En annonçant hier matin, à la surprise générale, qu'il a décidé de soumettre à référendum le plan de sauvetage financier pour la Grèce adopté la semaine dernière à Bruxelles par les 17 Etats membres de la zone Euro et auquel son gouvernement a souscrit, le Premier ministre grec Georges Papandréou a pris de court et consterné les chancelleries européennes et fait s'affoler les places boursières, qui ont aussitôt dévissé vertigineusement. Aussitôt la décision du Premier ministre grec connue, l'Elysée, dont le locataire Nicolas Sarkozy a été le principal architecte de l'accord de Bruxelles avec la chancelière allemande Angela Merkel, a fait savoir que le président français a convoqué, toutes affaires cessantes, un conseil des ministres restreint pour étudier les implications que va avoir l'initiative grecque et se tient en contact avec la dirigeante allemande. Dans les sphères officielles françaises, l'affolement ne se cache pas, tant l'on redoute qu'après l'apaisement qui commençait à s'instaurer dans les milieux financiers et boursiers après la conclusion de l'accord de Bruxelles, il va y avoir reprise incontrôlable de la crise des dettes souveraines. Les Etats, déjà sérieusement laminés par cette crise, risquent en effet de voir leur situation financière et économique empirer faute d'avoir accès à des crédits à taux pondérés par manque de confiance des milieux financiers à l'égard du plan de sauvetage conclu entre les pays membres de la zone Euro. La France, et c'est ce qui affole ses dirigeants, ne tardera pas elle-même à subir l'effet de cette perte de confiance. Nicolas Sarkozy a bâti l'essentiel de sa stratégie de réélection en 2012 sur la résorption de la crise européenne des dettes souveraines grâce au plan et à l'accord de Bruxelles, dont nous avons dit qu'il en est le maître d'œuvre avec la chancelière allemande. Assurément que le revirement du Premier ministre grec met en danger la possibilité de sortie de crise de la zone Euro et, par là même, a hypothéqué la stratégie électorale sarkozyenne. Ce n'est pas certes que Papandréou a été mû par la considération de plomber l'activisme et les solutions du président français. Lui a d'autres problèmes qui l'ont fait réagir ainsi. Depuis des mois, la Grèce est pratiquement à l'arrêt pour cause de rejet populaire des dramatiques plans d'austérité successifs auxquels est soumise la population. Celui de la semaine dernière a aggravé les tensions en Grèce en instituant une véritable mise sous tutelle européenne du pays. Pour aussi «responsable et pragmatique» qu'il a été à Bruxelles, Papandréou a, semble-t-il, pris conscience que le remède européen concocté à Bruxelles ne peut s'administrer sans l'accord du malade, le peuple grec en l'occurrence. En proposant à celui-ci de se prononcer sur lui par référendum, Papandréou a fait le pari extrêmement aléatoire sur la «sagesse» des Grecs de l'accepter parce que la solution la moins catastrophique pour le pays dans la situation de faillite qui est la sienne. En effet, tout laisse à penser que les Grecs se prononceront contre, tant ils ont la conviction d'être sacrifiés par des politiques et des spéculations financières dont ils sont le jouet. Si, ce qui est probable, le Premier ministre grec va au bout de sa décision et que ses compatriotes rejettent le plan de sauvetage financier européen, la sortie de leur pays de la zone Euro en sera inéluctable et, par effet induit, l'éclatement de celle-ci. Sombre perspective qui mettra alors à mal les espérances électorales de Sarkozy, car pleine de menaces sur la santé financière et économique de la France elle-même, qui rendront caducs les plans de redressement initiés par son gouvernement.