Certains propos ne se commentent pas. Il n'y a pas d'argumentaire à opposer à la déclaration du ministre français de l'Intérieur quand il affirme que le vote des étrangers aux élections locales va se traduire par l'imposition du halal dans les cantines scolaires. C'est un propos destiné à racoler des voix chez les beaufs, qui pensent néanmoins que l'original, Le Pen, est meilleur que la copie, que sert régulièrement, au moins une fois la quinzaine, M. Claude Guéant. «Ça ne mérite que mépris». Martine Aubry a parfaitement raison. Il n'y a pas d'argument rationnel à opposer à un racisme électoraliste qui fabrique de fausses peurs identitaires pour éviter d'avoir à répondre d'un bilan économique et social particulièrement sombre. Il faut détourner les Français des questions essentielles du chômage, de la précarité croissante, du creusement des inégalités et leur offrir un bouc émissaire commode. D'une déclaration à l'autre, Claude Guéant s'est mis en course derrière Le Pen pour tenter de concurrencer l'extrême droite raciste sur son terrain électoral en expansion. En croyant que l'usage d'une rhétorique équivoque permettrait de sauver les apparences, tout en affichant une xénophobie et une islamophobie «rentables». A l'évidence, d'un dérapage à l'autre, le ministre français ne patauge plus dans le marécage de l'équivoque sémantique mais il baigne, en toute lucidité, dans le cloaque raciste. Tout en prenant ouvertement ses concitoyens pour d'authentiques demeurés. Avec cette histoire de cantines «halal» destinée à susciter la peur dans les chaumières, M. Guéant ne fait qu'alimenter l'indignation de nombre de Français qui assistent, effarés, au rabaissement inédit du niveau du débat de la part de l'équipe de Sarkozy. On savait que la campagne électorale sera dure et rude à l'approche de l'élection présidentielle. Certains, qui se demandaient ouvertement «jusqu'où sont-ils prêts à aller ? », obtiennent des réponses à la hauteur de leurs inquiétudes. La réponse par le racisme de comptoir du ministre Guéant montre qu'il n'y a pas de limites. Et il reste encore deux mois avant l'élection. Dans cette bataille, l'équipe de Sarkozy a une cible prioritaire, l'électorat déboussolé qui vote pour l'extrême droite. Il y a peu, Sarkozy déclarait que la polémique sur le «halal» lancée par Marine Le Pen n'avait pas lieu d'être. Mais son ministre de l'Intérieur reprend le thème à son compte sur le registre de la peur et de la haine. M. Claude Guéant mène la campagne d'un bilan peu reluisant et du vide programmatique en agitant les épouvantails traditionnels du populisme. «C'est une stratégie qui vise à dresser les citoyens les uns contre les autres», a noté avec justesse François Bayrou. Lequel souligne que l'on «ne peut pas se comporter comme ça quand on est aux responsabilités de la France». C'est en effet préoccupant. Il n'échappe à personne que quand M. Guéant dit «étrangers», il signifie «musulmans». Sans la moindre ambiguïté. En définitive, la seule différence entre M. Guéant et Mme Le Pen est qu'ils ne militent pas dans le même parti. Le porte-parole de François Hollande, Bernard Cazeneuve, a estimé que «Claude Guéant est en train de réécrire un petit précis de philosophie politique par la provocation, destiné à une droite extrême qui s'intitulera «L'Etre et le Guéant». Le propos fait allusion au livre «L'Etre et le Néant» de Jean-Paul Sartre. C'est faire cependant trop d'honneur à des propos dont les références jalonnent clairement l'histoire la plus sinistre de l'extrême droite en France et en Europe.