Le ministère public a requis jeudi la confirmation des peines prononcées en première instance contre les 53 accusés dans l'affaire du transfert illégal de capitaux vers l'Espagne. Le réquisitoire du parquet est intervenu entre deux déchaînements des toges noires. Au premier acte, au lever du rideau de l'audience, la défense réclamait avec vigueur ce qu'elle avait pu en faire un motif de renvoi jeudi 5 avril : la production de l'original de la liste nominative envoyée par l'Espagne à l'Algérie par le canal d'Interpol. Ce «déclencheur» de l'affaire venu de l'autre bout de la mer, les avocats ne pourront jamais voir. La fameuse «liste noire» n'existait pas dans le port-document remis par le représentant de la Douane algérienne, la partie civile. Au lieu et à la place de ce document «top secret», qui comprendrait - à en croire la défense - 101 noms d'Algériens soupçonnés par les autorités ibériques de blanchiment d'argent sale pour entre autres le financement du terrorisme, les avocats ont eu droit d'accès à la liste de 43 personnes dont 27 domiciliées dans l'Oranie, transmise par la Douane au parquet pour mettre en mouvement l'action publique. «Je jugerai cette affaire en fonction du dossier que j'ai entre les mains. Il est hors de question que le procès soit reporté encore une fois sous quelque prétexte que ce soit», a tranché dans le vif le président d'audience. Au deuxième acte, lors de la séance des plaidoiries, la défense fera de l'absence des PV de constat de l'infraction, l'élément matériel du délit, son cheval de bataille. « Aucun élément matériel n'est mis en évidence. Aucun procès-verbal n'a été établi par la douane algérienne ni par la douane espagnole entre 2007 et 2009. Il ne s'agit pas d'une infraction douanière constatée à la suite d'un contrôle d'écriture a posteriori. L'agent verbalisateur n'a ni vu ni relevé à la date de signature de son prétendu procès-verbal aucun élément matériel et aucun corps de délit et il ne se trouvait pas confronté à une infraction douanière proprement dite. Conformément aux dispositions de l'ordonnance traitant de l'infraction au change, la verbalisation de l'infraction ne peut se faire sans PV, le système douanier algérien étant déclaratif, article 252 du code des douanes», plaidera maître Samir Sidi Saïd du barreau d'Alger. Au sortir du prétoir, les commentaires variaient entre deux extrémités. Il y'en a parmi les avocats qui estimaient qu'à la différence de la première instance «qui s'était soldée par un procès expéditif et des sentences trop sévères et, en tout cas, sans commune mesure avec les faits, le débat diligenté par la cour était en revanche équitable et serein». Du point de vue d'autres, «le procès en appel était un pur copier-coller' de la 1e instance ; là aussi la justice voulait se débarasser d'un dossier à problèmes». Une chose néanmoins fait l'unanimité, la sérinité du débat qui était due en grande partie à la décision de la tenue d'une audience exclusive pour ce procès consistant tant par le nombre de mis en cause, et donc des différents intervenants aussi, que par la complexité et la technicité des faits et le montant global sur lequel portent les infractions. Ainsi, le procès ne s'est achevé que vers 1 heure. Le verdict a été finalement mis en délibéré pour jeudi prochain, le 19 avril. Au total, 53 personnes, entre businessmen, commerçants et passeurs de devises, sont poursuivies dans cette affaire. Ils doivent répondre des délits de contrebande (de devises), le transfert illégal de capitaux vers l'étranger en violation de la loi sur les changes et les mouvements de capitaux, ainsi que du blanchiment. Au premier procès, les 53 accusés ont été condamnés tous en bloc. Ils ont écopé de peines entre 10, 7 et 3 ans de prison ferme, assorties de lourdes amendes. Quinze d'entre eux ont été condamnés par défaut à la peine maximale prévue par la loi, à savoir 10 ans d'emprisonnement. Treize accusés, qui étaient en détention provisoire, ont écopé de 7 ans de prison ferme, alors que vingt-cinq autres, en liberté provisoire, ont été condamnés à 3 ans d'emprisonnement. Les 53 personnes condamnées devaient, en outre, verser solidairement un montant faramineux à la Douane algérienne. La partie civile a en effet vu sa demande d'être dédommagée à hauteur de cinq fois le montant global des devises transférées, soit l'équivalent de quelque 3 milliards d'euros, accordée par la justice au titre de l'action civile.