«L'économie est une longue discussion». C'est par cette citation d'un célèbre historien anglais que s'ouvre la préface du recueil des chroniques d'Abdelmadjid Bouzidi, publié par les éditions ENAG. Des chroniques qui constituent des repères sur une décennie de politiques publiques dans une économie algérienne en «transition». Depuis près d'une décennie, elles nous sont devenues familières et proposent, dans une période ou nos gouvernants semblent céder à la tentation de l'opacité et de la confidentialité, les «éclairages» d'un des principaux animateurs du débat public sur l'évolution de l'économie nationale. D'abord dans les colonnes du Quotidien d'Oran, aujourd'hui dans celles du Soir d'Algérie, elles poursuivent en effet une longue discussion et permettent au lecteur de se munir de repères dans le lent et quelquefois chaotique processus de transition que traverse l'économie de notre pays. En 9 chapitres, l'ouvrage parcourt les thèmes de prédilection de son auteur. Il nous fait partager son impatience au sujet de l'absence de définition d'un projet «capable de sortir l'économie algérienne des politiques conjoncturelles contra ou pro-cycliques, certes nécessaire pour réparer les pannes, mais totalement insuffisantes pour remettre l'économie sur un sentier de croissance robuste et durable».Il communique sa perplexité à propos des choix récents de politique industrielle «qui ne doivent pas répéter les erreurs du passé», et martèle sa conviction que «notre industrie a surtout besoin aujourd'hui d'une politique déterminée et cohérente de soutien à la PME privée. L'Algérie a besoin d'un «Small Business Act» qui prépare nos petites et moyennes entreprises industrielles à devenir des «gazelles», c'est-à-dire des entreprises à forte croissance, innovantes et compétitives à la fois sur le marché intérieur et sur les marchés d'exportation en les inscrivant dans les processus de globalisation actuellement en cours». Sur des thèmes aussi variés et constamment remis sur le métier que les politiques publiques, l'emploi, le dialogue social, l' «argent du pétrole», le risque alimentaire ou encore le célèbre climat des affaires, le recueil d'Abdelmadjid Bouzidi se révèle comme une précieuse «chronique» qui permets de jalonner les débats qui ont marqué notre histoire économique récente. Le chapitre sur les politiques économiques comparées est une ouverture bienvenue sur les expériences économiques, si peu connues et commentées en Algérie, de nos voisins maghrébins, mais aussi égyptienne, turque, chinoise, indienne, coréenne, ou encore indonésienne, qui semble montrer la voie de ce que pourrait un après-pétrole. «QUATRE CHANTIERS POUR 2020» Les convictions de Bouzidi sont résumées dans les «quatre chantiers» qu'il identifie pour l'Algérie de 2020. Au premier rang : «Il est grand temps que l'on puisse définir la place et le statut des hydrocarbures dans notre économie» dans le double but de financer notre stratégie économique et de définir nos besoins énergétiques sur le long terme. «Renouer avec notre ambition industrielle» est le deuxième chantier, sachant que celle-ci devra se réaliser «dans un contexte totalement différent de celui des années 70. Mondialisation libérale, ouverture et compétitivité tracent aujourd'hui le cadre contraignant dans lequel nous devons penser notre nouvelle politique industrielle». Le défi de la sécurité agroalimentaire est également au programme qui soulève les questions récurrentes de la politique agricole à mettre en œuvre pour améliorer la production agroalimentaire nationale ou au moins améliorer l'équilibre de la balance agricole de notre pays, voire celle de «la mise en œuvre de la révolution agricole que notre pays attend toujours». Le quatrième chantier est «décisif pour penser l'après-pétrole». Les économies développées qui «mènent le processus de mondialisation sont sur un nouveau paradigme de croissance : l'économie fondée sur la connaissance. L'Algérie doit faire sien ce nouveau paradigme. Système éducatif et de formation, technologies de l'information et de la communication, innovation et recherche, climat des affaires ; c'est là que se jouent nos chances d'intégrer par le haut la mondialisation de l'économie et de tirer profit de la densification des échanges internationaux». On n'aura pas dit l'essentiel enfin à propos de ce recueil si on n'a pas souligné que le principal mérite d'Abdelmadjid Bouzidi est d'être un pédagogue et un vulgarisateur hors pair. Capable de décrypter et de rendre lisible les sujets apparemment les plus complexes, de rapprocher aussi et de faire le lien entre nos préoccupations quotidiennes et les travaux les plus pointus d'un prix Nobel américain ou indien.