Le premier président de l'Algérie indépendante (1962-1965), Ahmed Ben Bella, est décédé mercredi à l'âge de 96 ans à son domicile familial à Alger. L'état de santé d'Ahmed Ben Bella s'était fortement dégradé ces dernières semaines et il avait été admis à deux reprises à l'hôpital militaire d'Aïn Naâdja. L'ancien président de la République souffrait de problèmes respiratoires. Certains médias s'étaient empressés, à tort, d'annoncer son décès. C'est donc un des chefs historiques de la révolution qui s'en va à la veille de la commémoration du cinquantième anniversaire de l'indépendance. L'homme fut l'icône médiatique de la révolution dont il a été, avec de nombreux militants de l'OS, l'un des précurseurs. Une révolution dont il a accompagné la montée et les divisions qui se sont prolongées après l'indépendance. Né le 25 juin 1916 à Maghnia, dans une famille d'agriculteurs modestes originaire de Marrakech, Ben Bella a fait l'école secondaire de Tlemcen, études qu'il ne poursuivra pas jusqu'au bout. Ce passionné de football - il a joué dans l'équipe de Maghnia mais également à l'Olympique de Marseille pour la saison 1939-40 - faisait partie, en tant qu'adjudant, de ceux qui menèrent la célèbre et dure bataille de Monte Cassino (Italie) en 1944. Comme pour beaucoup d'hommes de sa génération, les massacres du 8 mai 1945 ont constitué un tournant décisif vers la radicalisation nationaliste. Il est en 1945 responsable de la section locale (Maghnia) du PPA et il est élu conseiller municipal. Il participe, avec Hocine Aït Ahmed, alors responsable de l'OS, Organisation secrète, à la fameuse attaque contre la poste d'Oran pour financer l'organisation. Il remplacera Hocine Aït Ahmed à la tête de l'OS en 1949. Quand l'Organisation secrète fut découverte en 1950, il en est toujours le dirigeant. Arrêté, Ahmed Ben Bella a été condamné à 7 ans de prison mais réussit à s'évader de la prison de Blida en mars 1952. Il rejoint la délégation extérieure du PPA-MTLD au Caire. Il fait partie des historiques qui ont décidé du déclenchement de la guerre de libération le 1er novembre 1954. Il est arrêté le 22 octobre 1956 avec d'autres dirigeants du FLN (Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf) dans le premier détournement d'avion de l'histoire commis par l'armée coloniale le 22 octobre 1956. Il fait partie de ceux qui ont contesté le Congrès de la Soummam et ses jugements sur Abane Ramdane ont continuellement suscité des polémiques. A l'indépendance, allié à l'Etat-Major général, le fameux «Groupe d'Oujda» contre le GPRA, Ahmed Bella s'impose premier président de la République algérienne. C'est le temps du discours révolutionnaire et socialiste. Et d'une gouvernance assez chaotique dans un pays sans cadres et éprouvé par une guerre violente. Certains diront que cette intronisation à l'indépendance n'était que le premier étage du coup de force qui s'accomplira, le 19 juin 1965, par le coup d'Etat mené par le ministre de la Défense, Houari Boumedienne. Ben Bella restera en prison, sans jugement, jusqu'en octobre 1980, où il est libéré sur décision du président Chadli Bendjedid. RETOUR Exilé en Suisse, il lance le MDA (Mouvement pour la démocratie en Algérie). Ahmed Ben Bella revient, par bateau, après les émeutes d'octobre. Il en restera un méchant papier outrancier de l'APS intitulé «Qui êtes-vous M. Ben Bella» qui avait profondément choqué. Mais le retour politique escompté et espéré par ses partisans n'a pas eu lieu. L'Algérie avait changé. Une autre «vague» montait, celle de l'islamisme. L'ancien président de la République a pris position contre l'arrêt du processus électoral en janvier 1992. Il fait partie, en janvier 1995, des signataires de la plate-forme du Contrat national (Sant'Egidio), un acte qui suscitera un déchaînement médiatique sans précédent orchestré par le pouvoir. A l'arrivée au pouvoir de Bouteflika en 1999, il lui exprime son soutien. Il le restera jusqu'au bout estimant que le président réalise effectivement l'objectif de réconciliation nationale. L'un des paradoxes de Ben Bella est qu'il a été l'un des plus féroces critiques du chadlisme alors qu'il avait été libéré par Chadli Bendjedid. Et l'un des plus fervents soutiens de Bouteflika alors qu'il faisait partie du 19 juin 1965. Le premier président de la République algérienne s'en va à moins de 4 mois du cinquantenaire. Allah yerahmou !