Sous la double conjonction des changements politiques survenus dans certains pays du monde arabe et des «incitations» occidentales plus pressantes, un frémissement maghrébin se fait sentir. La tournée du président tunisien, Moncef Marzouki, avait pour but de lui donner plus de consistance. Il a obtenu, a priori, des accords par la tenue d'un prochain sommet de l'UMA à Tunis qui serait «sérieux» et donnerait des résultats «palpables». Le sommet, s'il a lieu, sera donc l'occasion du grand déclic qu'on n'attendait plus. Et qui ne serait pas attendu sans l'évolution politique entamée par les changements survenus en Tunisie. La réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union du Maghreb arabe (UMA) entamée, hier à Rabat, outre la mise en application des «dispositions déjà prises», peut être appréhendée comme une préparation du terrain à ce sommet. Les ministres des Affaires étrangères des pays de l'UMA, dont M. Mourad Medelci, ne disposent pas de ressources politiques pour impulser une relance d'une UMA à l'état végétatif. L'impulsion, à défaut de venir par un mouvement des sociétés, ne peut se faire qu'au plus haut niveau. Mais la réunion de Rabat est importante car elle est, de fait, la première réunion maghrébine qui se tient dans un nouveau contexte. Signe qui ne trompe pas, l'Algérie est présente à cette 30ème session avec une importante délégation qui comprend aussi bien le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, que le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel. L'ordre du jour «technique» de la session porte, selon le communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères sur «l'intégration économique maghrébine, la poursuite de la réforme de l'Union, la validation de l'étude relative à la création de la communauté économique maghrébine, l'évaluation de l'état d'avancement du processus maghrébin et les échéances de la prochaine étape». QUAND L'EUROPE A LA GRIPPE, LE MAGHREB VA MAL Des thèmes très importants qui peuvent être au plan technique aplanis, mais qui souffrent depuis plus de deux décennies des blocages d'ordre politique. Il y a désormais une crise européenne, partenaire principal de chacun des pays du Maghreb, qui tourne à la récession. Son impact sur les économies maghrébines risque d'être important. Tous les pays, y compris l'Algérie, sont concernés. Les 4/5 des échanges des pays du Maghreb se font avec l'Union européenne, laquelle importe 65% des produits maghrébins. Les chiffres sont éloquents. Et quand l'Europe éternue, les économies du Maghreb ont la grippe. Or, l'Europe n'éternue pas seulement, elle connaît une grave grippe et le Maghreb découvre qu'il a tort de ne pas exister. Augmenter le niveau des échanges économiques intermaghrébins, aller vers plus d'investissements croisés et de partenariats est une réponse à cette situation. La crise européenne constitue une vraie opportunité pour concrétiser des complémentarités latentes mais entravées par les désaccords politiques et les méfiances réciproques. Le président tunisien, Moncef Marzouki, n'a pas caché cette dimension en soulignant que son pays avait besoin de l'UMA. En réalité, tous les pays du Maghreb en ont besoin, plus d'échanges ne peut que favoriser la croissance. Ces aspects économiques sont essentiels. Mais les Maghrébins en sont désormais avisés, ils ne sont pas séparables de la donne politique. Le côté positif est que cette 30ème session «ordinaire» de Rabat, dont il ne faut pas attendre des annonces spectaculaires, se tient alors qu'une fenêtre d'opportunité s'ouvre pour les dirigeants des pays de l'UMA en attendant que les peuples puissent avoir droit au chapitre. Le premier des objectifs est peut-être de se réapproprier un projet maghrébin qui a été, fâcheusement, plus défendu par les Occidentaux que par les pays du Maghreb. Tout y concourt en théorie y compris des appréhensions «anxiogènes» au sujet des évolutions brusques qui se déroulent dans la région arabe. Le communiqué du ministère des Affaires étrangères l'évoque en parlant de poursuite de la «consultation et la coordination des positions concernant les questions politiques régionales et internationales intéressant la région».