La réunion de la Ligue arabe de Rabat sur la Syrie, ouverte hier dans l'après-midi, a précisé un peu plus l'avenir des relations entre la Ligue, pratiquement trustée par les monarchies du Golfe, et Damas. Ecartée dimanche dernier des travaux de la Ligue arabe pour n'avoir pas obtempéré aux injonctions de son conseil ministériel d'arrêter le massacre de civils et d'évacuer les chars des villes, la Syrie a joué pratiquement son avenir dans cette réunion, marquée du reste par le poids de plus en plus important de la Turquie dans les enjeux géopolitiques régionaux. Dans les coulisses diplomatiques de cette réunion, l'Algérie et l'Egypte ont bien tenté de «sauver» la tête de Bachar Al-Assad et lui éviter une plus grande humiliation, du moins au sein des pays arabes. Dans une lettre envoyée au SG de la Ligue arabe, Nabil Al-Arabi, et rendue publique par la presse arabe à la veille de la rencontre de Rabat, le ministre algérien des Affaires étrangères Mourad Medelci s'interroge «si la suspension de la Syrie (de la Ligue) est réglementaire». Il a suggéré, dans cette lettre, de mettre en place une commission d'enquête formée d'experts (juristes, etc.) pour «examiner la conformité (avec les statuts de la Ligue) de la suspension de la Syrie», notamment l'article 18. Les résultats des travaux de cette commission d'experts devaient être exposés lors de la réunion d'hier à Rabat du conseil des ministres de la Ligue arabe. Ce n'est pas tout. Les ministres des Affaires étrangères algérien et égyptien Mohamed Kamel Amr ont dans une lettre commune transmise au SG de la Ligue arabe demandé une réunion entre le conseil des ministres arabes et le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouellem. Beaucoup de grains de sable dans cette tentative de réconciliation, qui devait se dérouler à la veille de la rencontre de Rabat. Les deux ministres algérien et égyptien ont également demandé à ce que Mouellem participe à la réunion de Rabat, une demande d'ailleurs vivement repoussée par les pays du Conseil de coopération du Golfe. Dans la lettre transmise mardi soir au SG de la Ligue arabe, ils ont clairement signifié qu'ils boycotteront cette rencontre si le ministre syrien des Affaires étrangères participe. La Syrie a, officiellement, annoncé mercredi qu'elle s'abstient de participer à la rencontre de Rabat qui devrait entériner la décision de sa suspension des travaux de la Ligue arabe, jusqu'à ce que le plan de paix qui lui a été soumis soit appliqué. Fortement remontés contre le régime de Bachar Al-Assad, les pays du CCG membres de la Ligue arabe et la Turquie veulent en fait précipiter la chute du régime syrien, d'autant qu'Ankara a très mal accueilli que son ambassade à Damas soit attaquée. A l'issue de la réunion de Rabat, qui a pratiquement maintenu les décisions de son conseil ministériel concernant le plan de paix proposé au Caire, la Ligue arabe (plus la Turquie) se sont déclarés «contre toute intervention étrangère en Syrie», dans un communiqué conjoint, à l'issue du Forum de coopération turco-arabe tenu à Rabat. Expédié en quelques heures, ce sommet a entériné les principales positions arabes, à savoir le refus d'une intervention étrangère, en allusion au scénario libyen, et confirmé que le cas Syrie doit être résolu dans un cadre «arabe». PAS DE SCENARIO LIBYEN Le travail diplomatique des coulisses aura en fait assoupli la dureté de la position des pays du CCG. En outre, le communiqué conjoint de la Turquie et la Ligue arabe appelle également à l'adoption de «mesures urgentes pour protéger les civils» de la répression du régime syrien. Selon un décompte d'ONG, il y aurait plus de 3500 morts depuis le début du conflit en mars dernier, la plupart morts par balles. Par ailleurs, Nabil Al-Arabi a affirmé à des journalistes lors de la réunion de Rabat qu'«il faut tout faire pour arrêter l'effusion de sang qui se poursuit en Syrie». Il a également indiqué qu'il espérait beaucoup «la réussite des efforts arabes pour envoyer en Syrie dans les tout prochains jours» des observateurs pour s'assurer de la protection des populations civiles. La Ligue arabe a convenu de l'envoi de 500 membres d'organisations arabes des droits de l'homme, de média et des observateurs militaires en Syrie, selon un responsable de la Ligue arabe. Mais, selon Al-Arabi, «aucun membre de la délégation des organisations arabes en charge de la protection des civils ne partira en Syrie avant la signature d'un protocole d'entente avec le gouvernement syrien définissant clairement les obligations et les droits de chaque partie». De son côté, la Syrie avait invité dimanche les pays arabes à envoyer des ministres pour évaluer la situation sur le terrain et superviser l'application du plan arabe de sortie de crise, accueillant favorablement l'idée d'une délégation» d'observateurs, d'experts civils et militaires et de médias arabes». VOICI L'ASL Sur le terrain, l'Armée syrienne libre, formée de déserteurs de l'armée régulière, par un colonel déserteur, a annoncé mercredi la création d'un conseil militaire provisoire pour faire tomber le régime du président Bachar Al-Assad, protéger la population et prévenir l'anarchie. L'ASL annonce dans un communiqué «la création par l'Armée syrienne libre d'un conseil militaire provisoire pour répondre aux nécessités de la phase actuelle et de la révolution syrienne». Le conseil est dirigé par le colonel Riad Al-Assad, qui a déserté et s'est réfugié en Turquie et qui avait annoncé en juillet la création de l'ASL, selon le texte. En outre, l'ASL a annoncé également une attaque à l'aube avec des roquettes et des grenades du centre des services de renseignements aériens situé à l'entrée de Damas, ont expliqué dans un communiqué les LCC, une organisation de l'opposition qui coordonne les manifestations sur le terrain. Enfin, dans un geste d'apaisement, le régime a décidé de libérer plusieurs opposants politiques.