La crise syrienne est en train de prendre la forme d'un véritable feuilleton politique, au lendemain de l'annonce par Damas, de l'acceptation de l'envoi d'observateurs et, du bout des lèvres, de l'accord de paix proposé par la Ligue arabe. La Syrie a, en tout cas et sur le front diplomatique, montré sa volonté de coopérer avec la Ligue arabe qui a annoncé, hier mardi, par le biais de son secrétaire général, M. Ahmed Ben Helli, qu'une première équipe d'observateurs arabes se rendra jeudi, dans ce pays secoué par un soulèvement populaire qui a fait plus de 5.000 morts, selon des ONG humanitaires. «Une équipe dirigée par Samir Seif al-Yazal (assistant du secrétaire général), se rendra à Damas jeudi», a déclaré M. Ben Helli, lors d'une conférence de presse au Caire. Cette équipe sera composée d'observateurs de la sécurité, du droit et de l'administration. Cette mission d'observateurs sera dirigée par le général Mohammed Ahmed Moustafa al-Dabi, ancien chef du renseignement militaire soudanais et secrétaire d'Etat à la Sécurité, a ajouté M. Ben Helli. Lundi au Caire, le vice-ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal al-Maqdad avait signé un très attendu protocole de la Ligue arabe, stipulant la venue d'observateurs en Syrie, après plusieurs jours d'âpres négociations avec le régime syrien pour qu'il accepte l'initiative arabe et évite, en retour, une possible intervention étrangère. A Ryadh, les pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont exigé, hier à l'issue d'une réunion, l'arrêt immédiat de la répression en Syrie et la libération des détenus, en prélude à l'application d'un plan sur l'envoi d'observateurs arabes. «Le Conseil de coopération de Golfe demande au gouvernement syrien un arrêt immédiat de la machine à tuer, l'arrêt de l'effusion de sang (...), la libération des détenus, comme premiers pas pour entamer l'application du protocole» sur l'envoi d'observateurs, indique un communiqué du CCG, à l'issue de son sommet à Ryadh. Le CCG appelle également le gouvernement syrien à «appliquer toutes les clauses de l'initiative arabe». Ce plan prévoit, outre l'envoi d'observateurs pour protéger les civils, l'arrêt de la répression, la libération des manifestants emprisonnés et le retrait de l'armée des villes. Interrogé au cours d'une conférence de presse, à l'issue du sommet, sur les risques de guerre civile en Syrie, le chef de la diplomatie saoudienne, le prince Saoud al-Fayçal, a estimé que «l'initiative arabe a justement été élaborée pour éviter une guerre civile». Il a estimé que «cette initiative doit être appliquée immédiatement», ajoutant que «nous avons entendu dire que la Syrie a accepté le protocole (d'envoi des observateurs) mais pas l'initiative arabe. Le protocole fait partie intégrante de l'initiative arabe, qui est indivisible». A l'étranger, l'administration américaine a mis en doute la volonté réelle de la Syrie d'admettre des observateurs sur son sol, demandant à «voir des actes». La France a réclamé aussitôt que les observateurs arabes puissent remplir leur mission «le plus rapidement possible sur le terrain». Quant à l'Allemagne, elle a, par le biais de son ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, déclaré attendre de la Syrie qu'elle mette «immédiatement» en oeuvre ses promesses d'admettre des observateurs sur son sol. «Nous jugerons la Syrie seulement à ses actes, c'est-à-dire à sa mise en œuvre immédiate de son accord avec la Ligue arabe, et non à ses mots», a dit M. Westerwelle dans un communiqué. Par ailleurs, et en Syrie, le régime a durci le ton face aux déserteurs de l'armée régulière, qui ont pris faits et cause pour la révolte populaire. Le président syrien Bachar al-Assad a ainsi promulgué une loi condamnant à la peine de mort, toute personne qui fournit des armes aux «terroristes», a indiqué hier, l'agence officielle «Sana.» «La loi prévoit la peine capitale pour ceux qui fournissent des armes ou qui contribuent à en fournir, en vue de commettre des actes terroristes», a précisé l'agence, en allusion aux militaires, officiers et sous-officiers et soldats qui ont déserté. Cette loi présidentielle punit en outre de «15 ans de travaux forcés, tous ceux qui font de la contrebande d'armes», et «de travaux forcés à perpétuité, si la contrebande d'armes est effectuée à des fins commerciales ou pour commettre des actes terroristes», selon l'agence. Pour autant, les combats entre «déserteurs» et l'armée régulière se poursuivent, et une centaine de déserteurs ont été tués ou blessés hier, par l'armée régulière syrienne, lors d'affrontements dans la province d'Idleb, près de la frontière turque, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). «Après des affrontements qui se sont déroulés ce matin, avec l'armée régulière, une centaine de déserteurs ont été encerclés puis tués ou blessés entre les villages de Kafroueid et al-Fatira», dans la région de Jabal al-Zaouia, à plus de 330 km, au nord de Damas.