On éprouve une grande sympathie pour M. Amar Belani, qui exerce la fonction difficile, pour ne pas dire impossible, de porte-parole du ministère des Affaires étrangères. Et quand, de surcroît, ce porte-parole tente, avec une réelle abnégation, de répondre sur Facebook à des interrogations exprimées de manière véhémente sur les actions de son ministre, cela tourne à l'héroïsme. Il en est ainsi de l'information sur «l'audition» de M. Mourad Medelci par la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale française, le 7 décembre 2011. Beaucoup ont senti leurs oreilles chauffer et leur dignité se froisser au terme «audition», les mots entre l'Algérie et la France n'ayant jamais le sens strict que leur donne le dictionnaire. M. Belani a donc fait sur Facebook l'explication du «mot» : être auditionné ne doit pas être pris au sens «judiciaire», il veut dire tout simplement «écouter». Il explique donc à ceux qui se «braquent» sur un mot que cela fait partie des pratiques courantes, M. Medelci n'étant ni le premier ni le dernier ministre des Affaires étrangères à être «entendu» par les parlementaires français, qui seront ainsi éclairés par «une personnalité qualifiée». Il faut bien entendu cesser de chipoter sur le mot. Mais disons quand même que M. Belani a tiré du mot le maximum qu'il pouvait pour présenter sous le meilleur jour possible le passage de son ministre par la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée française. Sans donc judiciariser le mot, nous pouvons dire qu'il y a beaucoup d'Algériens qui auraient aimé «entendre» le ministre algérien des Affaires étrangères leur expliquer la politique étrangère qui est menée par le gouvernement de leur pays. Et des explications à donner, cela ne manque pas : de la réserve éloquente sur la révolution tunisienne à la gestion statique du conflit libyen, à l'alignement penaud derrière la Ligue arabe et les monarchies sur la terrible et monstrueuse agonie du régime syrien. Même si la plupart des Algériens ont cessé de s'intéresser à ce que font les gouvernants, il en reste encore qui s'interrogent et se demandent «où» se trouve leur pays dans les chambardements qui arrivent dans la région. Et manifestement, s'ils s'interrogent, c'est qu'ils n'ont pas de réponses. Ils n'ont pas entendu Medelci expliquer, par exemple, pourquoi l'Algérie a choisi de ne pas «s'ingérer» dans le cas de la Libye, avec laquelle elle partage près de 1.000 kilomètres de frontière, avant de s'ingérer dans les affaires syriennes via la Ligue arabe. Ces Algériens aimeraient «entendre» des responsables leur expliquer ce qui motive ce changement. Le gouvernement algérien a-t-il cessé d'être méfiant à l'égard des contestations des régimes dans la «rue» ou bien se sent-il «coupable» de ne pas avoir «choisi» sur la Libye et il se charge de le faire oublier ? Il existe bien d'autres questions. Et le brave et sympathique Belani, avec tout l'effort de persuasion qu'il met sur Facebook, avec son souci de la précision des mots, ne pourra pas expliquer pourquoi les parlementaires français doivent avoir la primeur d'une explication qui n'a pas été encore donnée aux Algériens. Etre auditionné par des parlementaires étrangers n'a rien d'anormal. C'est un fait. Que les Algériens encore intéressés doivent attendre cette audition ouverte à la presse, dit-on pour être un tant soit peu plus éclairés sur l'indéfinissable politique étrangère de l'Algérie, est beaucoup moins normal. Et vraiment, le brave Belani n'y pourra rien à cet agacement qu'ont de nombreux Algériens qui ne se «braquent» pas sur un mot, mais sur quelque chose de plus lourd et de plus fondamental.