Les autorités algériennes semblent s'intéresser de plus en plus à la diaspora établie à l'étranger. Il faut croire que le gouvernement a enfin compris que la rente pétrolière à elle seule ne pourra jamais développer durablement le pays qui a plus que jamais besoin de ses élites, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. C'est en tous les cas dans ce cadre que depuis hier, un forum de la diaspora algérienne, résidant à Silicon Valley (USA), est organisé à Alger pour jeter des ponts entre cette communauté scientifique et le pays, qui a grandement besoin de savoir-faire et de technologie innovante. Organisé par l'Association internationale de la diaspora algérienne (AIDA), le forum, parrainé par le ministère de l'industrie, de la PME et de l'Investissement, a vu la participation d'une trentaine de chercheurs, d'académiciens et d'ingénieurs algériens de la célèbre technopole de Silicon Valley, en Californie. Silicon Valley était dans les années 1950 une petite «bourgade» où l'on cultivait des orangers. En quelques décennies seulement, ce petit «bourg» est devenu un pôle des industries de pointe et ce, grâce à des étudiants et des autodidactes venus des quatre coins du monde. Dotés de moyens nécessaires, ces «génies», chacun dans son domaine, ont contribué à la création de pas moins de 6.000 entreprises de haute technologie et aujourd'hui de renommée mondiale, notamment Apple, Facebook, Google, pour ne citer que celles-là. C'est donc dans la perspective de profiter de l'expérience de ces Algériens que les autorités du pays se tournent vers eux pour lancer des startups, autrement dit des entreprises innovantes, spécialisées dans les technologies de la communication, Internet, les logiciels, etc. «Notre devoir d'élite est d'offrir de nouvelles perspectives à la jeunesse de notre pays, à travers des exemples et des rencontres comme celle d'aujourd'hui, par la présence de notre intelligentsia des USA, qui se sent investie par une volonté de partage, de développement d'opportunités, d'entreprenariats, de création d'emplois et finalement de création de richesse», a déclaré hier Abdelouahab Rahim, président de l'AIDA. Ce dernier, lors d'une brève allocution, a toutefois tenu à faire savoir que «nos expériences à travers le monde nous ont appris que le développement et la création d'emplois ne peuvent être atteints qu'avec des règles et des lois applicables, écrites et reconnues unanimement par des administrations respectueuses du principe que nul n'est au-dessus de la loi et que toute dérogation ou écart ne peuvent qu'engendrer confusion, conflit et contre- production». Le message est on ne peut plus clair et semble clairement adressé aux responsables algériens, à cause de la législation régissant l'investissement et l'économie, souvent présentée par les spécialistes comme «instable». Moussa Benhamadi, ministre de la Poste, des Technologies de l'Information et de la Communication, lors de son message de bienvenue, a reconnu sans ambages que «seules les entreprises étrangères en Algérie utilisent la diaspora algérienne». Le ministre dira clairement qu'il est temps que cela change. Cela reste bien évidemment un vœu pieux, de l'avis des spécialistes puisque tout le monde sait que les entreprises algériennes, du secteur public en particulier, sont «enchaînées» par des règles bureaucratiques et des résistances au changement, qui font que tout ce qui sort de l'ordinaire est systématiquement banni. Le secteur privé n'est pas en reste. Certains managers, qui continuent à faire des calculs d'épiciers dans la gestion de leurs entreprises, ne peuvent pas concevoir et se lancer dans des financements de projets qui ne sont pas palpables et immatériels et dont les travaux sont basés principalement sur la recherche et l'innovation. Certains se sont même interrogés hier sur la réaction des banques algériennes pour ce qui de la création de startups dans notre pays, sachant que les concepteurs de ce type d'entreprises ne peuvent pas donner de garanties matérielles aux établissements financiers pour la simple raison que tout se passe dans la tête du chercheur et du concepteur du projet. Le projet en question peut représenter une véritable révolution technologique comme il peut être un échec cuisant pour son concepteur. En tous les cas, les expériences vécues dans les pays émergents, notamment la Chine, la Turquie et le Brésil, ont toutes démontré le rôle avant-gardiste des diasporas dans l'émergence d'une économie forte et concurrentielle. Grâce à ses élites établies à l'étranger (USA notamment), le Brésil, à titre d'exemple, a réussi en quelques années à engranger pas moins de 350 milliards de dollars de réserves de change, hors hydrocarbures. Enfin, pour ce qui est de notre pays, il est utile de rappeler qu'un fonds d'investissement privé est déjà lancé par l'Algerian Startup Initiative (ASI), une organisation basée justement à Silicon Valley. Le fonds est destiné aux opérateurs économiques algériens, avait fait savoir il y a quelques temps, Smail Chikhoune, président du conseil d'affaire algéro-américain.