La situation au Sahel s'est brusuement détériorée, moins d'une semaine après la réunion à Bamako du CEMOC, regroupant des chefs d'état-major des armées d'Algérie du Mali, du Niger, et de la Mauritanie. Le ministre malien de la défense Natié Pléa ne pouvait mieux exprimer la situation actuelle dans cette région en soulignant, lors de la réunion de Bamako, que «notre sous-région est plus que jamais confrontée à de sérieux défis de sécurité». Au lendemain de l'enlèvement de deux Français dans la localité de Hombori, au nord du Mali, une autre opération de kidnapping a eu lieu également dans le nord du pays vendredi et s'est soldée par la mort à Tombouctou d'un touriste allemand qui a résisté à son enlèvement, alors que trois personnes, l'une ayant la double nationalité britannique/sud-africaine, les deux autres étant un Suédois et un Néerlandais, ont été kidnappées par des hommes armés. Cette brusque surchauffe de la situation sécuritaire dans la région, même si elle intervient dans un contexte politique régional marqué par une intensification des réunions des responsables sécuritaires pour lutter contre l'activisme d'Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), démontre en fait que les groupes armés peuvent frapper quand ils veulent ; une sorte de défiance à la communauté internationale. Un geste de trop ? En tout cas, la France a réagi samedi en envoyant cinq hélicoptères de l'armée à Gao, dans le nord du Mali pour participer aux recherches des deux ressortissants français enlevés jeudi. En plus des hélicoptères, «des soldats français sont également arrivés», ont indiqué des sources à Gao. A Hombori, où ont été enlevés les deux ressortissants français, des dizaines de soldats français ont été vus, venus pour épauler l'armée malienne dans sa recherche des deux otages enlevés dans l'hôtel de cette localité par des hommes armés soupçonnés de liens avec la branche maghrébine d'Al-Qaïda. La France, en vertu d'accords bilatéraux avec le Mali, la Mauritanie, le Niger ou le Burkina Faso, dispose de facilités pour intervenir rapidement dans la zone où opèrent les groupes liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Avec les rapts de jeudi et vendredi, il y a au total de 9 ressortissants étrangers, dont 6 Français, qui sont détenus au Sahel. Mais, à Paris, les supputations sur la réelle fonction des 2 Français kidnappés jeudi font florès. Les 2 Français, Philippe Verdon et Serge Lazarevic, ont été enlevés jeudi vers 01H00 (heure locale) dans un hôtel d'Hombori, bourg entre Mopti et Gao, à environ 200 km au sud de Tombouctou (nord du Mali), par des hommes armés qui ont emmené leurs otages vers une destination inconnue. Depuis, des interrogations subsistent sur leurs activités réelles et leur présence dans la région, alors qu'initialement, ils ont été présentés comme des géologues. Vendredi après-midi, selon une source proche de la DGSE, les services secrets français ont «assuré n'avoir aucun lien» avec les 2 Français pris en otages au Mali et «tout ignorer, jusqu'à leur présence,» dans ce pays. Par ailleurs, tous les touristes se trouvant dans la région du nord du Mali ont commencé à être évacués hier samedi. Un premier groupe d'une dizaine de touristes étrangers a été évacué samedi par avion de Tombouctou. Ces touristes ont été évacués vers Mopti, au sud de Tombouctou, dans un avion affrété par le gouvernement malien, un deuxième groupe d'une dizaine de personnes devant être évacué plus tard dans la journée vers la capitale Bamako (sud). Les craintes d'autres enlèvements ont amené les autorités maliennes à évacuer les touristes étrangers vers la capitale, puis vers leurs pays respectifs. Pour autant, les derniers événements dans le nord Mali font craindre le pire pour la sécurisation de la région et la lutte contre les bandes armées qui circulent dans la région. Lundi à Bamako, lors de la réunion des chefs d'état-major, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah avait souligné la nécessité de «redoubler» d'efforts dans la sous-région pour combattre le terrorisme. Il a précisé, lors de son intervention à l'occasion de la réunion de passation de la présidence du Conseil des chefs d'état-major des pays membres du Comité d'état-major opérationnel conjoint (CEMOC), la nécessité de «juguler tout risque et facteurs d'insécurité et poursuivre notre dynamique à l'effet d'éradiquer le terrorisme et ses connexions». En appelant les puissances étrangères à laisser les pays de la région «travailler» sereinement à l'éradication du terrorisme dans la région, le général Gaid Salah lançait également un avertissement aux actions de certaines officines du renseignement européennes, notamment françaises, dont l'intrusion dans la région a souvent dérapé et provoqué autant la mort des otages que la recrudescence des enlèvements. Dès lors, y a-t-il un lien de causalité entre la blessure d'un ancien militaire français envoyé au nord Mali pour négocier la libération des employés d'Areva kidnappés eu Nord Niger, et les opérations d'enlèvements de jeudi et vendredi ?