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Debat
MOHAMED CHAFIK MESBAH R�POND � ADDI LAHOUARI Devoir de m�moire et imp�ratifs scientifiques
Publié dans Le Soir d'Algérie le 05 - 08 - 2008

Notre collaborateur Mohamed Chafik Mesbah, qui est � l�origine du d�bat que les colonnes du Soir d�Alg�rie abritent autour de questions li�es � l�histoire de la guerre de Lib�ration nationale, nous a remis, comme il s�y �tait engag�, le commentaire qui fait suite � la mise au point de Lahouari Addi parue le 20 juillet 2008.
�Le professeur en tant que professeur ne devrait pas avoir la pr�tention de vouloir porter en sa giberne le b�ton de mar�chal de l�homme d�Etat, comme cela arrive quand il profite de sa chaire, � l�abri de toute tourmente, pour exprimer ses sentiments d�homme politique�, Max Weber, Essais sur la th�orie de la science, 1917. Avant de m�engager plus avant dans ce d�bat abrit� par les colonnes du Soir d�Alg�rie,il me pla�t de citer la remarque toute pertinente de Max Weber, ce sociologue allemand qui aura d�cid�ment marqu� son temps. Une formule qui pr�sente l�avantage de situer, d�embl�e, la nature r�elle de la divergence conceptuelle qui me s�pare du sociologue Lahouari Addi. C�est � r�tablir les faits que je vais, donc, me consacrer en premier lieu. Il est n�cessaire, en effet, d�entourer ce d�bat naissant de toute la s�r�nit� qui lui sied. Cela fait quelque temps que j�avais engag� avec Lahouari Addi, en r�ponse � un appel qu�il avait lanc� dans les colonnes du Quotidien d�Oran, un �change d�id�es tr�s dense m�me si, souvent, entrecoup�. Je suppose que mon interlocuteur ne m�a jamais pris en d�faut de loyaut� intellectuelle. Tout en prenant acte de nos divergences, nous avons pu engager, sans devoir nous jeter, r�ciproquement, des anath�mes, un d�bat que j�ai qualifi� de contrari� mais qui aura �t� marqu�, indiscutablement, du sceau du respect que se doivent entre eux des intellectuels. Je suppose, par cons�quent, qu�en commettant sa mise au point, Lahouari Addi a voulu se saisir de l�article consacr� � la premi�re promotion des cadres de la Wilaya V comme d�un pr�texte pour engager un d�bat qu�il a longtemps souhait�. Autrement il n�y avait pas manquement � l��thique intellectuelle justifiant d�un bl�me. Lahouari Addi ne peut ignorer, apr�s lecture de tous nos �changes, que si je me r�clame, ostensiblement, d�une proximit� affective avec �les soldats de l�ombre� de la R�volution � qu�il appelle, pour sa part, les �boussouf-boys� �, je ne me suis jamais pr�valu, pour autant, d�un droit quelconque d�excommunication contre un citoyen. Je ne suis pas l� pour juger des convictions patriotiques de mes semblables, ni m�me de leurs opinions en propre. Je ne me r�clame ni du statut de l�intercesseur mandat� par un pouvoir divin, ni de celui du procureur investi par la justice de son pays. C�est le d�bat d�id�es qui m�int�resse et le d�bat d�id�es consiste, pr�cis�ment, � mettre en confrontation, dans un cadre de parfaite libert� scientifique, des opinions divergentes. Si tant est que le d�saccord avec Lahouari Addi porte de mani�re fondamentale, sur des questions de m�thode, peut-�tre convient-il, alors, de s�y attarder. En aucune mani�re, je ne conteste � Lahouari Addi le droit de soumettre � critique l�histoire contemporaine de l�Alg�rie. C�est la confusion qu�il commet entre statut de chercheur et celui d�acteur politique qui pose probl�me. C�est tout le sens de la formule de Max Weber que j�ai plac� en exergue de ce commentaire. L�engagement politique pousse souvent � cultiver les lieux communs � travers une argumentation exp�ditive. La recherche scientifique exige du d�tachement, en fait de �la vigilance �pist�mologique� comme dirait Pierre Bourdieu. Lahouari Addi, tout professeur d�universit� qu�il est, professe des id�es politiques dont je n�ai pas � juger. Son positionnement politique se donne � lire � travers ses nombreuses interventions publiques ainsi que les p�titions qu�il signe. La rigueur scientifique commande de dissocier entre l�attitude politique et l�attitude scientifique, voil� tout. Le positionnement politique fait, souvent, appel � l��motion qui trouble la clart� de l�analyse. La d�marche scientifique vise, au contraire, � se lib�rer des lieux communs pour �mettre non plus des opinions mais des conclusions valid�es. Je ne commettrais pas l�ind�licatesse de rappeler � Lahouari Addi l�exemple du �soldat am�ricain�, ce relev� de lieux communs battu en br�che, dans �Le m�tier de sociologue� par Pierre Bourdieu et ses compagnons. Il s�agissait, justement, � propos de militaires am�ricains durant la Seconde Guerre mondiale, de croyances communes au sein de l�opinion, fond�es sur une fausse perception de la r�alit� et non recoup�es par l�observation scientifique. Pour clore ce premier volet de mon commentaire, je souligne donc que j�ai utilis� le terme �hostilit� vis-�-vis de l�institution militaire� relev� par Lahouari Addi � propos du mode op�ratoire qu�il a choisi pour examiner l�institution militaire et les services de renseignement en Alg�rie. J�admets que la formule peut para�tre incongrue en la circonstance mais il est clair que c�est le mode op�ratoire que je visais. Lahouari Addi a b�ti des conclusions en s�appuyant sur des pr�suppos�s qu�il n�a pas pris la pr�caution de valider et qui, en r�gle g�n�rale, drainent une image, par avance, p�jorative des ph�nom�nes �tudi�s. Voil� le c�ur de mes r�serves. Il ne s�agissait, nullement, de r�cuser arbitrairement les opinions de notre sociologue, encore moins de juger de ses convictions patriotiques. D�s lors qu�il n�a jamais �t� dans mon intention de contester � Lahouari Addi le droit de critiquer l�histoire de la guerre de Lib�ration nationale, hommes, institutions et �pop�es, sur quoi porte, de mani�re plus perceptible, les divergences �voqu�es ? Lahouari Addi nourrit, l�gitimement, un sentiment de suspicion vis�- vis des tentatives d��criture, sous forme hagiographique, de l�histoire nationale. Il est fond� � craindre que ces tentatives ne servent des desseins cach�s, comme refuser d�admettre les erreurs imputables aux dirigeants de la R�volution alg�rienne. J�ai retrouv�, � travers le net, un texte pertinent o� il explique parfaitement cette pr�vention. �L�histoire officielle, �crit-il, n�est pas l�histoire des sciences sociales ; elle est �pop�e mythique, elle est mystique de la comm�moration donnant plus d�importance au pass� qu�au pr�sent, marquant plus de respect pour les morts que leurs descendants en vie.� Fort bien. Mais, alors, quelle histoire faut-il �crire ? Je suppose que c�est l�histoire scientifique fond�e sur la connaissance objective ? Justement, cette histoire pr�sente la caract�ristique de ne pas se fondre dans le moule des �pr�notions�, pr�caution que Lahouari Addi semble avoir n�glig�e. Examinons, pour s�en convaincre, l�article publi� en 1999, par Lahouari Addi dans Alg�rie Librepuisque c�est lui qui aura �t� � l�origine de tout ce d�bat. Notre sociologue y d�veloppe deux affirmations qui ne sont pas �tay�es sur le plan scientifique. La premi�re affirmation, cit�e juste pour l�exemple, dispose que M. Abdelaziz Bouteflika appartenait � l�encadrement du MALG. Evoquant, en effet, les membres de cet encadrement sous l�appellation p�jorative d��enfants de Boussouf�, Lahouari Addi prend le risque os� d�une confusion essentielle : �Bouteflika en fit partie, affirme-t-il, puisque l�adjoint de Boussouf, c��tait Boumediene et que Bouteflika �tait sous les ordres de ce dernier (Boumediene).� Naturellement, ce raccourci a fait sourire bien des compagnons de Boussouf, Boumediene et m�me Bouteflika parmi ceux � qui je me suis permis de le soumettre. Ind�pendamment de la confusion commise entre structures sp�cifiques de la Wilaya V et appareils du minist�re de l�Armement et des Liaisons g�n�rales (qui fut d�abord un d�partement du Comit� de coordination et d�ex�cution), Addi Lahouari fait preuve de m�connaissance flagrante d��pisodes essentiels du conflit �tat-major g�n�ral de l�ALN - GPRA, puisqu�une m�fiance r�ciproque avait fini par s�instaurer entre le colonel Boumediene et Abdelhafidh Boussouf qui s��tait prolong�e jusqu�� leurs collaborateurs. Contre toutes les id�es re�ues, il faut souligner qu�apr�s l�ind�pendance, le colonel Boumediene avait plut�t song� � mettre en quarantaine les cadres du MALG. Il craignait, en effet, leur capacit� de nuisance et ne s��tait ravis� que lorsqu�il per�ut que le pr�sident Ben Bella allait les r�cup�rer � son profit. La deuxi�me affirmation se rapporte � la description de l�encadrement du MALG. Une description qui constitue une juxtaposition de clich�s plut�t que le r�sultat d�une v�ritable observation fond�e sur des donn�es objectives. Retenons pour la d�monstration cette acerbe sentence de Lahouari Addi : �Ces fameux enfants de Boussouf qui voient des tra�tres partout et qui ont une haine pour les �lites civiles.� C�est cette sentence qui m�a interpell� au point de m�avoir conduit � reconstituer cette histoire m�connue de la premi�re promotion de cadres de la Wilaya V. J�ai recouru � la publication du t�moignage � l�effet d�apporter, pr�cis�ment, la preuve qu�une r�alit� sociale, par essence complexe, ne pouvait �tre consign�e dans une formule pour le moins r�ductrice, en tous les cas, �nonc�e � l�emporte-pi�ces. Nonobstant les qualit�s personnelles intrins�ques que pouvaient receler ces �boussouf-boys�, il e�t �t� plus indiqu�, au titre d�une d�marche qui se voulait scientifique, que le chercheur Lahouari Addi s�int�resse, m�thodiquement, � l�origine sociale de ces cadres, � leur cursus de formation et � leur itin�raire professionnel. A partir de l�, il aurait �t� fond� � �mettre des hypoth�ses plus plausibles. C�est, donc, cette propension � confondre entre statut politique et statut scientifique, avec une difficult� �vidente � se lib�rer des pr�notions, qui pose probl�me dans la d�marche du sociologue Lahouari Addi. C�est un usage qui ne lui est pas singulier. Pour illustrer cette assertion, je vais citer le meilleur de nos historiens vivants en la personne de Mohamed Harbi. Je voudrais, par avance, rassurer mon distingu� professeur dont je garde le souvenir le plus attachant puisque j�ai eu l�honneur d��tre son �tudiant � La Sorbonne dans les ann�es soixante-dix. Naturellement, Mohamed Harbi est bien mieux outill� que moi pour traiter des questions li�es � l�histoire contemporaine de l�Alg�rie. Je respecte ses analyses pleines de vivacit� sur le mouvement national alg�rien mais je consid�re,
souvent, que ses jugements sont trop tranch�s pour ce qui concerne l�institution militaire en Alg�rie, guerre et apr�s-guerre. Il ne s�agit pas de contester � notre �minent historien le droit de critiquer l�institution militaire. Il s�agit, simplement, de souligner l�obligation morale et m�thodologique qui s�impose au chercheur de dissocier entre les positions �mises en tant qu�acteur politique et celles qui sont d�velopp�es en rapport avec les seules n�cessit�s de la connaissance scientifique. Que mon respectable a�n� me pardonne cette incartade qui ne veut, en aucune mani�re, �tre de l�impertinence. C�est, encore une fois, pour les besoins de la d�monstration que je recours � ces cas extr�mes. Voici, donc, une affirmation relev�e dans un article intitul� �L�Alg�rie prise au pi�ge de son histoire� que Mohamed Harbi a publi�, en mai 1994, dans les colonnes du Monde diplomatique : �Contre le �socialisme boumedieniste �, le nouveau r�armement moral est assur� par les g�n�raux El-Hachemi Hadjeres, Mohamed Alleg et Larbi Lahc�ne qui, en 1986, avaient pr�conis� la proclamation d�un Etat islamique. � Pour avoir �volu�, � l��poque, au c�ur du processus politique au sein de l�institution militaire, je peux affirmer, sans crainte d��tre d�menti, que cette affirmation est sans fondement. Je peux m�me souligner que le regrett� g�n�ral Larbi Lahc�ne, � la faveur du congr�s extraordinaire du FLN en 1986, avait d�fendu, en sa qualit� de directeur du Commissariat politique, une position plut�t contraire � celle que lui attribue Mohamed Harbi. Notre historien s�est-il appuy� sur un document dont il n�aurait pas v�rifi� l�authenticit� car sa teneur ne correspond en rien � la r�alit� ? L�affirmation de Mohamed Harbi pourrait tout aussi bien reposer sur une simple reproduction mim�tique de notions communes. Les trois officiers g�n�raux, en effet, ont pour point commun de partager une solide culture arabophone et d�avoir suivi les enseignements de l�Institut Ben Badis de Constantine (�tablissement relevant de l�Association des Ul�ma musulmans alg�riens) avant de rejoindre l�Arm�e de lib�ration nationale. C�est une piste tentante pour se hasarder � une affirmation du genre de celle que nous livre Mohamed Harbi, mais elle ne r�sisterait pas � une confrontation m�thodique avec les faits. Nonobstant ces divergences m�thodologiques, il est exact, par ailleurs, que nos positions respectives, Lahouari Addi et moim�me, ne co�ncident pas, �galement, du point de vue de la mise en perspective historique. En toute lucidit�, est-il n�cessaire, comme s�il s�agissait de verser un droit d�acc�s � la sollicitude des opinions occidentales, de focaliser toute l�attention sur l�assassinat d�Abane Ramdane plut�t que sur celui de Larbi Ben M�hidi ? Ecrire l�histoire selon les r�gles �tablies de la recherche acad�mique, certainement. S�astreindre � une posture d�autoflagellation, s�rement pas. Il m�int�resse, au plus haut point, de reconstituer l��cheveau complexe li� � l�apparition du conflit qui au sein du Comit� de coordination et d�ex�cution a d�bouch� sur la mort violente de Abane Ramdane. Je suis, d�ailleurs, tout aussi concern� par l��claircissement des conditions de la mort de nombreux autres combattants de la libert� dont il faudra reconstituer la substance du combat l�gitime. Tout cela, cependant, pour mieux comprendre le d�roulement de l�histoire de mon pays, pas pour dresser, � titre posthume, des �chafauds. Quel complexe nourrir ? Observez l�histoire ensanglant�e de France ! Avec les fondateurs de la R�publique assassin�s et tous ces mar�chaux d�empire sacrifi�s, l�imaginaire du peuple fran�ais a-t-il cess� d�entretenir vivante l��pop�e de Napol�on ? Faisons une halte pour faire le point. Des probl�mes de m�thode ont �t� invoqu�s. Une confusion de postures, attitude politique et comportement scientifique, avec une propension � subir �les pr�notions �. Ensuite, un probl�me de mise en perspective historique. Il est possible d�illustrer, � nouveau, ces remarques par r�f�rence � la description que nous livre Lahouari Addi du regrett� Abdelhafidh Boussouf. Dans la mise au point qu�il a publi�e dans les colonnes du Soir d�Alg�rie, Lahouari Addi se livre, en effet, � des jugements p�remptoires, d�ordre moral plus que scientifique, sur la personne du dirigeant disparu. Il impute, en premier lieu, � Abdelhafidh Boussouf, un comportement vis-�-vis de l�ancien pr�sident du GPRA, Ferhat Abbas, qu�il faudrait valider par des t�moignages irr�futables. Que des divergences aient oppos� les deux hommes, c�est certain. Que ces divergences se soient traduites par de l�hostilit� et du m�pris ainsi que des insultes publiques, il faudrait le prouver. D�ailleurs, le membre de phrase qui accompagne ce tableau est �difiant. Il est, exactement, de la m�me veine que le jugement port� sur les �boussoufboys � qui a suscit� ce d�bat. C�est, en toute clart�, que notre sociologue d�cr�te que cette attitude du d�funt Abdelhafidh Boussouf � l��gard de Ferhat Abbas �tait r�v�latrice �d�une haine pour les politiciens et les valeurs lib�rales� ! Sur le m�me registre, Lahouari Addi se livrant � une comptabilit� macabre des morts impute � notre ancien dirigeant des services de renseignement de guerre, la responsabilit� �de liquidation de centaines de militants du FLN dont le plus c�l�bre est Abane Ramdane�. Si nul ne conteste l�assassinat du regrett� Abane Ramdane, comment prouver la liquidation de centaines de militants du FLN ? S�agit-il de la Bleuite qui a touch�, essentiellement, l�int�rieur du pays ? S�agit-il d�ex�cutions ordonn�es par le MALG ? Des cas de disparitions peuvent avoir exist�, mais de la � �voquer des centaines de cas, voil� une libert� qu�il faut justifier. Pour clore, Lahouari Addi admet, enfin, que �Boussouf a �t� un chef nationaliste� mais c�est pour ajouter, aussit�t, qu��il cultivait la suspicion au plus haut degr�. Diable, a-t-on vu un service de renseignement m�me dans les pays de vieille d�mocratie fonctionner autrement que sur le mode de la suspicion, � la mani�re d�une vigilance �pist�mologique syst�matique ? Pourquoi Lahouari Addi ne s�int�resse-t-il pas � une autre dimension de ce dirigeant qu�il malm�ne un peu trop l�g�rement ? Pourquoi occulte-t-il l�appel franc et massif, dirais-je, qu�il a lanc�, le premier, � l��lite du pays ? Un homme aussi respectable que si Abdelhamid Mehri m�a r�v�l� que son pair du GPRA lui avait affirm�, au moment o� il devait mettre en place le tout nouveau minist�re de l�Armement et des Liaisons g�n�rales, �qu�il se passerait du concours de ceux qu�il surpassait en connaissances pour ne faire appel qu�� ceux qui le d�passaient �. Pourquoi ne s�int�resse- t-il pas � l�attitude singuli�re qu�il a adopt�e face au conflit �tat-major de l�ALN - GPRA puisqu�il est �tabli, d�sormais, documents � l�appui, qu�il a refus� de s�impliquer dans une lutte fratricide non sans convier ses collaborateurs � suivre son exemple ? Il ne s�agit pas de cultiver ce que Lahouari Addi appelle �la r�ification�, processus de chosification qui d�bouche sur une attitude d�adoration face aux personnes et aux institutions. R�tablir les faits de mani�re scientifique, voil� juste ce qui est demand� Mais ne nous �loignons pas du c�ur de notre d�bat. La confusion de statuts chez Lahouari Addi le conduit � des g�n�ralisations excessives et parfois � des extrapolations presque na�ves. Dans un article intitul� �L�arm�e, la nation et la politique� publi� en avril 2003 par le Jeune Ind�pendant, Lahouari Addi, � propos de tout l�encadrement de l�arm�e, se commet � un jugement dont les fondements objectifs ne sont pas �vidents. Ce sont tous les officiers, cette fois ci, non pas seulement les cadres de la S�curit� militaire, qu�il juge �incapables de faire la diff�rence entre la r�publique, communaut� de tous les courants politiques nationaux, et le r�gime, groupe d�hommes organis�s en r�seaux pour demeurer ind�finiment aux commandes de l�Etat�. A cette fin, �demeurer ind�finiment aux commandes de l�Etat�, l�arm�e disposerait, selon notre sociologue, de �la s�curit� militaire, v�ritable police politique au-dessus de l�Etat�. Avec une ing�nuit� qui laisse perplexe, Lahouari Addi propose, alors, �la dissolution compl�te et totale de la s�curit� militaire (�), tous ses services devant �tre remplac�s par un seul organe qui ne s�occupera que de la protection de l�arm�e en tant qu�institution, du moral des troupes et du contreespionnage � ! Une na�vet� qui se nourrit d�une m�connaissance totale des aspects constitutifs de la probl�matique de s�curit� nationale, aspects doctrinaux comme aspects organiques. A lire la recommandation formul�e par Lahouari Addi, l�on est fond� � s�interroger si notre �minent sociologue consid�re que la soci�t� doit se r�guler de mani�re naturelle en mati�re de s�curit�, sans devoir disposer d�instruments ad�quats ni mettre en place des dispositifs appropri�s. En fait, il ressort bien que l�objectif concerne plus le d�mant�lement de la s�curit� militaire que son remplacement par un vrai dispositif de substitution destin� � assurer la s�curit� de toute la nation. Les relents du positionnement politique prennent le pas, encore une fois, sur les exigences de la connaissance scientifique. Pour clore cet aspect de l�expos�, je voudrais souligner que le point d�achoppement, � propos du d�bat que nous n�avons pu mener � terme, aura port� sur une condition r�v�latrice sur la nature des divergences m�ayant oppos� � Lahouari Addi. Notre sociologue aurait voulu que le d�bat s�enclenche � partir du moment o�, ayant condamn� mes anciens chefs au sein des services de renseignement, et pourquoi pas mes compagnons, j�aurais manifest� ma disponibilit� � participer � leur pendaison. Je force le trait, naturellement. Mais le sens y est. Je n�aurais pas, en quelque sorte, le privil�ge de participer au d�bat projet� sans avoir apport� les preuves que j�ai bien rompu les amarres avec mon ancienne corporation en reniant, autant que possible, tout mon pass�.
C�est cette d�marche manich�enne que je r�cuse. Autant je ne suis pas fond� � excommunier Lahouari Addi d�un d�bat qui concerne toute la nation, autant je ne lui conc�de pas le droit de m�excommunier pour le motif qu�il a choisi. Pour le reste, j�admets la pertinence de certaines hypoth�ses de travail formul�es par Lahouari Addi. Sur le plan conceptuel, il est clair qu�un processus d�mocratique repose, fondamentalement, sur la souverainet� absolue du peuple. S�agissant du r�le de l�institution militaire, sujet de pr�dilection dans les �changes avec Lahouari Addi, je suis arriv� � la conclusion que, d�sormais, l�institution militaire, m�me dans les circonstances les plus graves, n�a plus vocation � se substituer � la volont� du peuple. Tout au plus, peut-elle accompagner cette volont� populaire lorsqu�elle est requise de mani�re l�gitime. C�est, je le pense, cet �tat d�esprit qui va pr�valoir au sein de la nouvelle �lite militaire. Par cons�quent, la th�se r�currente de la domination de la vie politique par l�arm�e et de sa r�gulation par les services de renseignement rel�verait, de plus en plus, de la fiction. La transformation du syst�me n�est plus assujettie, de ce fait, � une implication op�rationnelle de l�institution militaire. Je n�affirme pas cela pour disculper les chefs militaires qui sont consid�r�s comme � l�origine de la crise actuelle. Encore une fois, je me situe sur le plan de la connaissance scientifique pas du jugement moral. Force est de constater que le monde �volue � un rythme devant lequel seuls les protagonistes officiels en Alg�rie semblent d�sempar�s. C�est � ce titre que la l�thargie qui frappe l��lite politique du pays avec cette r�signation qui se nourrit d�une soumission volontaire � l��tat des choses devient consternante. Ce n�est pas en invoquant, � chaque d�tour de phrase, la pr��minence politique de l�arm�e et la domination des services de renseignement sur le fonctionnement de l�Etat que l��lite politique contribuera � faire renouer l�Alg�rie avec sa marche vers le syst�me d�mocratique. C�est un comble, � cet �gard, que ce soit un n�ophyte qui appelle l�attention d�un �minent sociologue sur le cours imp�tueux de la dynamique sociale. Il faut parvenir � mobiliser le peuple alg�rien et l�impr�gner du sens du combat � mener. C�est incontestable. Khatib Youcef, plus connu sous le nom de colonel Hassan, se r�f�rant � l��ge de la plupart des chefs de la guerre de Lib�ration nationale et des moudjahidine qu�ils commandaient, me rappelait, � cet �gard, tout r�cemment, que �c�est la jeunesse qui a fait triompher, en dernier ressort, la R�volution alg�rienne�. Comment songer � faire renouer l�Alg�rie avec le progr�s, le d�veloppement et la justice lorsque le fil est si t�nu, pour ainsi dire inexistant, entre l��lite officielle, apparente, et tous ces jeunes qui constituent la r�alit� du peuple alg�rien ? Conqu�rir la soci�t� r�elle, en faire un levier de transformation du syst�me, la doter d�un vrai projet national, voil� le d�fi. Lorsqu�un peuple d�termin� se met en mouvement, toutes les forces du monde ligu�es ne peuvent lui r�sister. Rendons gr�ce � Lahouari Addi qui a eu l�id�e lumineuse, � cet �gard, de recueillir, quelque temps avant sa mort, de la bouche du d�funt commandant Si Moussa, un protagoniste essentiel de l��tat-major de l�ALN, cette formule de bon sens : �Il faut aider l�arm�e � cesser d��tre un pilier du r�gime pour devenir, avec l�administration, un pilier de l�Etat.� Mais voil� qui nous �loigne, quelque peu, de l�objet initial de ce commentaire. En quoi, malgr� nos positions divergentes, nous pourrions, Lahouari Addi comme moi-m�me, contribuer � rendre au peuple alg�rien la clart� de sa conscience ? Tout r�cemment, j�ai rendu visite, donc, au si�ge de la Fondation de la Wilaya IV qu�il pr�side, � ce chef de la guerre de Lib�ration nationale, si digne et si humble, le colonel Youcef Khatib dit Si Hassan. Egal � lui-m�m�, je l�ai vu �voquer en termes �mouvants ses compagnons disparus, regrettant, sinc�rement, que toute la masse de documents accumul�s par la Fondation qu�il anime ne soit pas exploit�e, � bon escient, ou si peu, par les chercheurs et �tudiants alg�riens qu�il n�a cess� de solliciter. Il a tenu � souligner qu�aucune caution ni garantie n��tait exig�e pour acc�der � ces archives et mat�riaux, sinon l�engagement d�en faire usage scientifique, pas m�me apolog�tique. M�int�ressant, �galement, � la trajectoire bris�e du moudjahid Abbas Laghrour, cet autre dirigeant m�connu de la guerre de Lib�ration nationale, je pris contact avec son fr�re cadet qui s�efforce, avec une rare application, � reconstituer le fil de l�histoire occult�e sinon malmen�e de la Wilaya I. Quelle ne fut ma stup�faction d�apprendre que l�officier fran�ais qui combattit Abbas Laghrour dans les maquis aur�siens s��tait livr�, de bonne gr�ce, � une longue s�ance d�enregistrement d�un t�moignage circonstanci�, particuli�rement �clairant sur l�aptitude au combat du d�funt Abbas Laghrour. Combien de t�moins oculaires survivants du combat de Abbas Laghrour se sont donn� la peine de consigner leur t�moignage ? Combien de chercheurs et d��tudiants alg�riens se sont impos� la mission harassante d�aller � la rencontre de ces survivants pour les aider � exorciser les d�mons qui sommeillent toujours dans leur conscience ? Voil� en quoi je consid�re, la mort dans l��me, que nous tous, intellectuels alg�riens, portons une part de responsabilit� dans l�issue pr�judiciable � la m�moire nationale de ce combat d�id�es qui se dessine entre les deux conceptions oppos�es de l�histoire, l�histoire manipul�e � des fins politiques et l�histoire scientifique destin�e � cultiver �le remembrement du fonds commun de la nation alg�rienne�, selon l�heureuse formule du regrett� Mostefa Lacheraf. En lui permettant de remem brer son fonds commun, nous apportons au peuple alg�rien le le vain dont se nourrissent, toujours les nations qui veulent marquer de leur empreinte l�histoire universelle.


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