La Syrie semble être entrée de plain-pied dans un infernal cycle de violences, après l'attentat à la bombe hier - le second en moins de deux semaines - dans un quartier historique de Damas. Selon le dernier bilan de cet attentat attribué par la télévision syrienne à «des terroristes», il y aurait au moins 25 morts et plus d'une cinquantaine de blessés à Midane, un des quartiers historiques de la capitale syrienne. Les images de la télévision syrienne insistent sur l'horreur de cet attentat, montrant des flaques de sang sur le trottoir, des corps déchiquetés, des vitres brisées, des véhicules endommagés, carbonisés. Officiellement, il s'agit d'un attentat suicide à la voiture piégée, 15 jours après un autre attentat à la bombe, toujours à Damas. Il y avait eu 44 morts et 150 blessés. Les autorités avaient immédiatement imputé l'attentat au réseau terroriste Al-Qaïda. «Un attentat suicide commis par des terroristes a visé les habitants de Midane», a indiqué la télévision syrienne, en faisant état «d'au moins 25 morts et 46 blessés en majorité des civils». Il a eu lieu «dans un quartier populaire près de l'école Hassan al-Hakim, dans un lieu bondé», a précisé la télévision en diffusant les premières images des lieux de la puissante explosion où plusieurs ambulances ont été dépêchées. Le bilan de cet attentat, qui est imputé au «régime» par l'opposition, est susceptible de s'alourdir. Ce second attentat intervient alors que la mission d'observateurs de la Ligue arabe doit boucler son rapport sur la situation en Syrie et le présenter à la Ligue arabe dimanche prochain au Caire. Beaucoup pointent du doigt les autorités dans l'organisation de cet attentat pour faire pression sur la Ligue arabe, et impliquer Al-Qaïda dans les événements de Syrie. Et, selon l'opposition, les observateurs arabes ont complètement raté leur mission, et une forte controverse s'est amplifiée sur l'incapacité de la Ligue arabe d'empêcher la répression des manifestants et le retour des militaires dans les casernes. En fait, la mission d'observateurs de la Ligue arabe, qui s'est rendue dans plusieurs villes du pays, est de plus en plus critiquée. Les opposants ont qualifié d'»échec» cette mission toujours en cours et appelé à une aide de l'ONU pour mettre fin à l'effusion de sang, la politique «molle» de la Ligue arabe à l'égard du régime syrien ayant conduit, selon eux, «à une hausse des morts dans la répression». «On espère qu'ils (la Ligue arabe) annoncent l'échec de cette initiative», a déclaré vendredi le colonel Riad Assaad, chef de l'Armée syrienne libre (ASL), qui revendique quelque 40.000 militaires ayant fait défection de l'armée syrienne. C'est dimanche que se réunit au Caire le Comité ministériel arabe chargé du dossier syrien pour entendre le rapport du chef de la mission d'observateurs. Le Premier ministre du Qatar, cheikh Hamad ben Jassem Al Thani, président du Conseil, a indiqué que la Ligue arabe devait alors décider si cette mission se poursuivrait et comment, après avoir admis des «erreurs» commises par les observateurs. L'OPPOSITION VEUT L'INTERVENTION DE L'ONU Au sein de l'opposition syrienne, le ton monte également contre «l'apathie» de la Ligue arabe, et l'attention est orientée dès lors sur le soutien international, notamment celui de l'ONU, pour chasser du pouvoir Bachar al-Assad. «Tout le monde est conscient des dangers qui menacent notre révolution. Nous n'allons pas abdiquer. Nous sortirons dans les rues avec notre revendication légitime pour une internationalisation de notre cause» par le biais d'un transfert à l'ONU, ont affirmé des «militants pro-démocratie» sur Facebook. Dans l'après-midi de vendredi, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé dans de nombreuses villes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) et les Comités locaux de coordination (LCC). Quelque 50.000 personnes manifestaient sur la place de la Grande Mosquée à Douma dans la région de Damas, alors que des manifestations massives avaient lieu à Idleb (nord-ouest) pour appeler à la chute du régime et à une internationalisation de la crise, selon l'OSDH. Selon les LCC, des manifestants défilaient aussi à Hama (centre), à Lattaquié (nord-ouest), à Alep (nord), à Deir Ezzor (est) et à Deraa (sud). Bilan: deux civils ont été tués par balles dans la dispersion par les troupes des manifestations à Hama, alors que 10 manifestants ont été blessés à Deraa, selon l'OSDH. Par ailleurs, 552 détenus impliqués dans le soulèvement populaire contre le régime ont été libérés jeudi, indique l'agence Sana. Au total, «552 détenus, impliqués dans les derniers événements en Syrie et qui n'ont pas de sang sur les mains, ont été libérés», a précisé l'agence. Il s'agit du deuxième groupe de détenus libérés dans le cadre de mesures d'apaisement décidées par le président Bachar al-Assad, depuis le début le 26 décembre de la mission des observateurs de la Ligue arabe chargés de surveiller la situation en Syrie.