui a exprimé sa sympathie pour les morts d'El Bayadh? Qui a rendu visite aux parents du jeune lycéen ou de la jeune femme chassée de son appartement qui se sont immolés par le feu, pour leur manifester au moins de la sympathie? Quel opposant s'est rendu auprès d'eux? Nos gouvernants sont bien plus réactifs quand il s'agit d'envoyer des télégrammes de condoléances à des dirigeants de pays victimes de catastrophes naturelles.
La situation en Algérie relève du drame. Prenons garde qu'elle ne vire au tragique!
Rendons la parole au peuple. Il me semble qu'une catharsis nationale serait utile. Il faut que les gens puissent dire l'enfer qu'ils ont vécu, sous la colonisation et durant les années du terrorisme. En particulier, le silence qui est maintenu autour de cette dernière période est à proprement parler mortifère. Il faut faire sauter le verrou et laisser les Algériens vomir leurs peurs, leurs frustrations et, à la faveur de cette libération du Verbe, se découvrir dans l'autre, se reconnaître comme communauté et se réaliser comme Nation.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.