Tirs croisés, hier dimanche à Nouakchott, durant une réunion des ministres maghrébins et européens de la Défense sur les moyens de renforcer la lutte contre le terrorisme au Sahel. Cette réunion des ministres de la Défense des «5+5» (Algérie, Tunisie, Maroc, Mauritanie et Libye, France, Espagne, Italie, Malte et Portugal), centrée sur les moyens à mettre en oeuvre pour lutter contre l'insécurité au Sahel et les groupes terroristes qui y prolifèrent, a donné lieu à un débat pour le moins distendu. Si la Mauritanie, par le biais de son ministre de la Défense, défend 'bec et ongles'' la position de ceux qui refusent de payer des rançons aux kidnappeurs d'Aqmi, la France, par contre, s'obstine dans sa politique à négocier avec les terroristes et, le cas échéant, payer des rançons pour la libération des otages. «Je demande à tous de travailler pour le tarissement des sources du terrorisme et d'acculer les preneurs d'otages dans leurs derniers retranchements en s'abstenant de payer des rançons», a déclaré Ahmedou Ould Idey, ministre mauritanien de la Défense, à l'ouverture de cette réunion. Contrairement aux pays riverains du Sahel, le Mali et le Niger, la Mauritanie n'hésite pas à lancer son armée aux trousses des bandes d'Aqmi qui transitent par son territoire, et a toujours adopté une position ferme face au terrorisme. Ahmedou Ould Idey a réaffirmé la détermination de la Mauritanie à faire face «aux défis sécuritaires dans la région», rappelant que «sa stratégie de frappes préventives et de renforcement des capacités de son armée a porté ses fruits». Par contre, le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, confirme que les pays européens, en dépit de déclarations de circonstances, ne rechignent pas à dialoguer avec les terroristes. Dimanche, avant de rencontrer ses pairs à Nouakchott, il n'a pas exclu des négociations, «le cas échéant», en vue de faire libérer les otages français et européens détenus au Sahel. «Nous gardons, par tous moyens appropriés, le maximum de canaux d'informations et, le cas échéant, de négociations», a déclaré M. Longuet à la presse. «Cela n'interdit pas de porter un jugement définitif sur les gens qui prennent des otages, mais le principe de vérité s'impose, nous souhaitons d'abord les récupérer», a-t-il ajouté. Près de quinze ressortissants européens sont détenus en otage par deux groupes d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dont une faction dissidente responsable de l'enlèvement de trois humanitaires du camp du Polisario à Hassi Rabouni, près de Tindouf. Pour autant, le ministre français confirme bel et bien la position des occidentaux qui n'hésitent pas à payer les terroristes pour faire libérer leurs ressortissants. Même si, et Longuet le reconnaît, les pays européens ne sont pas responsables du comportement de leurs ressortissants à l'étranger. «La France n'est pas responsable du comportement de ses ressortissants qui vivent à l'étranger», a-t-il admis. A Nouakchott, les ministres de la Défense des '5+5'' ont évoqué les moyens de renforcer la lutte contre l'insécurité dans le Sahel provoquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui y a récemment multiplié les enlèvements, et la prolifération d'armes issues du récent conflit libyen. Cette réunion se tient au moment où Al-Qaïda au Maghreb islamique multiplie les enlèvements dans une zone sahélienne extrêmement poreuse, vulnérable et devenue le fief inexpugnable des groupes armés de tout acabit, des Touaregs qui avaient combattu pour le régime déchu libyen, aux opposants politiques maliens et nigériens, et maintenant de deux tendances d'Aqmi, dont le Mouvement unité pour le jihad en Afrique de l'Ouest, qui a revendiqué samedi l'enlèvement, fin octobre, de trois humanitaires de nationalité espagnole et italienne du camp du Polisario. ALGER-NOUAKCHOTT: MEME COMBAT L'apparition de ce groupe complique un peu plus les données sur les bandes terroristes qui évoluent dans cette vaste zone géographique, et qui risquent de perpétuer une menace constante sur la sécurité de ces régions. C'est en quelque sorte l'un des grands dossiers abordés à Alger par le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, avec le président Bouteflika. La lutte antiterroriste et la coopération militaire algéro-mauritanienne auront figuré en bonne place dans les entretiens entre les deux chefs d'Etat, alors qu'une réunion multisectorielle a regroupé les deux délégations, coprésidées par le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, et son homologue mauritanien, Hamadi Ould Hamadi. Pour l'Algérie, qui veut maintenir ses bonnes relations politiques avec le nouveau pouvoir à Nouakchott, il est important que la Mauritanie puisse avoir les arguments et les moyens matériels de lutter contre les groupes d'Aqmi qui se sont installés à ses frontières. Et, surtout, de parler le même langage face à la menace terroriste, d'autant que Nouakchott vient de prendre le commandement pour deux ans du Comité d'état-major opérationnel conjoint (Cemoc) qui, outre ceux de Mauritanie et d'Algérie, regroupe les chefs d'états-majors du Mali et du Niger. Créé en avril 2010, le Cemoc est basé à Tamanrasset (sud de l'Algérie) et dispose d'un centre de renseignement à Alger avec pour objectif de mieux coordonner la lutte contre Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) et la criminalité. Les déclarations du ministre français de la Défense donnent en fait toute l'épaisseur à la difficile entente entre le Nord et le Sud de la Méditerranée sur les enjeux de la lutte contre le terrorisme.